La croissance occupe aujourd'hui une place centrale dans la gouvernance publique. Parce qu'elle soutiendrait la création d'emplois, assurerait le financement de la sécurité sociale, allégerait le fardeau de la dette, favoriserait les investissements, l'augmentation constante du produit intérieur brut serait devenue indispensable à la prospérité collective. Dès son émergence cependant, cet « imaginaire croissanciel » - qui a su séduire à gauche comme à droite - s'est attiré des critiques d'ordre anthropologique (la croissance infinie du pouvoir d'achat ne signe pas l'épanouissement humain), écologique (la quête éperdue de points de croissance se heurte au mur des limites planétaires) et social (cinquante ans d'agenda croissanciel n'ont pas empêché les inégalités de se maintenir). La crise économique qui a éclaté en 2007 et les signes toujours plus tangibles des bouleversements climatiques à venir ont donné à ces critiques une acuité nouvelle. Et le droit dans tout cela ? Nos règles juridiques reflètent-elles l'emprise de l'imaginaire croissanciel ou autorisent-elles d'autres conceptions du progrès humain ? Et les juristes ? Ont-ils les moyens et la légitimité pour traduire dans les règles de droit les aspirations à une prospérité sans croissance ? Ce sont ces questions difficiles que cet ouvrage aborde, couronnant trois années de travaux au sein du Séminaire interdisciplinaire d'études juridiques. Gageons que le lecteur y trouvera une source d'inspiration et un programme de recherche à la hauteur des défis de notre époque.
La libre circulation et les droits fondamentaux constituent des piliers de la construction européenne. La libre circulation incarne le « rêve européen » d'un marché unifié, d'un espace économique intégré synonyme de richesse et de prospérité. Les droits fondamentaux évoquent quant à eux l'image d'une Europe humaine et citoyenne, fondée, sur le respect de la dignité de chacun. Suprêmes, absolus, intraitables dans le ciel des idées, qu'advient-il de ces principes lorsqu'ils se retrouvent convoqués ensemble devant le juge de l'Union européenne ? Cette question se trouve au centre du présent ouvrage, qui s'efforce de défaire les préjugés sur les rapports entre l'Europe du marché et celle des droits de l'homme. Il s'ouvre sur une mise en contexte historique et comparative, qui retrace la montée en puissance des droits de l'homme dans l'Union européenne et promène le regard sur les expériences des ordres juridiques voisins. Vient ensuite une partie consacrée à la dissection de la jurisprudence communautaire, qui révèle toute la complexité des interactions entre la libre circulation et les droits fondamentaux. Cette analyse débouche enfin sur des prises de position audacieuses et tranchées, qui prétendent guider pas à pas les juges de Luxembourg dans la résolution des affaires où sont invoqués tantôt face à face, tantôt côte à côte, les impératifs de la libre circulation et le respect des droits fondamentaux. En contrepoint de cette analyse de droit positif, le présent ouvrage propose une réflexion sur l'évolution du droit contemporain. Prenant acte de l'estompement des frontières censées borner la « chose juridique », cette étude offre un vibrant plaidoyer contre la démission du droit et sa dilution dans l'utilitarisme des sciences économiques, dans le pragmatisme de la décision politique ou dans l'équité du jugement moral. L'auteur y professe sa foi dans le génie juridique, mais un génie dessillé sur les réalités mouvantes du droit moderne, un génie personnifié dans la figure - à la fois chimérique et éclairante - du juge traducteur.
Cet ouvrage constitue le premier volume d’un triptyque consacré à une analyse critique et contextuelle du droit institutionnel de l’Union européenne.
Ce sont les racines mêmes de l’Union européenne qui forment l’objet de ce premier tome. À la faveur de larges échappées, soigneusement articulées, sur l’histoire, la théorie du droit et la théorie politique, et sans rien sacrifier à la rigueur juridique, on y examine tour à tour les fondements historiques, constitutionnels, structurels et idéologiques de l’Union. Si ce premier tome brasse un grand nombre de sujets (Europe des régions, droits fondamentaux, citoyenneté, gouvernance économique, etc.), il est tout entier sous-tendu par une thèse forte : ni État fédéral, ni confédération d’États, l’Union européenne est une fédération plurinationale fondée sur un pacte constitutionnel. À ce titre, elle ne peut se penser sans les outils du pluralisme juridique et ne saurait prospérer sans les ressources d’une éthique que les auteurs trouvent dans un modèle approprié au sujet, celui de la traduction.
Deux autres volumes à paraître viennent compléter ce premier tome. L’un porte sur l’élaboration et le fonctionnement du droit de l’Union, détaillant les rouages de la fabrique des règles européennes et faisant le point sur l’état actuel des rapports de force entre institutions.
L’autre brosse un panorama de l’ordre juridique de l’Union et de son système juridictionnel, dressant l’inventaire de ses sources et examinant son autorité à l’égard des droits nationaux.
Cet ouvrage, et en particulier ce premier volume, s’adresse à toute personne curieuse d’en apprendre davantage sur l’Union européenne. Il intéressera au premier chef les étudiants en droit, en sciences politiques et en affaires européennes ainsi que les avocats, les magistrats et les autres praticiens des institutions européennes.