Henri Troyat, né en 1911 à Moscou, est romancier et biographe. Il a obtenu le prix Goncourt en 1938 pour L'Araigne. Parmi ses livres parus chez Grasset, rappelons : Terribles Tsarines (1998), Maria Tsvetaeva (2001), L'étage des bouffons (mars 2002), La baronne et le musicien (janvier 2004)
Le Livre:
Alexandre II avait été un modèle d'ouverture d'esprit et de libéralisme : c'est lui qui abolit le servage en Russie. Les révolutionnaires extrémistes décidèrent de l'abattre. Il fut assassiné en 1881. Son fils lui succéda, sous le nom d'Alexandre III. Jusqu'à sa mort, en 1894, il s'employa à restaurer l'autocratie avec une fermeté impitoyable. Après avoir fait exécuter les régicides coupables de la mort de son père, il s'appuya sur les ministres les plus réactionnaires pour gouverner...
Création d'une redoutable police politique, censure préventive, surveillance étroite des étudiants, contrôle des écoles primaires par le Saint-Synode orthodoxe, encouragement de l'antisémitisme pour servir de dérivatif à l'agitation révolutionnaire, organisation de sanglants pogromes : ce tsar n'a laissé le souvenir que d'un esprit autoritaire et borné.
Il fallait tout le talent d'un Henri Troyat pour redresser un peu cette image et peindre le portrait vivant d'un homme plus nuancé. Et qui se racheta par sa politique extérieure : il détacha la Russie de l'Allemagne et fut l'artisan du rapprochement avec la France, préparé par les visites de l'escadre russe à Toulon et de l'escadre française à Saint-Pétersbourg, et scellé par l'alliance franco-russe que commémore le pont Alexandre III à Paris. Tous ces événements sont racontés avec une précision émaillée de formules brillantes.
Qui remplacera Pierre le Grand ? Qui succédera au réformateur despotique et visionnaire ? A la mort du Tsar, en 1725, toute la Russie s'inquiète. Les grandes familles complotent, les proches du pouvoir intriguent : on cherche en vain un maître, un descendant en âge de régner, s'imposant à tous... ou ne gênant personne. Mais on ne s'accorde que sur des femmes !
Et quelles femmes ! Trois impératrices et une régente, qui tiendront l'empire pendant trente-sept ans : Catherine Ier, Anna Ivanovna, Anna Léopoldovna, Elisabeth Ire. Chacune de ces autocrates imposera à la nation son caractère violent, dissolu, ses amours, ses foucades, ses cruautés. Et ses extravagances. Terribles tsarines ! La cour est une arène où les fauves ont des appétits capricieux. On dirait que c'est la même créature sensuelle, désordonnée, courageuse souvent, qui passe d'un règne à l'autre. Parfois la sainte Russie semble vaciller...
Dans ces pages d'or et de glace, Henri Troyat nous conte le destin de ces tsarines peu connues, éclipsées par la personnalité de Pierre le Grand... et par celle de Catherine la Grande, qui leur succéda en 1761. C'est un monde qui renaît ici, un empire tenu par le fer et par les femmes.
Le fils de Catherine la Grande, né en 1754, est un enfant fragile. Enlevé à sa mère dès son plus jeune âge, il est élevé dans les appartements impériaux par une cohorte de nourrices sous l'oeil autoritaire de sa grand mère, la tsarine Elizabeth. Privé de la tendresse maternelle, Paul est un garçon sensible et craintif, d'humeur changeante. Témoin des luttes politiques entre son père Pierre III, et sa mère la Grande Duchesse, l'enfant en devient bientôt l'enjeu. Lorsque Catherine monte sur le trône de toutes les Russies, elle possède une emprise totale sur son fils. Elle choisie sa première, puis sa seconde épouse, l'envoie en Europe afin de l'éloigner de la Cour et lui offre un territoire miniature, empire sur lequel Paul peut donner libre cours à sa passion pour l'art militaire, sans gêner les affaires de l'Etat...
Epris d'ordre et de tradition, Paul est un naïf étouffé par la personnalité despotique de sa mère. Quand elle meurt, il peut enfin, à 44 ans, s'emparer du pouvoir. Souverain lunatique ne se fiant qu'à son instinct, Paul Ier s'engage tour à tour dans des réformes éclairées ou des exactions gratuites. Il craint le jacobinisme et se frotte à Bonaparte, puis aux Anglais. Mais ses caprices entraînent la Russie dans l'incohérence et la terreur.
Après seulement cinq ans de règne, l'empereur mal aimé est trahi par ses proches. Refusant d'abdiquer en faveur de son fils Alexandre, il est sauvagement assassiné.
Henri Troyat, né en 1911 à Moscou, est membre de l'Académie française, romancier et biographe. Il a obtenu le prix Goncourt en 1938 pour L'Araigne. Derniers livres parus chez Grasset : Le Fils du Satrape (1998), Terribles Tsarines (1998), Namouma ou la Chaleur animale (1999) et La fille de l'écrivain (2001).
Marina Ivanovna Tsvetaïeva (1892-1941) fut un être attachant, génial, et dont l'oeuvre émeut autant que le destin. Ses premiers poèmes, elle les publia avant Pasternak et Maïakovski - qui, plus tard, l'influencèrent pourtant. Marquée par la tradition du romantisme allemand, par les chants populaires russes et par la sensibilité de Pouchkine, elle composa des recueils merveilleux et désespérément slaves. Dès 1922, hostile à la Révolution et à ses dérives totalitaires, elle quitta l'URSS et exalta la « Vendée russe » dans des textes qui lui valurent une immense réputation (Le camp des cygnes) Mariée à un officier « blanc », émigrée à Prague, puis à Paris, elle poursuit sous diverses formes une oeuvre qui trouve son unité dans le refus de la médiocrité bourgeoise et dans une quête sans pareille de l'absolu.
Dévorée de nostalgie (Après la Russie, 1928) et lassée par les intrigues sordides du petit monde de l'émigration, (Le preneur de rats, 1925) elle décida, en 1939, de rentrer en URSS - pour s'y suicider au moment de l'invasion allemande.
La baronne von Meck, richissime dame russe, veuve et mère de onze enfants, tomba amoureuse de Tchaïkovski, mais seulement à travers sa musique...
Pour lui permettre de se consacrer entièrement à son art, elle proposa au compositeur de lui verser une rente mensuelle, en posant une seule condition : c'est qu'ils ne se verraient jamais. Pacte conclu. Pendant quatorze ans, la baronne rémunéra Tchaïkovski, sans jamais le rencontrer, tout en échangeant avec lui une volumineuse correspondance, où le compositeur exposait ses vues sur la musique, la littérature, la religion, l'histoire, la politique...
Henri Troyat a réalisé un montage très intelligent et amusant de certaines de ces lettres, en les accompagnant d'un commentaire qui nous fait suivre les différentes péripéties de cette « liaison » hors du commun.
Double intérêt de ce récit : elle nous donne un éclairage direct sur les idées de Tchaïkovski, ces lettres étant la principale source de ce quenous savons sur son univers intérieur et sa personnalité. Mais la baronne était elle-même un personnage fascinant, qui tenait du mécène, de l'amateur éclairé, du bas-bleu, de la folle hystérique. Elle cessa de « subventionner » Tchaïkovski et de correspondre avec lui, le jour où elle s'aperçut, enfin, qu'il ne lui rendait nullement son amour : il avait seulement trouvé commode de l'utiliser, pendant quatorze ans, comme banquière.
En s'inspirant de l'histoire véridique, mais peu connue en France, du projet de mariage entre Napoléon Ier et la grande-duchesse Anna Pavlovna, soeur cadette du tsar Alexandre Ier, Henri Troyat a imaginé les naïves espérances, mêlées de crainte, de la jeune princesse, à l'idée de son hymen avec un foudre de guerre dont le seul nom terrorisait l'Europe. Tout en sachant qu'elle n'est, sans doute, qu'un pion sur l'échiquier politique, elle se surprend à rêver que l'Ogre corse l'a choisie à cause des propos flatteurs qu'on tient à son sujet dans les différentes chancelleries, qu'elle finira peut-être par le séduire, par lui ôter des mains l'horrible glaive dont il est si fier et que, grâce à elle, la Russie sera épargnée... Rien ne désarme plus sûrement un sabreur que de lui passer la bague au doigt, se dit-elle.
C'est le cheminement de cette folle illusion que l'auteur évoque avec une tendre ironie, à travers le journal aprocryphe de la jeune fille. A chaque page de cette confession, le lecteur songe irrésistiblement aux haines qui auraient été évitées et aux vies qui auraient été épargnées, si l'union entre l'empereur français et la grande-duchesse russe avait abouti contre vents et marées.
Fasciné par la vie tumultueuse et féconde d'Alexandre Dumas, Henri Troyat a voulu décrire à la fois la trajectoire pleine de rebondissements d'un génial forçat de l'écriture et réhabiliter un personnage adoré par les uns et décrié par les autres. Né le 24 juillet 1802, à Villers-Cotterêts, fils du général Davy-Dumas qui meurt quand n'a que quatre ans, Alexandre Dumas est un enfant turbulent qui a plus de goût pour la nature que pour l'étude. Clerc de notaire à quatorze ans, il vient chercher fortume à Paris en 1822 et conquiert la notoriété littéraire avec Henri III et sa cour (1829), drame qui annonce la révolution théâtrale romantique. Shakespeare et Schiller sont les modèles que se choisit le jeune Alexandre Dumas qui commence à écrire pour le théâtre : (Antony 1831 ; La Tour de Nesle, 1832 ; Kean ou Désordre et Génie, 1836). Puis, avec Le Comte de Monte-Cristo, 1844, il aborde le roman et connaît d'emblée, un succès populaire qui n'allait plus se démentir. Publiés le plus souvent sous la forme de romans-feuilletons, paraissent Les Trois Mousquetaires, 1844, suivi de Vingt Ans après, 1845 et du Vicomte de Bragelonne, 1848-1850 ; ces romans se situent à l'époque de Louis XIII, tandis que La Reine Margot, 1845, La Dame de Montsoreau, 1845 et Les Quarante-Cinq, 1845, se déroulent lors des guerres de Religion. Dans Les Mémoires d'un médecin qui comportent quatre romans : (Joseph Balsamo, 1849 ; Le Collier de la reine ; Ange Pitou ; La Comtesse de Charny 1860) la trame historique s'étend du règne de Louis XV à la Révolution.
C'est sans doute parce qu'il n'est pas un érudit et qu'il s'entoure de nombreux collaborateurs (ses « nègres »...) qu'Alexandre Dumas suscite encore aujourd'hui des réticences chez les amateurs de beau style et de pensée profonde.
Dans cette biographie, Henri Troyat a voulu explorer la superbe « cuisine » de l'inspiration et de l'écriture d'un auteur prolifique et enthousiaste, habile à camper des personnages inoubliables, entraînés dans des intrigues mouvementées par leur goût de l'action. Pour Henri Troyat, Alexandre Dumas est un véritable écrivain pour qui vivre et écrire sont les deux aspects d'une même activité dévorante dont il se fit l'esclave : il meurt, terrassé par une attaque cérébrale à soixante-huit ans.
Henri Troyat, né en 1911 à Moscou, est membre de l'Académie française, romancier et biographe. Il a obtenu le prix Goncourt en 1938 pour L'Araigne. Parmi ses derniers livres parus chez Grasset, rappelons : Terribles Tsarines (1998), La Fille de l'écrivain (2001), Maria Tsvetaeva (2001).
Une fable cocasse et cruelle à la Cour des Impératrices de Russie à la fin du XVIIIème siècle.
La Tsarine Anna Ivanovna, nièce de Pierre le Grand, est couronnée impératrice en mars 1730. Superbe, énorme, gonflée de graisse, fardée en épaisseur, boudinée dans ses robes de satin, ce personnage rabelaisien allie les caprices d'une enfant à la cruauté sadique des tyrans. Sa distraction favorite : l'amusement que lui procurent les 18 nains bouffons qui peuplent un étage de la cour.
Le boyard Pastoukhov est convaincu par sa nouvelle compagne, Eudoxie Tchoubaï, de proposer son fils Vassili, dit Vassia, comme nain et bouffon auprès de la tsarine : ce fils difforme qu'il a relégué à Balotovo comme un objet de honte ne pourrait-il devenir le trésor de la famille ?
Et voilà Vassia propulsé, à 22 ans, dans les intrigues de la cour : la jalousie féroce de la tsarine, qui a surpris son amant Johann Buhren en train de lutiner la ravissante Nathalie Seniavskaïa, sa demoiselle d'honneur, et la disgrâce du nain Pouzyr, qui a perdu le talent de faire rire l'impératrice, vont précipiter le destin de Vassia. Instrument de toutes les vengeances, il devient à la fois le bouffon le plus prisé de la souveraine et l'époux par elle imposé à l'impudente Nathalie.
Mais rien ne se produit comme prévu : tandis que la cour est secouée par les changements de régime, le couple contre-nature vit une étonnante histoire d'amour...
Comment le krach de l'Union générale, à Paris, en 1882, ruina des milliers de petits porteurs et enrichit à millions l'industriel Jules Lebaudy. Comment sa femme, Amicie, ne se remit jamais de ce "fabuleux coup de Bourse"... Comment, à la mort du scandaleux bénéficiaire de l'opération, Amicie, qui l'avait pris en haine, se trouva, avec ses enfants, à la tête d'une des plus grosses fortunes de France et se transforma, par horreur de l'argent, en fausse pauvresse et en philanthrope despotique... Comment ses fils, la bride sur le cou, se lancèrent dans les plus folles aventures jusqu'à vouloir, l'un, conquérir le ciel avec des dirigeables et, l'autre, régner en empereur sur les sables du Sahara...
Ce sont ces turbulences d'une grande famille qu'Henri Troyat évoque dans une biographie multiforme et atypique dont les péripéties tiennent à la fois du roman picaresque, de l'étude psychologique et du document d'histoire contemporaine.
L'arrivée en France de Léon Tarassov et de sa famille, qui fuient la révolution soviétique. Ils s'installent à Paris. Léon Tarassov a douze ans, et il va suivre ses études au lycée Pasteur à Neuilly. Il y retrouve un camarade russe, Nikita Voïvodov, qu'il a connu pendant la traversée et l'exil... Ensemble il décident d'écrire un roman d'aventures : {Le Fils du satrape}. Ce projet, qui les passionne, connaîtra des tribulations diverses avant d'être abandonné... Léon Tarassov, devenu écrivain français sous le nom d'Henri Troyat, couronné par l'académie Goncourt, n'oublie pas son camarade de jeunesse qui a fui Paris, et qu'il a perdu de vue. Il évoque dans ces pages son enfance en exil, l'apprentissage de la France, et la rencontre avec l'écriture...
Est-il possible qu'un couple de chiens - en l'occurrence deux lévriers italiens - puisse modifier le comportement amoureux d'un couple d'humains qui se croient leurs maîtres ? C'est ce lent travail de séductions entrecroisées et d'influences occultes entre la femelle Namouna, le mâle Méphisto et le ménage en apparence uni du nonchalant Jérôme Petitberthier et de sa femme, la très jolie et très autoritaire Alix, qu'Henri Troyat analyse impitoyablement. Ce drame conjugal, doublé d'une fascination animale, est l'occasion pour lui d'évoquer le milieu mal connu des cynophiles de profession, des éleveurs officiels, des compétitions canines qui se déroulent, en France et à l'étranger, tout au long de l'année. Pris dans cet univers si particulier de la passion et du commerce des bêtes, les héros, Jérôme Petitberthier, ne sait plus au juste s'il est un bipède ou un quadrupède. A mesure que le temps passe, le chenil, autour de lui, gagne du terrain sur la maison et l'aberration sur la réalité. Namouna ne serait-elle pas une magicienne changée en petit lévrier italien ?
Henri Troyat, né en 1911 à Moscou, est membre de l'Académie française, romancier et biographe. Il a obtenu le prix Goncourt en 1938 pour l'Araigne. Derniers livres parus chez Grasset : Le Fils du Satrape (1998), Terribles Tsarines (1998) et Namouna ou la Chaleur animale (1999).
Au terme d'un long et prolifique parcours jalonné de succès, le vieil écrivain Armand Boisier, de l'Académie française, est saisi d'une double inquiétude. Il sent venir à la fois le tarissement de son imagination créatrice et l'éloignement de sa fille, Sandy, qu'il aime avec passion et qui est devenue, depuis la mort de sa femme, sa confidente, son inspiratrice et son dernier recours contre la solitude.
Tiraillé entre la jalousie paternelle et les soucis de la carrière, Boisier doit se défendre comme romancier déserté par son public et comme père lâché par son enfant.
Car Sandy s'est entichée de Jean-Victor Desormieux (dit J-V.D), un jeune écrivain en vogue dont le roman Les Outrages caracole en tête de la liste des best sellers... quand le sien propre n'y apparaît même pas ! Et voilà que ce jeune intrigant flatte la vanité du père pour mieux lui voler sa fille.
A la demande de Sandy, Armand obtient à son rival le Grand Prix de l'Académie française : dernier clou au supplice du vieil homme meurtri. Mais J-V.D. ira trop loin...
Un jeune homme russe, Alexandre Rybakoff, qui vient d'achever ses études au lycée impérial de Tsarkoïe Selo, vit dans la vénération de Pouchkine, mort trente deux ans plus tôt, à la suite d'un duel avec le baron Georges de Heeckeren d'Anthès. Au retour d'un séjour à Paris, la mère du jeune homme lui raconte sa rencontre avec l'assassin de Pouchkine, désormais homme d'affaires et sénateur du second Empire. Un désir de vengeance s'empare alors d'Alexandre Rybakoff. Poitrinaire, le jeune homme se fait prescrire un séjour à Nice. Il s'arrête à Paris et s'installe dans une pension où un journaliste lui donne des conseils pour approcher le baron d'Anthès. Alexandre devient son secrétaire archiviste et la découverte de sa future victime, joviale et paternaliste, lui fait diffèrer son projet de meurtre. Mais le jeune justicier ne renonce pas et il finit par arrêter une date, celle de l'anniversaire de la mort de Pouchkine. Au jour dit, le baron entreprend de dicter ses mémoires au jeune homme qui, finalement, abandonne son projet.
Le dernier chapitre se situe vingt-cinq ans plus tard ; de retour en Russie, Alexandre tire un bilan de son voyage en France.
Etrange destinée que celle de Boris Pasternak, dont l'oeuvre s'est longtemps trouvée partagée entre deux publics distincts : pour les Russes, il était le poète, l'un des plus grands de son temps, dont l'oeuvre avait pris fin, étouffée par le stalinisme, vers le milieu des années 30 ; pour le public occidental, il était l'auteur d'un roman, Le Docteur Jivago, qui connut un immense succès. Né le 29 janvier 1890, fils d'une pianiste et d'un peintre, illustrateur préféré de Tolstoï, Boris Pasternak entre dans l'âge adulte au lendemain de la révolution avortée de 1905. Sans renier les idéaux de liberté et de justice sociale qui sont l'apanage des intellectuels, la grande question pour Pasternak est celle de l'art. Fasciné par Scriabine, Boris Pasternak abandonne cependant le projet d'une vie consacrée à la musique quand il a dix-huit ans. Il entreprend des études de philosophie, à Marbourg, en Allemagne. C'est là qu'en 1912 vient le rattraper sa destinée. Une première passion pour une amie d'enfance va lui révéler sa véritable vocation : l'écriture. Biely, Blok et Rilke sont ses premiers maîtres. Puis il se lie avec Maïakowski, son cadet de trois ans mais son aîné dans la carrière poétique. Toutefois, Pasternak comprend à quel point lui est lointaine cette forme de lyrisme qui oppose le poète à l'univers. En 1922, son recueil de poèmes, Ma Soeur la vie, fut un événement qui le rendit célèbre. C'est un témoignage sur l'été « où la révolution était un dieu descendu du ciel sur la terre ». Les pages que Pasternak consacra trente plus tard, dans Le Docteur Jivago, à l'été 1917, portent encore la trace de l'atmosphère dans laquelle ont surgi ces poèmes. En 1925 paraît L'Enfance de Luvers, puis L'Année 1905 et Lieutenant Schmidt. En 1935, Pasternak évoque en prose, dans Sauf-conduit, ses souvenirs et le suicide de Maïakowski. A cette époque, en désaccord avec la poésie officielle, il se consacre à des traductions (Goethe, Shakespeare). C'est en Italie que fut publié pour la première fois son roman, Le Docteur Jivago (1957), interdit en Union soviétique. En 1958, le prix Nobel de littérature lui fut décerné, mais il ne put le recevoir, ayant été exclu de l'union des écrivains soviétiques. Il mourut, quelque années plus tard.