Un sombre soir, à Paris, dans l'un de ces nombreux débats où des « spécialistes » ergotaient sur les différences entre le roman noir et le roman « blanc », un type mystérieux dans le public s'est levé, outré, offusqué, déclarant : « N'importe comment, il n'y a qu'une littérature, c'est la littérature allemande ! » Et, digne, impérial, il a disparu.
J'étais saisi, coincé, aplati par la sentence. Ce soir-là j'ai décidé de prendre place, un jour, sur un rayonnage de librairie spécialisé dans cette fameuse et fumeuse « littérature allemande »...
Ainsi est né Arthur Keelt (Klagenfurt, Autriche, 1902 - Paris, 1982) et son unique et bref récit, Le Merle (Die Amsel), écrit en 1954 dans les montagnes de Styrie...
Selon Jean-Bernard Pouy, il se voulait un bouddhiste atypique. Peut-être doit-il à cette disposition d'esprit une écriture toute de simplicité et qui parfois atteint la grâce, ainsi qu'une rare hauteur de vue (2277 m).
Antoine, dit Loulou, artisan serrurier, spécialiste des clefs et mécanismes anciens, s'est rangé des voitures de Vitry entre lesquelles il a coulé une jeunesse difficile en devenant restaurateur pour les musées. Rangé, vraiment ?
Presque.
Pour se payer le tour de façonnage ultramoderne dont il rêve et dont, maintenant, il a urgemment besoin, Loulou accepte une petite « mission ». Seulement, on ne lui paye pas le montant promis. En plus, comme il la ramène, on lui défonce le portrait. Déçu, choqué, il met un long moment à s'en remettre. Jusqu'au jour où il en a marre d'être pris pour un moins que rien doublé d'un lâche.
Alors il reprend la piste là où il l'a laissée : aux portes du château cambriolé. Malfrat naïf et innocent, Loulou remonte les rouages d'une machinerie internationale impliquant la mafia russe, l'enraye sans vraiment le vouloir et, bientôt, la fait se désintégrer.
Voilà tout à coup de quoi lui donner des idées de nouveau départ...
Auteur incontournable du roman noir français, inventif et prolifique, Jean-Bernard Pouy a reçu, en 2008, le Grand Prix de l'Humour Noir pour l'ensemble de son oeuvre. Après plus d'une cinquantaine de romans, dont Nus (Fayard Noir, 2007), il signe, avec La Récup', un conte philosophique un brin amoral, sorte de Candide parano.
Dans la petite école de Bothoa, au coeur de la Bretagne, un jeune élève, Pol, s'ennuie. Il observe les cartes accrochées aux murs et rêve d'un ailleurs, un monde où le vert ne dominerait pas, où les fruits seraient gros et juteux, où le vent serait chaud. Il se persuade que le jour où il faudrait partir - car un jour ou l'autre un Breton doit s'en aller - il choisirait la main du hasard. Il accrocherait lui aussi une carte au mur, il prendrait une fléchette, la lancerait et se jurerait d'aller là où la pointe d'acier se ficherait.
Des années plus tard, le moment est venu pour Pol de partir. La pointe de la fléchette se plante en plein Pacifique. Alors, sans réfléchir, Pol fait vite son baluchon et s'en va, un petit matin aussi flamboyant que ses souvenirs. Là-bas, il rencontre Maeva. « Il ne savait pas s'il aimait Maeva. L'amour, ici, ne supportait pas une nouvelle saison. Le printemps n'existait pas dans les îles, la montée de la sève ne régulait pas les sentiments. Il n'y avait que la saison des pluies où l'on pleurait beaucoup et la saison sèche qui tarissait les larmes. »
« Casanova allait ratisser le terrain, tout comme ses deux autres congénères, Khatabi n'avait pratiquement aucune chance. Il avait à ses basques trois spécialistes, formés à l'école des Lone Rangers américains entraînés à la traque, à la survie. Des pistards. De vrais Apaches. En moins de deux, ils débusqueraient le fuyard. » Inspirée de la mort choquante de Khaled Khelkal, poseur de bombes abattu dans des circonstances troubles, une histoire ébouriffante, impossible et hautement politique, qui du genre noir vire au rose... Jean-Bernard Pouy et Patrick Raynal, vieux complices, ont écrit à tour de rôle deux mille signes de ce texte étonnant.