« Le terme islamophobie est mal choisi s'il doit désigner la haine que certains tarés ont des musulmans. Il n'est pas seulement mal choisi, il est dangereux. » Charb
Rachid, Mourad et Younès se sont rencontrés dans un forum de discussion sur internet. Un jour, ils ont fait le choix de rompre avec l'emprise de leurs milieux et de couper avec leurs idéologies nauséabondes. C'est là que leurs ennuis ont commencé. Aujourd'hui, ils mènent une double vie, n'osant point afficher leurs convictions.
La noble tâche d'enseigner dans une école à discrimination positive au coeur de Bruxelles vire au cauchemar. Dans cette institution, l'écrasante majorité des enseignantes musulmanes y sont voilées et celles qui ne le sont pas cheminent avec mille et une contraintes. Les enseignants qui ne sont pas musulmans sont systématiquement taxés de racistes s'ils émettent la moindre réserve sur le voile ou sur l'islam.
À Bruxelles, il est plus facile pour un salafiste de déambuler dans la ville, affichant sans gêne les symboles de son orthodoxie, que pour un laïque musulman de boire un café en plein mois de ramadan dans certains quartiers fort communautarisés.
Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi n'aurait-on pas la possibilité d'avoir des sentiments personnels, une trajectoire personnelle, des choix personnels, de croire ou ne pas croire en Dieu, d'embrasser l'être désiré, dès lors qu'on est né musulman ?
C'est cette histoire que Djemila Benhabib souhaite vous raconter, à travers les témoignages de laïques ayant un héritage musulman. Le constat que ces témoins directs dressent de la poussée de l'islam politique est plus que préoccupant. Dans notre pays comme ailleurs en Europe, l'islamisme avance à bas bruit, dévoilant au grand jour la fragilité de nos démocraties. Du point de vue d'une certaine gauche identitaire, critiquer l'islam revient à stigmatiser les musulmans (considérés comme un bloc homogène), et le facteur culturel invoqué incite à moduler les droits et libertés pour les rendre « compatibles » avec l'idée qu'on se fait de « l'identité musulmane ». De l'autre côté, l'extrême-droite a trouvé un boulevard pour s'emparer de ces sujets « chauds » et démontrer l'échec de l'intégration musulmane. Une voix manque cependant à l'appel : celle des laïques musulmans. Rien n'est fait pour accueillir leur parole dans l'espace public. Bien au contraire, tout est mis en place pour les dissuader de s'exprimer.
La marche arrière est enclenchée. Jusqu'où ira-t-on dans nos compromissions, dans nos « accommodements raisonnables », face à ce qu'on pourrait, désormais, appeler « le droit de ne pas être dérangé » ?
La critique de l'islam politique ne relève pas du racisme. Il faut résister à cette imposture pour sortir de la confusion. » Djemila Benhabib
« Un nouveau mot a été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l'islamophobie. » Salman Rushdie
Quand Djemila Benhabib a pris connaissance du rapport de la commission Bouchard-Taylor, elle a été outrée qu'on demande aux Québécois d'accueillir favorablement toutes les requêtes faites au nom de l'islam. Sous prétexte de tolérance, les commissaires ont ainsi confondu musulmans et islamistes, alors que ces derniers ne sont qu'une petite minorité parmi les immigrants de culture musulmane. Or, les islamistes, Djemila Benhabib les connaît bien et elle a toutes les raisons de s'en méfier. En Algérie, où elle a vécu, elle les a vus envahir l'espace public, en tirant parti des défaillances de l'État et en pratiquant la terreur, elle les a vus imposer leur programme politique et infliger aux femmes leur tyrannie. En France, où sa famille a trouvé refuge, elle les a vus exercer des pressions insoutenables auprès des populations maghrébines pour les garder en dehors de la société d'accueil. Au Québec, elle les a vus réclamer des passe-droits et des privilèges, en invoquant la Charte des droits et la liberté de religion. C'est leur stratégie éprouvée qu'elle expose ici et qu'elle dénonce, dans un témoignage solidement documenté, mais auquel elle donne de touchants accents personnels, parce qu'il remue en elle une histoire encore douloureuse.
Le 11 septembre 2001 a marqué l'irruption spectaculaire de la violence des soldats d'Allah en Amérique, dans le combat - le dijhad - qu'ils mènent depuis longtemps pour faire prévaloir une vision politique qui rejette bien des valeurs que les Occidentaux tiennent pour acquises: la séparation du politique et du religieux, l'égalité des hommes et des femmes, l'égalité de tous les citoyens face à la loi indépendamment de leurs convictions religieuses...
Djemila Benhabib revient sur l'histoire des peuples de culture musulmane pour montrer comment l'islam politique en est venu à supplanter les mouvements démocratiques et féministes, qui étaient pourtant apparus au Moyen-Orient en même temps qu'en Occident. Elle souligne la part de responsabilité des États-Unis dans ce gâchis, eux qui ont renié leurs valeurs fondatrices pour s'assurer en approvisionnement stable en pétrole auprès de l'Arabie saoudite qui finance les réseaux islamiques les plus réactionnaires. Elle fait l'histoire de l'implantation en Europe et en Amérique des Frères musulmans et de leur stratégie pour imposer l'intégrisme islamique sur la place publique, en tirant parti des chartes des droits et de la promotion du multiculturalisme. Elle se sert de l'exemple québécois pour illustrer comment les bien-pensants de gauche et autres partisans de la "laïcité ouverte" deviennent les alliés objectifs, les "idiots utiles", de ces dangereux militants antidémocratiques.
Dans un récit en arabesque qui passe du général au particulier, qui entremêle l'analyse des idéologies aux exemples de leurs conséquences réelles sur les individus, en Égypte ou en Iran aussi bien qu'au Québec ou en Belgique, Djemila Behabib lance ici un appel à la vigilance démocratique et un plaidoyer sans concession pour la laïcité.
Au printemps 2012, Djemila Benhabib a vécu au rythme du Caire et de Tunis. Avec la curiosité et la passion qu'on lui connaît, elle s'est imprégnée du quotidien et des préoccupations des habitants des deux capitales pour mieux dépeindre l'histoire en marche, celle de deux grands pays que de courageuses insurrections populaires ont débarrassés de leurs dictateurs.
Au coeur du combat pour l'avènement de véritables démocraties dans le monde arabe et musulman, deux batailles décisives sont en cours : l'une pour la liberté des femmes, et l'autre, pour la séparation des pouvoirs politique et religieux. En Tunisie comme en Égypte, les victoires électorales de l'islamisme politique mettent en effet en grave péril des acquis laïques et progressistes obtenus de haute lutte par le passé. D'où viendra la lumière ? Djemila Benhabib est convaincue, avec d'autres, que ce sont les femmes qui achèveront les révolutions du printemps arabe.
Voici un livre sensible et lucide qui nous fait découvrir les aspirations de millions de femmes et d'hommes qui ne souhaitent rien d'autre que l'égalité et la justice.