« Seuls les entrepreneurs peuvent devenir riches. Devenez entrepreneur. C'est le meilleur investissement que vous pouvez faire, car il implique d'investir dans vous-même, tandis que travailler pour un salaire équivaut, cela s'entend, à enrichir autrui. Les termes de l'alternative sont clairs : donner ou prendre (partager étant exclu de la discussion). Ainsi pourrait se conclure le manifeste du parvenu : ce qui n'est pas pris est perdu. »
Avec cet essai, qui tient à la fois de la satire et de l'analyse, la sociologue Julia Posca passe au crible le discours décomplexé de l'élite québécoise au pouvoir, qui rêve d'un Québec peuplé principalement de rentiers et de patrons. Une utopie pécuniaire sondée dans toute son absurdité, mais surtout dans ses nombreuses contradictions.
Le manifeste des parvenus est une oeuvre-choc et décapante. C'est la voix de nos maîtres, telle que vous ne l'avez jamais entendue ! Et il importe d'y porter une attention critique, car, dans l'Amérique où le triomphe de l'argent repousse les frontières de la vulgarité, l'heure des parvenus a sonné.
Considéré dans ce texte: Le manifeste des lucides. L'épuisement professionnel. L'urgence de repenser l'économie et l'importance du care. Le Magic Bullet. Les bullshit jobs. S'impliquer dans sa communauté. François Lambert.
Si nous portons notre regard sur les installations pétrolifères de Syncrude à Fort McMurray en Alberta, sur les forêts abitibiennes scarifiées par les coupes à blanc ou le site minier Manitou-Goldex, abandonné, à Val-d'Or, on se demande assez vite si nous savons encore habiter le monde. Le sol, la boue, l'humus, l'air, les quenouilles, les maringouins semblent aujourd'hui être pour nous plus abstraits et, du coup, moins sensés, moins signifiants, que les retombées économiques, le taux de chômage ou le bourdonnement de la bourse de Tokyo.
Comme l'avançait le sociologue Jean-Philippe Warren en 2005 dans nos pages - plus précisément celles du no 268, intitulé Intellectuel sans domicile fixe -, la nature s'est, pour nous tous, transmutée en environnement. Elle n'est plus un cosmos, un espace avec lequel dialoguer, une part du récit nous englobant en tant que communauté, mais un pur objet extérieur à nous et, de là, une simple ressource. Or, la ressource, comme chacun sait, ne s'habite pas. Elle s'exploite.
S'il nous est bien sûr impossible, à tout le moins peu souhaitable, de revenir au cadre des cosmogonies grecques ou romaines, il nous faut pourtant trouver le moyen d'investir de nouveau la Terre comme un lieu, c'est-à-dire apprendre à la percevoir et à la lire autrement afin de développer avec elle un nouveau commerce - à entendre ici au sens de relation et de façon de se comporter à l'égard d'autrui. Chacun à sa manière, les textes du présent dossier nous invitent à cette tâche.
Au problème complexe des finances de l'État, il y aurait, nous dit-on, une réponse simple : couper, démanteler, réduire, détruire, restreindre. Devant la diminution de sa marge de manoeuvre politique, la réponse de notre gouvernement se résume ainsi à diminuer davantage cette marge de manoeuvre. Drôle de réflexe. Nous avons souhaité réfléchir à ce paradoxe dans le nouveau numéro de Liberté : au-delà de sa dimension économique, quelles sont les implications sociologiques, psychologiques et esthétiques de l'austérité ?
La « science économique » est devenue l'objet d'un fétiche déraciné du monde. N'en déplaisent à ceux qui, tous les matins à la radio, nous présentent des bulletins économiques comme on nous parle de la météo, empruntant le ton de la vérité scientifique. L'économie a ainsi été laissée entre de bien mauvaises mains. Sans surprise, cette fuite en dehors du monde a semé dans la maison un chaos épouvantable, au point où il n'est plus certain que nous sachions encore comment habiter et partager cet espace sans violence. C'est aussi dire qu'on ne peut plus laisser aux économistes patentés, aux comptables et aux gestionnaires le monopole de la réflexion sur l'économie. Il est temps de prendre, nous aussi, les rênes de l'économie. Il est temps de remettre la maison en ordre.