Terre de conquêtes, de violences et de métissages, le Sud de l'Afrique fascine : ce furent d'abord les pionniers africains, nomades ou défricheurs, qui découvrirent et transformèrent ces immensités. Puis des voyageurs d'Occident abordèrent le cap de Bonne-Espérance, croyant y voir briller les feux de l'Inde. Ceux qui vinrent ensuite convoitaient le bétail, la terre, le diamant et l'or. L'histoire de l'Afrique du Sud est celle d'un long peuplement qui, depuis des siècles, redessine les frontières et bouleverse les identités.
Dans la fournaise de ce creuset, les hommes mêlent leurs sangs et leurs croyances, forgent leurs différences : Noirs et Blancs, Coloureds, Indiens, Afrikaners, Zulu, Khoesan... Qui sont-ils, ou plutôt qui veulent-ils être ?
Cette histoire africaine est aussi hantée par les multiples visages de la domination et de la soumission. L'apartheid, cet idéal délirant d'ordonnancement du monde, de mise en fiche de l'identité humaine, voulait arrêter le temps, celui qui métisse les peaux et mélange les cultures. Mais l'histoire a repris son cours. Comme un défi à son passé, l'Afrique du Sud continue de s'inventer.
Déjouer les arrière-pensées et les silences de la production d'écrits ; interroger les conflits de narration que suscite le recours à l'oralité ; reconnaître les vérités de la mémoire ou surprendre son pouvoir d'occultation ; percer les écrans de censure et de représentation : telles sont les ruses que déploie l'historien dans son travail quotidien. Parce que l'Histoire se joue de ceux qui la reçoivent ou la scrutent, la ruse est une qualité cardinale de l'enquête historienne. Et sa nécessité est peut-être plus grande encore lorsqu'il s'agit de l'histoire de l'Afrique, enrobée de biais, de préjugés et de représentations faussées.
Les enquêtes réunies dans ce livre, qui vont de l'Afrique ancienne au monde contemporain, du terrain à la bibliothèque, du document au récit, s'emploient au décryptage du passé, attentives à la variété des sources, aux rapports du pouvoir et de l'écrit, aux formes de la transmission, à l'historiographie.
Jean Boulègue, à la mémoire de qui ce livre est dédié, était professeur d'histoire de l'Afrique à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a laissé, chez tous ses amis, élèves et collègues, le souvenir et le modèle d'une intelligence pénétrante, précise et rusée du passé et du monde.
François-Xavier Fauvelle-Aymar, directeur de recherche au CNRS au laboratoire TRACES (UMR 5608) à Toulouse-le-Mirail, et Bertrand Hirsch, professeur à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, sont tous deux historiens de l'Afrique à l'époque médiévale.
Ont contribué à cet ouvrage : Monique Chastanet, Gérard Chouin, Liliane Daronian, Christian Décobert, Marie-Laure Derat, Françoise Doutreuwe, Chouki El Hamel, Rokhaya Fall, François-Xavier Fauvelle-Aymar, Philip J. Havik, Bertrand Hirsch, Job Kasantchis, Nicole Lemaitre, Maria Emília Madeira Santos, Peter Mark, Henri Médard, Sophie Narain, Claude-Hélène Perrot, David Robinson, Bernard Salvaing, Christian Seignobos, Robin Seignobos, Jose da Silva Horta, Tal Tamari, André Thiéblemont, Imke Weichert.
Il y a un demi-siècle, le chercheur sénégalais Cheikh Anta Diop posait la question de la négritude de l'Egypte et de l'antériorité des civilisations nègres. Aujourd'hui, c'est d'Amérique du nord que nous viennent les échos d'une telle contestation de l'histoire écrite par les Blancs. Les thèmes en sont multiples. Ne serions-nous pas tous les enfants d'une Eve noire ? La première civilisation ne fut-elle pas africaine, rayonnant ensuite de son berceau égyptien dans la Grèce classique ? L'objet de ce livre est de mieux connaître l'argumentation de ce courant dit afrocentrisme, d'en discuter les sources et les méthodes, d'en comprendre les motivations et d'en analyser les réseaux, sans oublier ni les siècles d'oppression et de discrimination pesant sur la condition noire, ni les aspirations actuelles à une renaissance.