« Au début des années 1950, quelque chose change à Longwy. Pour la première fois les divisions ethniques ne jouent pas. Français et Italiens luttent côte à côte. Par ces grèves, la deuxième génération italienne signe son entrée dans la "vie active". Elle n'a pas oublié l'exploitation féroce qu'ont subie ses parents. Dès lors, il faut voir dans ces luttes comme une manière pour ces enfants devenus grands de réaliser ce qu'on avait toujours interdit à leurs parents : exprimer publiquement et collectivement leur haine pour un système qui les avait toujours niés en tant qu'individus, citoyens et producteurs. »
En retraçant un siècle d'histoire industrielle et sociale, dans le bassin sidérurgique lorrain où les maîtres de forges sont longtemps restés tout puissants, Gérard Noiriel éclaire de manière décisive la question des rapports entre classes sociales et immigration. Ici, l'inclusion des étrangers dans la nation est passée par l'identification à la classe ouvrière. Ce livre fondateur de la socio-histoire de l'immigration montre la lente construction - puis le rapide déclin - d'un groupe ouvrier fort et soudé autour de l'engagement communiste.
« En 1841, dans son discours de réception à l'Académie française, Victor Hugo avait évoqué la "populace" pour désigner le peuple des quartiers pauvres de Paris. Vinçard ayant vigoureusement protesté dans un article de La Ruche populaire, Hugo fut très embarrassé. Il prit conscience à ce moment-là qu'il avait des lecteurs dans les milieux populaires et que ceux-ci se sentaient humiliés par son vocabulaire dévalorisant. Progressivement le mot "misérable", qu'il utilisait au début de ses romans pour décrire les criminels, changea de sens et désigna le petit peuple des malheureux. Le même glissement de sens se retrouve dans Les Mystères de Paris d'Eugène Sue. Grâce au courrier volumineux que lui adressèrent ses lecteurs des classes populaires, Eugène Sue découvrit les réalités du monde social qu'il évoquait dans son roman. L'ancien légitimiste se transforma ainsi en porte-parole des milieux populaires. Le petit peuple de Paris cessa alors d'être décrit comme une race pour devenir une classe sociale. »
La France, c'est ici l'ensemble des territoires (colonies comprises) qui ont été placés, à un moment ou un autre, sous la coupe de l'État français. Dans cette somme, l'auteur a voulu éclairer la place et le rôle du peuple dans tous les grands événements et les grandes luttes qui ont scandé son histoire depuis la fin du Moyen Âge : les guerres, l'affirmation de l'État, les révoltes et les révolutions, les mutations économiques et les crises, l'esclavage et la colonisation, les migrations, les questions sociale et nationale.
Historien, directeur d'études à l'EHESS, Gérard Noiriel a notamment travaillé sur l'articulation de l'immigration, de la nation et des sentiments xénophobes. Il livre avec cette Histoire populaire de la France la synthèse de toute une vie de recherches et d'engagements.
« Pour les marxistes, les ouvriers qui manquaient de "conscience de classe" étaient aliénés, victimes de l'idéologie dominante. Grâce aux intellectuels qui disposaient de la bonne théorie révolutionnaire, ils retrouveraient leur véritable identité. À l'opposé, Bourdieu défend l'idée que c'est en respectant l'autonomie de la science que le sociologue peut échapper aux travers de l'intellectuel engagé et la sociologie jouer un rôle utile dans la cité. Car produire des connaissances sur les acteurs du monde social, ce n'est pas parler à leur place, ni leur dire comment se comporter. Là où règnent les injustices, les inégalités et les discriminations, c'est avant tout à mettre en lumière ces vérités que la science sociale doit s'attacher. »
La « question raciale » occupe désormais la place publique. Les auteurs de ce livre ont voulu sortir de l'agenda médiatique et politique et mettre le débat sur le terrain de l'autonomie des sciences sociales. Ils reviennent sur l'histoire des enjeux politiques et savants qui se sont noués au xixe siècle autour de la notion de race, pour éclairer les débats actuels et les inscrire dans la continuité de la science sociale telle que la concevaient Durkheim, Weber et Bourdieu. Pour ne pas s'en tenir à des visions trop générales ou théoriques, ils proposent aussi l'analyse d'un « scandale racial » particulier, celui des « quotas » dans le football.
Stéphane Beaud est sociologue. Ses travaux, qui reposent sur des enquêtes ethnographiques, s'attachent depuis plus de trente ans à étudier les transformations des classes populaires, notamment immigrées : à l'usine, face à l'école, dans les cités ou le sport (football).
Historien, Gérard Noiriel a notamment travaillé sur l'articulation de l'immigration, de la nation et des sentiments xénophobes. Il a publié en 2018 Une Histoire populaire de la France, synthèse de toute une vie de recherches et d'engagements.