L'Europe, depuis 1945, avait exporté ses guerres. Elle importe aujourd'hui une épidémie qui sème la confusion. Le coronavirus, produit de la mondialisation, déclenche une mécanique de forces techniques, économiques, dominatrices et du même coup remet en question le modèle de croissance. Cette crise sanitaire provient de nos conditions de vie, d'alimentation et d'intoxication. Ce qui était « divin » est devenu humain - trop humain comme dit Nietzsche. La loupe virale grossit les traits de nos contradictions et de nos limites. C'est un principe de réel qui cogne à notre porte. La mort, que nous avions exportée avec les guerres, elle que nous pensions confinée à quelques autres virus et aux cancers, la voilà qui nous guette au coin de la rue. Nous nous découvrons humains, mais sûrement ni surhumains ni transhumains. Trop humains ? Ou bien ne faut-il pas comprendre qu'on ne peut jamais l'être trop ? Une puissante et salutaire réflexion du plus grand philosophe français.
Que nous reste-t-il de la communauté? De ce qui a été pensé, voulu, désiré sous le mot de communauté? Il semble qu'il ne nous en reste rien. Ses mythes sont suspendus, ses philosophies sont épuisées, ses politiques sont jugées. On pourrait dire aussi: la communauté, c'était le mythe, c'était la philosophie, c'était la politique - et tout cela, qui est une seule et même chose, est fini. Ce livre essaie de dire ceci: il y a, malgré tout, une résistance et une insistance de la communauté. Il y a, contre le mythe, une exigence philosophique et politique de l'être en commun. Non seulement elle n'est pas dépassée, mais elle vient au devant de nous, elle nous reste à découvrir. Ce n'est pas l'exigence d'une oeuvre communautaire (d'une communion ou d'une communication). C'est ce qui échappe aux oeuvres, nous laissant exposés les uns aux autres. C'est un communisme inscrit dans son propre désoeuvrement.
Dans les coulisses des représentations d'une tragédie grecque, un figurant observe l'envers du décor : la machination et la révélation propres au théâtre, les tensions et les détentes des comédiens. Il rumine des pensées d'Aristote et du spectacle, de Benjamin et du Trauerspiel. Il entend la diction du poème, ses déclamations, ses clameurs. Il partage la solitude muette d'une statue de plâtre, témoin du recommencement perpétuel, fragile et immémorial de la scène. Journal tenu pendant les représentations des Phéniciennes d'Euripide mises en scène par Michel Deutsch et Philippe Lacoue-Labarthe au Théâtre national de Strasbourg en 1982. Collection « Détroits » fondée par Jean-Christophe Bailly, Michel Deutsch et Philippe Lacoue-Labarthe.
Qu'est-ce que la philosophie ? Que fait un philosophe ? Quel est son rôle au sein de la société ? Est-ce un vrai métier ? Comment enseigne-t-on la philosophie, en France et ailleurs ? Philosophie signifie-t-elle sagesse ? Dans cet échange entre un adolescent et un philosophe, on (re)découvre la curiosité dont on peut témoigner à cet âge. La pertinence des questions amène l'intellectuel à se centrer sur l'essentiel de sa pensée et à la restituer avec clarté et concision. Il en résulte un entretien au ton original, exigeant, accessible et souligné par le trait intelligent de Pascal Lemaître, qui intéressera aussi bien les ados que leurs parents. La vérité, conclut Emile, c'est qu'il est ennuyeux d'être sage comme une image... Jean-Luc Nancy est philosophe, professeur émérite à l'université des Sciences humaines de Strasbourg. Emile est collégien à Corbigny, dans la Nièvre. Pascal Lemaître est illustrateur dans l'édition et dans la presse internationale.
Why does anti-Semitism seem to be so deeply engrained in our societies, our institutions and our attitudes? To answer this question we need to look beyond our current practices and see that anti-Semitism has much deeper roots – that it is woven into the very structures of Western thought.
Jean-Luc Nancy argues that anti-Semitism emerged from the conflictual conjunction of two responses to the eclipse of archaic cultures. The Greek and the Jewish responses both affirmed a humanity freed from myth but put forward two very different conceptions of autonomy: on the one hand, the infinite autonomy of knowledge, of logos, and on the other, the paradoxical autonomy of a heteronomy guided by a hidden god. The first excluded the second while simultaneously absorbing and dominating it; the second withdrew into itself and its condition of exclusion and domination. How could the long and terrible history of the hatred of the Jew, masking a self-loathing, be generated by these intrinsically contradictory beginnings? That is the question to which this short book gives a compelling answer.
Certain philosophers of Antiquity compared the world to a large animal; but if the world were an animal, it would have a skin similar to the skin that envelops each living being and gives it unity. The world is neither an animal nor a machine but an interminable jumble whose destination is nothing other than the maelstrom in which the very idea of the world slips away. The world has no skin other than the turbulence that makes histories, customs, moments of grandeur and decadence. Because it is not a skin, this extension of space-time is much more fragile than the skins that are already always fragile, because everything here touches its extremities. The world is everything that passes between us - ourselves and everything that happens to us, everything that becomes of our contacts, our gazes, our movements; and through referrals from skin to skin, from the fleeting to the immemorial, you reach, without even knowing it, the entire actuality of the world: the act of its existence. This act is made up of works and disasters, splendours, horrors, and catastrophes. As long as it is ours, it is the act of an infinite emergence that is all the sense there is: a sense that incessantly goes from skin to skin and is itself never enveloped by anything. The texts in this volume are all oriented by the concern for what is currently happening to us - we, late humanoids - when we arrive at an extremity of our history, whether this extremity should turn out to be a stage, a rupture, or quite simply a last breath.
In the past, pandemics were considered divine punishment, but we now understand the biological characteristics of viruses and we know they are spread through social interaction. What used to be divine has become human – all too human, as Nietzsche would say. But while the virus dispels the divine, we are discovering that living beings are more complex and harder to define than we had previously imagined, and also that political power is more complex than we may have thought. And this, argues Nancy, helps us to see why the term ‘biopolitics’ fails to grasp the conditions in which we now find ourselves. Life and politics challenge us together. Our scientific knowledge tells us that we are dependent only on our own technical power, but can we rely on technologies when knowledge itself includes uncertainties? If this is the case for technical power, it is much more so for political power, even when it presents itself as guided by objective data. The virus is a magnifying glass that reveals the contradictions, limitations and frailties of the human condition, calling into question as never before our stubborn belief in progress and our hubristic sense of our own indestructibility as a species.
Jean-Luc Nancy nous a quittés avant la publication de ce livre d'entretiens auquel il tenait. Il porte sur l'antisémitisme et le rejet des Juifs. Pourquoi hait-on les Juifs ? Comment le judaïsme a-t-il survécu à la pulsion d'extermination ? Comment vivre avec l'antisémitisme quand on est juif ?
Autant de questions, et bien d'autres, que ces entretiens soulèvent : les origines de l'antisémitisme, sa singularité irréductible, le rôle du christianisme dans sa constitution, la distinction entre antijudaïsme et antisémitisme, l'impensé que l'exclusion des Juifs représente dans l'histoire de la philosophie, le cas Heidegger depuis la sortie des
Cahiers noirs, le phénomène de banalisation, les questions théologico-politiques, ou encore le renouveau de l'antisémitisme. La haine des Juifs semble être un fait civilisationnel avéré, que Jean-Luc Nancy analyse ici sous la forme d'un dialogue sans concession avec Danielle Cohen-Levinas.
"Qu'est-ce qu'un démocrate, je vous prie ? C'est là un mot vague, banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc." Cette question, ce jugement sans appel d'Auguste Blanqui datent d'un siècle et demi mais gardent une actualité dont ce livre est un signe. Il ne faut pas s'attendre à y trouver une définition de la démocratie, ni un mode d'emploi et encore moins un verdict pour ou contre. Les huit philosophes qui ont accepté d'y participer n'ont sur le sujet qu'un seul point commun : ils et elles rejettent l'idée que la démocratie consisterait à glisser de temps à autre une enveloppe dans une boîte de plastique transparent. Leurs opinions sont précises dans leurs divergences, voire contradictoires - ce qui était prévu et même souhaité. Il en ressort, pour finir, que tout usé que soit le mot "démocratie", il n'est pas à abandonner à l'ennemi car il continue à servir de pivot autour duquel tournent, depuis Platon, les plus essentielles des controverses sur la politique.
Avant de faire époque dans la littérature et dans l’art, avant de représenter une sensibilité ou un style (dont on annonce régulièrement le « retour »), le romantisme est d’abord une théorie. Et l’invention de la littérature. Il constitue même, très exactement, le moment inaugural de la littérature comme production de sa propre théorie – et de la théorie se pensant comme littérature. Par là, il ouvre l’âge critique auquel nous appartenons encore.
Poétique où le sujet se confond avec sa propre production, et Littérature close sur la loi de son propre engendrement, le romantisme (nous, en somme), c’est le moment de l’absolu littéraire.
Cela s’est joué vers 1800, à Iéna, autour d’une revue (l’Athenaeum) et d’un groupe (celui des frères Schlegel). Or, depuis bientôt deux cents ans que ce moment a eu lieu, pratiquement aucun des textes majeurs où s’est effectuée une telle opération n’a été traduit en français. La première ambition de ce livre est, par conséquent, de donner à lire certains d’entre eux. Mais comme la contrainte que le romantisme exerce sur nous est à proportion de la méconnaissance où il a été tenu, on a voulu, chaque fois, accompagner ces textes et en prendre, à notre usage, la mesure théorique. Question, tout simplement, de vigilance : car au fond « l’absolu littéraire », n’est-ce-pas ce qui hante, encore aujourd’hui, notre demi-sommeil théorique et nos rêveries d’écritures ? Ph. L.-L. et J.-L. N. La traduction et l’annotation des textes ont été assurées avec la collaboration de Anne-Marie Lang.
Si l'homme est bien « l'existant qui présente », alors il lui aura fallu inventer les outils et les formes de cette présentation : le langage, le dialogue, la représentation. Mais quels sont les enchaînements et les limites de ces formes ? Et comment le théâtre, qui les rassemble, peut-il, via l'espacement de la scène, ne pas les trahir ?
Ce sont ces questions qui trament les deux dialogues ici reproduits : Scène, qui fut publié en 1992 dans la Nouvelle revue de Psychanalyse, et Dialogue sur le dialogue, qui date de 2004 et qui en fut le prolongement.
Deux moments de haute intensité du travail en commun mené par les deux philosophes.
La démocratie traverse une crise majeure. Les peuples doutent de leurs représentants. Certains en appellent à une démocratie « directe », sans médiation, et dautres consentent à linstauration de « démocraties illibérales »... Mais que recouvre en réalité le mot « démocratie » ?Dans cet ouvrage à quatre mains, Jean-François Bouthors et Jean-Luc Nancy reviennent sur ses origines et sur sa spécificité : la démocratie naît de leffondrement dun monde devenu caduc et elle construit le peuple comme lêtre ensemble dindividus libres et égaux. Mais elle est toujours en écart avec elle-même, jamais achevée. Elle est, en elle-même, un nécessaire (re)commencement, dans une relation complexe avec la technique. Aussi doit-elle sapprendre, hic et nunc, jusque dans ce qui la dépasse.
Jean-François Bouthors et Jean-Luc Nancy ont mis en commun leurs approches philosophiques, anthropologiques, historiques et géopolitiques pour décrypter ensemble les soubassements de la crise démocratique.
Les deux dialogues composant ce volume appartiennent à ce moment où, pour les auteurs, l'interrogation philosophique sur le politique croisait les faisceaux de questions mises en avant par la psychanalyse.
À la lumière de l'approche freudienne du phénomène politique, ce sont les conditions de possibilité de l'existence collective qui sont interrogées.
Dès lors qu'a pu être éloignée l'imposition d'une Figure (Dieu, Père, Chef, Peuple), comment et sur quoi étayer un être-ensemble capable d'échapper au délitement et à la panique ?
Deux philosophes s'entretiennent sur la situation et sur la signification de l'art aujourd'hui : ce que son nom veut dire désormais, ce que, bien loin d'être un nom désuet, il nous donne à penser de neuf. La pensée très élaborée de Jean-Luc Nancy sur ce sujet est reprise mais aussi continuée au cours d'une discussion où Jérôme Lèbre s'interroge avec lui sur la meilleure manière de saisir l'engagement du corps sensible dans l'activité artistique et l'approche des oeuvres, la relation de l'art à la technique, à l'histoire, sa modulation en arts traditionnels et nouveaux, sa position actuelle vis-à-vis de la religion, de la politique et de la littérature.
The concept of community is tainted by the events of the twentieth century, frequently appropriated by totalitarian regimes for the purposes of exclusion and oppression. In this dialogue with Peter Engelmann, philosopher Jean-Luc Nancy attempts to reframe community as central to a reconceptualization of politics and democracy. Observing that all our interactions are in some way shared experiences, Nancy demonstrates that a common sense of life precedes our existence as individuals: we can only truly make sense of life in a plurality. Democracy is typically concerned with establishing political unity, yet its greater task lies in community: creating a space in which sense can realize itself and circulate. This conversation with one of France’s foremost thinkers will be of great interest to all readers of contemporary philosophy and political theory.
À la croisée de la littérature, de la philosophie, de l'esthétique et des Visual Studies, ce dossier aborde la question des arts du point de vue de la déconstruction, à partir des travaux de Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy, Hélène Cixous et Georges Didi-Huberman. Il explore plus précisément l'ekphrasis et les nouvelles poétiques que cette figure suscite dans les oeuvres de ces philosophes et écrivains. Chez chacun des auteurs, il s'agit moins d'écrire « sur » l'oeuvre d'art que d'aller à la rencontre de ce qui, en elle, récuse toute appropriation ou traduction. Comment dès lors en parler ? Cette interrogation conduit à des approches multiples et singulières, voire idiomatiques, et permet de mesurer l'apport des concepts issus de la déconstruction, sa critique de l'appareil optique, de la représentation et de la visibilité/invisibilité, de l'image. En soulignant les enjeux esthétiques, philosophiques et éthiques engagés pour ces penseurs par l'oeuvre d'art, ce numéro met ainsi en relief leurs axiomes les plus inventifs dans un champ qui ne fut jamais confiné pour eux dans la désignation ancienne des « beaux-arts », mais bien toujours saisi comme le lieu mouvant d'une véritable pensée, d'un « penser voir » autrement.
Dès son ouverture avec De la grammatologie, l'oeuvre de Jacques Derrida aura imprimé un déplacement décisif à la question de la lecture. Bien au-delà de la seule « déconstruction » de ses conventions et règles, la lecture selon Derrida en appelle à une autre expérience, à une responsabilité accrue, acte d'hospitalité inséparable d'une invention poétique. Les collaborateurs de cette livraison ont voulu témoigner à leur tour de la portée - philosophique, littéraire, politique - de ce travail de lecture et du rapport à l'autre qu'il met en oeuvre.
Premier volume de la collection "Questions de caractère" - dirigée par Adèle Van Reeth et publiée en co-édition avec France Culture - qui explore les passions humaines. Une découverte philosophique de la "jouissance", dont la signification a beaucoup évolué avant de n'évoquer que la sexualité.La jouissance a une histoire. Tantôt condamnée au nom d'une morale supérieure, tantôt brandie sous forme de slogan (" Jouissez sans entraves ! "), elle est un puissant moteur individuel et collectif dont les penseurs, écrivains et artistes ont fait leur miel, sans pour autant toujours la nommer comme telle. Or, qu'est-ce que la jouissance ? La satisfaction d'avoir atteint le degré ultime du plaisir, ou la joie de celui qui use librement de ce qu'il possède ? Une expérience mystique et solitaire, ou le synonyme d'une consommation effrénée ?
Dans ce livre, vous ne trouverez ni conseils avisés pour mieux jouir ni constat désolé d'une société qui identifierait la jouissance à l'absorption des biens et des plaisirs, mais une discussion captivante autour d'une expérience difficile à décrire qui soulève des enjeux philosophiques passionnants.
Une réflexion à prolonger en écoutant sur France Culture " Les Nouveaux Chemins de la connaissance " d'Adèle Van Reeth.