Cet ouvrage, paru en 1983, est très vite devenu un classique contemporain, tant après lui nombre se sont engagés dans la brèche de cette première vraie critique de la modernité artistique.
Le constat demeure aujourd'hui encore lucide : depuis les années 1950 se sont multipliés aussi bien les musées d'art moderne que les écrits qui lui sont consacrés. Mais jamais on a aussi peu peint, jamais on a aussi mal peint. La pullulation d'objets hétéroclites qui ne ressortissent à l''art' que par l'artifice du lieu qui les expose et du verbe qui les commente amène à poser la question : vivons-nous le temps d'un moderne tardif, au sens où l'on parle d'un gothique tardif ?
Quelles sont les causes de ce déclin? En transposant dans le domaine des formes le propos millénariste des Révolutions, la théorie de l'avant-garde a peu à peu fait entrer la création dans la terreur de l'Histoire. De ce point de vue, le primat de l'abstraction imposé après 1945 aux pays occidentaux n'est que la figure inverse de l'art d'État que le réalisme socialiste a imposé aux pays soviétiques. Elle a entraîné une crise des modèles : inverse de celle du néo-classicisme qui rejetait la perfection de l'art dans le passé, elle a projeté dans le futur une perfection désormais inaccessible dans le temps. Elle a aussi entraîné une perte du métier : le n'importe-quoi, le presque-rien, l'informe et le monstrueux comme variétés de l'hybris moderne redonnent à la querelle de l'art comme savoir-faire ou comme vouloir-faire une singulière actualité.
"J'habite un corps qui m'est si étranger que je ne sais plus comment en sortir - ni comment y rentrer."
Avec ces "Exercices de piété", Jean Clair continue son oeuvre de diariste, en se penchant d'abord sur lui-même. Il évoque de nouveau son enfance en Mayenne, ses parents dont il dresse des portraits émouvants, presque déchirants, la campagne des années quarante et cinquante qui a disparu comme les haies qui la scandaient, revenant ainsi à des thèmes dont ses lecteurs sont familiers.
Souvenirs et réflexions s'égrènent le long de séquences aux titres mystérieux et évocateurs comme "L'intrus", "Les papillons", "Le suaire", "L'assassin"... dans des pages éblouissantes, sur le corps vieilli, les absences, les insomnies, l'Italie, le souvenir des femmes aimées. Jean Clair a un don étonnant pour faire ressentir le tactile, les paysages, et aussi les émerveillements de l'enfant qu'il fut et que nous, lecteurs, fûmes.
Un livre de raison, tenu sur quatre saisons, comme il y a quatre humeurs et quatre âges. Choses vues, notations, réflexions et aphorismes : l'humeur noire domine, portée parfois à la fureur devant la dévastation d'une culture, la ruine de la langue, la vulgarité arrogante des médias, les signes irréfutables, glanés au jour le jour, d'un effondrement sournois du monde et de la venue d'un nouveau temps des barbares. Mais l'étonnement, l'émerveillement, la tendresse, l'enchantement percent plus d'une fois dans ce petit livre de pensées, quand il s'ouvre à l'intime et au chant.
'Justification, peut-être, de ce journal, cette réflexion de Julien Green : "Le secret, c'est d'écrire n'importe quoi, parce que lorsqu'on écrit n'importe quoi, on commence à dire les choses les plus importantes.'
Jean Clair.
Intelligere et eligere sont proches dans la langue. Choix dans le fouillis du visible, la distinction est compréhension et beauté. Intelligence et élégance ont partie liée. Voir, comprendre, distinguer sont une même chose. Le vieux mot français de mire, pour dire le médecin, atteste encore l'affinité entre l'art de l'artiste, qui produit des choses 'admirables', et le savoir du savant, qui regarde et qui garde. La science et l'art prennent soin du monde.
Dans ce dialogue entre l'art et la science, la psychanalyse, prise entre le verbe et l'image, joue un rôle majeur. Elle n'est pas seulement contemporaine de Bcklin et de Klinger. Questionnant un corpus iconographique particulier pour valider sa démarche, de Moïse à Léonard de Vinci, se voulant à l'occasion, dans la Traumdeutung, une 'science' de l'image, elle est aussi l'héritière du Symbolisme, et peut-être sa prisonnière.
Rappelant les privilèges de ce que Goethe appelait Die Welt des Auges, cette suite d'essais se développe comme un plaidoyer pour une science romantique.
Un entre-deux d'ambiguïtés. Qu'en est-il du mouvement moderne dans ces années 1915-1929, années de reflux, de doute, d'incertitude, et dont l'ouverture de l'exposition des Arts décoratifs à Paris marque le point d'orgue ? En 1926 paraît l'opuscule de Jean Cocteau Le Rappel à l'ordre, dont l'intitulé indique, mieux que l'expression 'retour à l'ordre', l'inquiétude qui plane sur cette époque-là. La décennie suivante, de 1929 à 1939, voit la montée vers le second conflit mondial, l'avènement des régimes totalitaires en Italie, en Espagne, en Allemagne, mais aussi en Union soviétique. D'une apocalypse, l'autre : cette époque qui va des Années folles aux années de feu est aussi celle qui, de l'Octobre rouge à l'Octobre noir, vit l'affrontement de deux modèles économiques inconciliables mais aussi la fin des utopies. Ces années noires, vouées au travail du deuil, sous le voile d'une folie apparente, furent les années d'un enjeu terrifiant auquel aujourd'hui nous demeurons soumis.
'Au fond, on ne peut rien dire de la sensation, sinon qu'elle nous comble. Mais quel vide en nous remplit-elle ? Que peut-on dire du parfum d'une fleur, sinon qu'il nous enchante ? Il n'a pas été créé pour nous et nous en prenons pourtant notre part, d'autant plus fortement peut-etre que, contrairement ´r l'insecte, nous trouvons en lui un univers libéré de la nécessité. De quelle harmonie le corps est-il le temple qui, si nous étions un peu plus s"urs de nous et plus attentifs aux sensations qui nous traversent, pourrait nous faire pressentir la nature de ce que sont les dieux ?'
Ce livre, écrit dans la tradition de l'érudition libertine, recherche les traces d'un certain savoir fondé sur les sens. En une suite de digressions apparemment capricieuses, créant tout un réseau d'échos entre chaque thcme, il chemine, de la statue de marbre de Condillac aux cires de la Specola de Florence, du clavecin de Diderot ´r un sex-shop de la rue Saint-Denis, d'une gravure de Rembrandt ´r une peinture de Vermeer. C'est bien de rencontres qu'il s'agit, dessinées comme 'en passant' d'un trait lumineux. C'est aussi un roman d'apprentissage, ou l'auteur retrouve une identité et un nom.
Plutarque raconte que, des sept mille Athéniens faits prisonniers durant les guerres de Sicile, échappcrent aux travaux forcés dans les latomies, et donc ´r la mort, ceux qui surent réciter ´r leurs vainqueurs Grecs comme eux, quelques vers d'Euripide.
Les nazis n'appliqucrent pas ce trait de clémence antique aux déportés des camps. Citer Goethe ou Schiller ne fut ´r ces derniers d'aucun secours.
Pourtant la mémoire - la culture - joua un rôle majeur dans le destin des déportés. Savoir par cur un pocme met ´r l'abri du désastre. Ce que l'on garde en esprit, aucune Gestapo, aucune Guépéou, aucune C.I.A. ne peut vous le retirer.
En septembre 1944, le peintre Zoran Music est déporté ´r Dachau. Il y réalise, au risque de sa vie, une centaine de dessins décrivant ce qu'il voit : les sccnes de pendaison, les fours crématoires, les cadavres empilés par dizaines, c'est-´r-dire l'indescriptible.
Plus que la formule trop citée d'Adorno sur Auschwitz, la question que pose ce livre est la suivante : que pouvait alors la mémoire contre la mort, l'art contre l'indicible ? Non pas 'aprcs', mais dans le quotidien de la vie des camps ? Que peut-elle aujourd'hui dans une modernité qui, par son déni de la culture au nom de l'égalitarisme, et par sa tentation, au nom du progrcs biologique, de légaliser l'euthanasie et l'eugénisme, semble souscrire au nomos de la vie concentrationnaire meme ?
J'appartiens à un peuple disparu. À ma naissance, il constituait près de 60 % de la population française. Aujourd'hui, il n'en fait pas même 2 %. Il faudra bien un jour reconnaître que l'événement majeur du XXe siècle n'aura pas été l'arrivée du prolétariat, mais la disparition de la paysannerie. Ce sont eux, les paysans, qui mériteraient le beau nom de peuple originaire que la sociologie
applique à d'improbables tribus. En même temps que les premiers moines, ce sont eux qui ont défriché, essarté, créé un paysage, et qu'ils lui ont donné le nom de couture, c'est-à-dire de culture, ce mot que les Grecs n'avaient pas même inventé : une façon d'habiter le monde autrement qu'en sauvage.
J'ai tant aimé ce monde d'ici-bas, les choses matérielles, dans leur poids et dans leur rugosité, dans leur matière et leur facture, j'ai tant voulu ces biens qu'ont été les livres, les objets d'art, les outils du savoir, et j'ai fini, alors même que je n'en savais rien, par en acquérir assez pour me juger heureux.
J'éprouve aujourd'hui le sentiment d'une trahison.
Aujourd'hui les musées affrontent les approches les plus désinvoltes et les plus saugrenues. De plus en plus oubliées leurs valeurs identitaires, culturelles et politiques. Allons-nous vers une réalité qui les réduira en entrepôts où puiser des marchandises ?
«Ce jour où je revenais, soixante ans plus tard, quelqu'un, dans cette désolation, habitait toujours la ferme où j'avais vécu, mais ne se montrait pas. Personne n'est sorti pour me demander qui j'étais, ce que j'étais venu faire ni ce que je cherchais. Dans ce pays de bocage, l'étranger était toujours assez mal reçu ; il apportait l'extérieur, c'est-à-dire le mal.
J'ai vu, en un instant, dans cette solitude et dans ce silence, la seconde mort des paysans, leur mort définitive.
Quand je songeais à la Mayenne, à la terre maternelle d'où j'étais venu, l'image avait gardé ses traits, sa profondeur, sa lumière. Mais la terre paternelle demeurait inaccessible, c'était un lointain, une ombre bleutée. On venait d'un pays natal, mais on n'atteindrait pas la patrie, qui resterait un horizon.»
Après un séjour à New York où triomphe l'expressionnisme abstrait, Jean Clair regagne Paris où le climat intellectuel depuis mai 68 est propice à s'ouvrir à « l'avant-garde ». Temps des premières « installations », des premiers « concepts » et des premiers « happenings »...
Jean Clair est de ceux qui écrivent, avant les autres, sur la nouvelle génération d'artistes, les Buren, Boltanski, Sarkis, Le Gac, Viallat, dans une revue que venait de fonder Aimé Maeght, Les Chroniques de l'art vivant, et qu'il dirigea de 1969 à 1975. Cette revue, qui vit le jour avant Art Press (1972) était un lieu d'observation privilégié pour rendre compte des mutations qui agitaient le milieu de l'art, tant dans les arts plastiques, que dans la musique, le cinéma et la danse.Parallèlement, il écrit dans la NRF à propos des grandes manifestations internationales, Biennale de Venise et Documenta et, à mesure, prend de plus en plus ses distances par rapport à cette avant-garde qui s'institutionnalise avant de devenir, à ses yeux, sous le nom d'« art contemporain » ce qu'avait été l'art pompier pour les amateurs fortunés du XIXe siècle.
Les chroniques consignées dans ce livre témoignent d'une époque où, sous l'influence des États-Unis qui promeuvent et vendent un art autochtone qui balaie l'art ancien, essentiellement européen, un nouveau marché se crée, de plus en plus spéculatif, qui ne cessera de s'étendre de New York à Moscou et de Venise à Pékin, destiné à une riche oligarchie internationale.
Promenade d'un amateur solitaire à travers l'art d'aujourd'hui, ses manifestations, ses expressions. Constat d'un paysage saccagé, festif et funèbre, vénal et mortifiant.
Méduse mêle en ses traits l'humain et le bestial. Elle habite l'extrême Occident, aux confins de l'Hadès. Elle a le pouvoir d'arracher l'homme à la vie organisée pour le replonger dans l'horreur du chaos. Elle pétrifie qui la regarde. Mais une autre tradition la présente comme une jeune fille douce et séduisante qui, courtisée par Poséidon, s'unira à lui dans un temple consacré à Athéna. C'est pour la punir que la déesse aurait changé sa chevelure en serpents.
Cette ambiguïté de Méduse, puissance de nuit et de mort, mais aussi de fascination et de grâce, se retrouve au cours des siècles dans les innombrables représentations que les artistes ont tracées d'elle.
Car Méduse, figure du sexe et de la mort, est aussi le paradigme de la vision de l'artiste. Pour défier l'invisible, celui-ci doit multiplier les divers artifices qui le protègent de son pouvoir mortifère.
L'approche iconologique d'un des motifs les plus inquiétants que l'art occidental ait créés débouche ainsi sur une interrogation anthropologique qui enveloppe le sens de la création, de la beauté et du désir et qui renouvelle la querelle de la double origine à laquelle puise notre culture.
D'ou l'art moderne peut-il tirer cette impunité qui le met ´r l'écart du jugement, le délivre de l'obligation d'etre utile, le soustrait au devoir de rendre des comptes ´r la communauté ? L'artiste serait-il l'homme qui ne répond de rien ?
Cette impunité est liée au privilcge accordé depuis un siccle ´r l'avant-garde censée incarner le progrcs et la révolution. L'analyse historique de Jean Clair montre que l'avant-garde s'est non seulement modelée sur les utopies politiques d'extreme droite autant que d'extreme gauche, mais qu'elle en a aussi fourni les principaux articles de foi. Elle a partagé leur violence, leur haine de la culture et, finalement, depuis les années soixante, érigé le dogme anti-humaniste en programme d'action.
Au moment ou s'épuise, avec la notion meme d'avant-garde, la créativité qui était supposée lui etre liée, les artistes revendiquent le double avantage d'incarner l'insoumission aux pouvoirs publics tout en se faisant largement subventionner par eux.
Cet essai retrace la généalogie d'une perversion. Il s'inscrit dans la discussion, voire la polémique, ouverte depuis quelque temps sur la nature de l'art contemporain et les critcres de son jugement.
Au tournant du nouveau siècle, Jean Clair a décidé de revenir sur le cas de Duchamp comme figure exemplaire de la modernité. Reprenant les essais de 1977, il les fait précéder d'une longue étude qui jette sur le père des pseudo ready-made, le rêveur inlassable de La Mariée, et le bâtisseur de ce «Château de la pureté» dont parlait son ami Octavio Paz, une lueur extrêmement dérangeante. En le situant dans une postérité qui est celle de des Esseintes et de Monsieur Teste, comme elle est celle de Max Stirner et de Rudolf Steiner, il lui confère un sens qui, par ricochet, tend à bouleverser l'image que l'on s'est construite de l'histoire de l'art moderne.
« À force de vouloir m'abriter en toi, j'ai perdu de vue que c'était toi, l'orage. Que c'est de toi que j'aurais dû vouloir m'abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages? Et tout ça n'est pas triste, mi amor, parce que rien n'est noir, absolument rien.
Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d'inviter la muerte et la vida dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila, et elle ne voit pas où est le problème. Elle aime les manifestations politiques, mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment, et les fêtes à réveiller les squelettes. Et elle peint.
Frida aime par-dessus tout Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques.»
«?Ça commence parfois par une inquiétude ou un malaise. On se sent en décalage, on craint d'agir de manière déplacée. On a le sentiment de ne pas "être à sa place". Mais qu'est-ce qu'être à sa place, dans sa famille, son couple, son travail ? Quels sont les espaces, réels ou symboliques, qui nous accueillent ou nous rejettent ? Faut-il tenter de conquérir les places qui nous sont interdites, à cause de notre genre, notre handicap, notre âge, notre origine ethnique ou sociale ? Peut-être faut-il transformer ces lieux de l'intérieur et s'y créer une place à soi ??» Dans cet ouvrage aussi passionnant que sensible, la philosophe Claire Marin explore toutes les places que nous occupons - quotidiennement, volontairement ou contre notre gré, celles que nous avons perdues, celles que nous redoutons de perdre - et interroge ce qui est à la fois la formulation d'un désir personnel et un nouvel impératif social. Encore reste-t-il à savoir si l'on finit tous par trouver une place, ou si le propre d'une place n'est pas plutôt de sans cesse se déplacer, ou de déplacer celui qui croit pouvoir s'y installer...
Un « recit de vie » a l'echelle d'une annee, qui fait grandir trois copines de 13 ans, avec drolerie et delicatesse ! La vraie vie adolescente, pleine de ses genes et drames savoureux.
Antigone, Camille et Nina ont 13 ans, et beaucoup de questions, a commencer par : la vie, la vraie, ca commence quand ? Elles aimeraient vivre leurs aventures a elles, ne plus rester sur le bas-cote. Devenir des femmes fieres et independantes mais aussi, euh belles, sures d'elles, aimees, amoureuses ? Pour ca, Antigone compte bien prendre son destin en main, et elle a un plan. Non, deux. Trois plans. D'abord, elles vont devenir feministes. Et puis, se faire inviter aux soirees. Et puis, se trouver un amoureux. Et aussi, se relooker. Non, attendez, est-ce que c'est pas antinomique avec le fait d'etre feministe ? Mince, et puis voila soudain un drame familial a regler.
Alors ?? La vie, la vraie, ca commence quand ?
En cette fin d'année 1985 à New Ross, Bill Furlong, le marchand de bois et charbon, a fort à faire. Aujourd'hui à la tête de sa petite entreprise et père de famille, il a tracé seul sa route : élevé dans la maison où sa mère, enceinte à quinze ans, était domestique, il a eu plus de chance que d'autres enfants nés sans père.
Trois jours avant Noël, il va livrer le couvent voisin. Le bruit court que les soeurs du Bon Pasteur y exploitent à des travaux de blanchisserie des filles non mariées et qu'elles gagnent beaucoup d'argent en plaçant à l'étranger leurs enfants illégitimes. Même s'il n'est pas homme à accorder de l'importance à la rumeur, Furlong se souvient d'une rencontre fortuite lors d'un précédent passage : en poussant une porte, il avait découvert des pensionnaires vêtues d'horribles uniformes, qui ciraient pieds nus le plancher. Troublé, il avait raconté la scène à son épouse, Eileen, qui sèchement lui avait répondu que de telles choses ne les concernaient pas.
Un avis qu'il a bien du mal à suivre par ce froid matin de décembre, lorsqu'il reconnaît, dans la forme recroquevillée et grelottante au fond de la réserve à charbon, une très jeune femme qui y a probablement passé la nuit. Tandis que, dans son foyer et partout en ville, on s'active autour de la crèche et de la chorale, cet homme tranquille et généreux n'écoute que son coeur.
Claire Keegan, avec une intensité et une finesse qui donnent tout son prix à la limpide beauté de ce récit, dessine le portrait d'un héros ordinaire, un de ces êtres par nature conduits à prodiguer les bienfaits qu'ils ont reçus.
Dans un menu enfant, on trouve un burger bien emballé, des frites, une boisson, des sauces, un jouet, le rêve. Et puis, quelques années plus tard, on prépare les commandes au drive, on passe le chiffon sur les tables, on obéit aux manageurs : on travaille au fastfood.
En deux récits alternés, la narratrice d'En salle raconte cet écart. D'un côté, une enfance marquée par la figure d'un père ouvrier. De l'autre, ses vingt ans dans un fastfood, où elle rencontre la répétition des gestes, le corps mis à l'épreuve, le vide, l'aliénation.
Son père est parti en Amérique. Alice aime la vie avec sa mère, les bonbons, et l'escalade. Et puis un jour, elle aime Mondjo. Ce prof d'escalade tellement avenant qui la comprend, lui tient compagnie, qui l'amuse, l'emmène en week-end et lui fait des promesses. C'est son premier amour. Un jour de vacances, de bain de mer, ils vont plus loin. Loin de la maman, surtout, qui ne voit pas. Qui ne devine pas ce que cache cette affection entre sa fille de 8 ans et cet homme de 40 ans qui a sa confiance.
Prix Vendredi 2022
Claire-Marie Le Guay a conçu ce livre comme un concert écrit.
En s'appuyant sur la vie et la personnalité de cinq compositeurs et l'exploration de leurs oeuvres, elle nous convie à une lecture musicale.
Le foisonnement joyeux de Mozart, lumineux au-delà du drame, nous prend par la main, l'équilibre de la construction de Bach organise nos pensées, le flot des sentiments amoureux de Liszt éveille nos sens et nous guide de la douleur à la consolation, la force créatrice de Mahler, puisant sa source dans la nature, nous aide à trouver notre place, et la puissance expressive de Rachmaninov nous fait vibrer et nous donne l'énergie du dépassement.
Étayé de nombreux liens d'écoute, ce livre est un partage de ce que l'on peut puiser dans la musique pour éclairer notre vie.
Ce roman marque l'arrivée d'une plume talentueuse dans le paysage littéraire américain. Claire Lombardo, 30 ans à peine, s'inscrit dans la lignée des conteuses que nous aimons tant : Jane Smiley, Anne Tyler ou encore Ann Patchett... Elle signe un portrait de famille aussi drôle que percutant, qui possède un redoutable pouvoir d'addiction. Lombardo réinvente la tradition de la saga dans une version qui flirte avec le soap opera ou la série This is us, sans jamais renoncer à une vraie ambition littéraire. Sa langue est vive, parfois féroce, inventive et rythmée. Dès sa sortie aux USA, le livre a emporté l'enthousiasme de la presse, des clubs de lecture, se plaçant plusieurs semaines dans la fameuse liste des best-sellers du New York Times. Une série est en cours de développement pour HBO, avec Laura Dern et Amy Adams côté casting et production.