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Tanguy Viel
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« Alors, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
Avec la lumière du soleil qui maintenant frappait le sol et les meubles de vieux bois marqueté, avec l'ombre des croisillons aux fenêtres qui dessinait comme un quadrillage penché sur l'épaisse moquette, elle a fi ni par dire qu'elle était revenue tout récemment, que pour l'instant elle logeait chez son père et qu'elle avait déposé un dossier pour un logement mais que peut-être il pourrait appuyer sa demande et que voilà, ce serait formidable pour elle si... »
Tanguy Viel montre parfaitement les mécanismes de la domination, où la violence physique joue un rôle bien moindre que des phénomènes plus troubles d'emprise psychologique, de fascination sociale ou d'illusion de maîtrise du jeu. (Camille Laurens, Le Monde)
Dans une très belle langue, qui semble donner de l'extraordinaire à un drame ordinaire et du lustre à une affligeante affaire de moeurs, Tanguy Viel monte et démonte sous nos yeux, écrou après écrou, la machine à broyer les humbles et à affranchir les puissants, ordures comprises. (Jérôme Garcin, L'Obs)
Ce roman a paru en 2021. -
Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
« Article 353 du code pénal, septième roman de Tanguy Viel, est porté par la très belle voix de cet homme floué, quinquagénaire comme vieilli avant l'heure par le poids des infortunes et des échecs. Un homme las dont les mots s'emploient à construire la pensée, à tenter de comprendre l'agencement fatal des circonstances qui l'ont mené au meurtre. Des mots, des phrases par lesquels il cherche désespérément à tracer, dans l'espace sonore du bureau du juge, pour lui-même autant que pour le magistrat, la ligne droite des faits. [...]
De multiples passerelles relient Article 353 du code pénal aux précédents opus de Tanguy Viel. Ce n'est pas dire que l'écrivain se répète. Au contraire, il bouge, il change, il se déploie. Dans un même mouvement, il approfondit sa méditation sur le choix moral, la responsabilité individuelle, le destin, et précise son geste romanesque en prenant ses distances avec les codes des littératures (et du cinéma) de genre dont il a naguère beaucoup usé. Délaissant quelque peu l'ironie au profit d'un réalisme virtuose et d'un humanisme pleinement assumé, il s'appuie sur ses personnages pour irriguer son roman d'une réflexion toute métaphysique sur le mal en l'homme. » (Nathalie Crom, Télérama)
Ce roman est paru en 2017. -
Ce livre, j'ai choisi de l'appeler Vivarium. Mais qu'est le vivarium ici ? Cette série de fragments qui se voudraient abris vitrés pour la mouvante pensée ? Ou bien la vie elle-même qui nous enveloppe et nous prête, comme le biotope de l'animal, un milieu où tenir ? C'est là en tout cas que j'ai résidé un temps, au creux de cette indistinction, dans les échanges incessants du vivant et du nommé, où l'on découvre quelquefois, à la lisière de toutes les choses, de fugaces résolutions, précipités de langage qui semblent, plus qu'à l'ordinaire, faire scintiller le cristal de l'expérience. Or dans l'expérience il y a de tout : des villes et des fleuves, des souvenirs et des questions, des fleurs et des livres, du vent et des lignes d'horizon.
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Il est évident que la fortune pour le moins tardive de ma grand-mère a joué un rôle important dans cette histoire. Sans tout cet argent, mes parents ne seraient jamais revenus s'installer dans le Finistère. Et moi-même sans doute, je n'aurais jamais quitté Brest pour habiter Paris. Mais le vrai problème est encore ailleurs, quand il a fallu revenir des années plus tard et faire le trajet dans l'autre sens, de Paris vers Brest.
« Tanguy Viel est un romancier rare par sa double maîtrise du style et de l'intrigue. On se laisse envoûter par ses phrases verglacées, son suspense joué puis déjoué, ses silhouettes dépareillées. On fait mille détours inutiles puis on est soudain de retour sur les lieux du crime, où tournent dans le ciel des vautours. » (Marie-Laure Delorme, Le Journal du dimanche)
« C'est à Brest que l'écrivain a planté son théâtre, pas au grand air vivifiant de l'océan mais dans celui vicié de maisons aux murs de granit épais. Autant dire au bout du monde, dans ce Finistère où ses personnages sont travaillés à la fois par l'appel du large et par le carcan séculaire des usages provinciaux. Et c'est l'argent qui sera le nerf de la guerre. » (Sabine Audrerie, La Croix)
« En revisitant avec une grande rigueur le roman noir, ce jeune romancier construit une oeuvre mélancolique, non sans humour. Son écriture va en se dépouillant, toujours aussi efficace, précise, visuelle, d'une remarquable économie. » (Isabelle Rüf, Le Temps) -
Du jour où j'ai décidé d'écrire un roman américain, il fut très vite clair que beaucoup de choses se passeraient à Detroit, Michigan, au volant d'une vieille Dodge, sur les rives des grands lacs. Il fut clair aussi que le personnage principal s'appellerait Dwayne Koster, qu'il enseignerait à l'université, qu'il aurait cinquante ans, qu'il serait divorcé et que Susan, son ex-femme, aurait pour amant un type qu'il détestait.
« Il ne faut pas s'y tromper : malgré les apparences, Tanguy Viel n'a pas écrit un roman américain, mais une fiction typiquement made in France. Toute de références, de clins d'oeil et d'ironie. Avec pour décor en trompe-l'oeil les États-Unis, leur littérature et ses poncifs. [...]
De tout cela surgit un véritable petit joyau littéraire. Assurément le livre le plus enlevé de Tanguy Viel, formidable exercice d'écriture et de lecture critique. Se déployant sur deux niveaux à parts égales : la tenue d'une fiction américaine, à laquelle ne manque aucun des accessoires convenus de l'appareillage narratif ; un travail systématique de distanciation qui en exhibe les tics et les habitudes paresseuses. » (Jean-Claude Lebrun, L'Humanité)
« La jubilation qui naît de ce roman, le sourire qui ne nous quitte jamais tient entre autres à ce qu'on se laisse mener par un narrateur qui joue avec le conditionnel, le futur ou le passé [...]. Des ellipses feront deviner. Ou bien des fins de chapitre qui ménagent le suspense, comme il convient dans toute fiction américaine, qu'elle soit écrite ou filmée. L'art de Tanguy Viel repose sur sa passion du cinéma. [...] Cinématographique jusque dans le développement de la phrase. Elle tourne, elle ressasse, elle emprunte à l'oral, elle joue du retardement, laissant exploser le mot final, celui qu'on attendait avec l'impatience de l'enfant qui écoute un conteur, à la fois inquiet et joyeux. » (Norbert Czarny, La Quinzaine littéraire)
Ce roman est initialement paru en 2013. -
« L'Absolue perfection du crime reprend l'un des poncifs les plus usés du cinéma de genre, l'histoire d'un hold-up raté - le casse manqué d'un casino - qui renvoie, de Verneuil à Melville pour ne parler que des Français, à un nombre incalculable de séries B et à quelques chefs-d'oeuvre. Ceux qui, à l'instar du roman de Tanguy Viel, réussissent à s'approprier la mythologie et à se jouer des codes narratifs. Viel ne s'en prive pas et n'évite aucune des scènes les plus attendues : les retrouvailles à la sortie de prison, la préparation minutieuse du plan, le casse du casino avec évasion du magot par la voie des airs au moyen d'une montgolfière téléguidée, le partage du butin, l'arrestation, les trahisons, la vengeance... Jamais pourtant le roman ne se défait de son absolue singularité. Parce que l'écrivain réussit, à travers le cheminement de ses antihéros, de petits mafieux piégés par leurs rêves, des hommes fatigués qui font semblant d'y croire, à imprimer son propre univers, déjà sensible, on l'a vu, dans son premier roman. Mais surtout parce que L'Absolue perfection du crime est, une fois encore, une éblouissante réussite formelle. Construit au cordeau, en trois actes impeccables menés tambour battant, ce roman impressionne d'abord par sa virtuosité et son inventivité narratives. » (Michel Abescat, Télérama)
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« Faut-il priver le lecteur du bonheur de découvrir, détail après détail, le fin mot - s'il existe vraiment - de cette machination à double fond, comme les valises en apparence insoupçonnables et dissimulatrices d'inquiétants secrets ? Certainement pas. Et, pourtant, tout révéler d'emblée n'aurait pas une importance capitale, car on n'est pas, avec Insoupçonnable, dans l'une de ces intrigues policières où connaître à l'avance certaines clés, voire le dénouement, gâche le plaisir.
Comme dans ses trois autres romans, Tanguy Viel, qui sait construire un suspense et ne s'en prive pas, s'intéresse plus profondément à autre chose qu'à ce schéma narratif. Aux atmosphères, qu'il sait remarquablement créer, aux lieux - la mer est souvent présente, est-ce parce qu'il est né à Brest ? -, aux objets, aux comportements effrayants, inimaginables, que peuvent avoir des gens au premier abord anodins, à leurs manies, à leurs secrets de famille, à leurs désirs inavouables.
Un mariage chic au bord de la mer : joli début. Ne pas s'y fier. Le narrateur, Sam, vient d'être témoin au mariage de sa soeur, Lise, avec un homme riche qui a 50 ans - le double de son âge. Henri Delamare, le marié, veuf depuis quelque temps, possède une fortune familiale, qu'il a su faire fructifier. Il est commissaire-priseur.
Lise travaillait dans un bar de nuit fréquenté, en toute discrétion, par des messieurs très bien. Elle refusait de faire l'amour, contrairement à d'autres. C'est toutefois avec elle seulement qu'Henri voulait passer ses soirées. Et, un beau jour, il l'a demandée en mariage. Pourquoi a-t-elle accepté, alors qu'elle vivait avec un homme ? C'est toute une partie de l'histoire.
On comprend vite que Sam est un frère de pacotille et un véritable amant, celui de Lise, et que ce mariage cache un plan insoupçonnable. Encore une affaire de crime parfait, comme le hold-up de L'Absolue perfection du crime devait être parfait et sans une goutte de sang versé. Là non plus, en principe, il n'y aura nulle violence, juste une habile manière de récupérer de l'argent - de quoi rêve-t-on quand on manque d'argent ? - et de filer en Amérique, ou plutôt aux States, comme dit Lise, tentant d'imiter l'accent des stars américaines.
Bien sûr, ça va rater, mais on ne vous dira pas ici comment - et, finalement, Tanguy Viel lui aussi vous demande de le deviner plus encore qu'il ne vous le montre. » (Josyane Savigneau, Le Monde) -
Icebergs est une série de promenades dans les allées d'une pensée qui tourne et vire, une pensée à vrai dire obsédée par les formes qu'elle peut prendre. Cette nature inquiète qui l'abrite se demande surtout comment les autres, tous les autres, ont fait avant elle. Alors elle enquête, elle arpente les rayons des bibliothèques, elle se promène sur internet, elle se renseigne sur la vie des écrivains, elle s'assied sur un banc - autant de manières pour elle de résoudre l'énigme de son expression rêvée, ici présentée en courts essais « arctiques », parties visibles et flottantes de la pensée.
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Paul, le saxophoniste, ils l'ont surnommé John à cause de John Coltrane, Georges, à la contrebasse, c'était Jimmy, et Christian, c'était devenu Elvin. Même la maison sur l'île, quand ils se sont installés ensemble pour jouer, ils ont voulu la surnommer : ils l'ont appelée Black Note. Mais la maison maintenant n'existe plus, et le quartette non plus. De la clinique où on l'a conduit, le narrateur et trompettiste du groupe continue de ressasser ce temps de la vie commune. Très vite, le récit se concentre autour d'un événement : Paul, sa mort, et les circonstances obscures qui l'entourent.
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On dit que ça ne lui plaisait pas tant que ça de faire des miracles. Souvent il fallait le prier et il s'exécutait de mauvaise grâce. Mais attendu qu'il commença vers trente ans et qu'il mourut à trente-trois, il tint une bonne moyenne d'un miracle par mois. " C'est sur ce ton de malice, entre ironie et poésie, que Tanguy Viel réécrit la biographie du plus célèbre des hommes. Retraçant les étapes canoniques de la vie de Jésus, à la fois documenté et romanesque, ce récit " flaubertien " doit autant aux évangiles qu'au péplum hollywoodien. On peut se demander, avec Bruno Bouvet (La Croix), " par quel miracle, précisément, le jeune écrivain, renommé pour des romans qui n'ont rien de spécifiquement chrétien et encore moins d'authentiquement pieux, réussit-il à s'approprier le plus universel des récits littéraires ? "".
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« Cent jours autour du monde, en 2018, cela relève presque de l'ordinaire (...) ; chacun ressent qu'on tourne autour de la terre comme aussi bien on prendrait une ligne de tram d'un bout à l'autre, en regardant le ciel défiler au-dessus des nuages. À ceci près que nous, Christian et moi, nous ne prenons pas l'avion. C'est même la seule règle établie, celle qui justifie qu'on mette tout ce temps pour seulement faire une boucle : en cargo, en train, en voiture, à cheval s'il le faut, mais pas en avion - quelque chose comme le voyage de Philéas Fogg en un peu plus long, volontairement plus long même, à l'opposé du pari qu'il fit quant à lui de la vitesse et de la performance. Et non pas parce qu'on se soutiendrait de l'idée absolument inverse d'une lenteur sans limites, mais enfin, il est vrai, en bons romantiques attardés, qu'à la performance on opposera volontiers la promenade, à la vitesse la flânerie, enfin, en bons bouddhistes zen, à l'oeuvre accomplie le trajet qui y mène. »
L'un, Christian Garcin, est un grand voyageur, dont l'oeuvre se nourrit de ses pérégrinations ; l'autre, Tanguy Viel, un sédentaire qui croyait avoir signé la pétition de Beckett, « on est cons, mais pas au point de voyager pour le plaisir ». Ensemble, ils se sont lancé un défi : parcourir le monde, de l'Amérique à la Sibérie en passant par le Japon et la Chine, sans jamais prendre l'avion. Récit né de ce périple, enrichi d'inventaires facétieux et de « lettres à un ami » relatant des rencontres insolites, Travelling est surtout une méditation littéraire inoubliable sur le voyage, sur notre rapport à l'espace et au temps, sur la confrontation entre le réel et ce qu'on imagine.