Le rêve peut-il être appréhendé par les sciences sociales ? Objet devenu indissociable de la psychanalyse, il était jusqu'à ce jour largement ignoré des sociologues. Si quelques chercheurs ont pu s'interroger sur la manière dont le rêve a été perçu selon les époques et les milieux, Bernard Lahire entre ici dans la logique même de sa fabrication et le relie aux expériences que les individus ont vécues dans le monde social.
L'ambition de cet ouvrage est d'élaborer une théorie générale de l'expression onirique. En partant des acquis du modèle d'interprétation proposé par Freud, il s'efforce d'en corriger les faiblesses et les erreurs, en tirant parti des nombreuses avancées scientifiques accomplies depuis
L'Interprétation du rêve. À l'opposé de ce que croyait Freud, le rêve apparaît ici comme l'espace de jeu symbolique le plus complètement délivré de toutes les sortes de censures. Il livre des éléments de compréhension profonde de ce que nous sommes et permet de voir frontalement
ce qui nous travailleobscurément, de comprendre
ce qui pense en nous à l'insu de notre volonté.
Cet ouvrage contribue aussi à donner de nouvelles ambitions à la sociologie. Si le rêve fait son entrée dans la grande maison des sciences sociales, ce n'est pas pour laisser le lieu en l'état, mais pour en déranger les habitudes.
De quoi nous parlent nos rêves et pourquoi leur contenu nous déroute-t-il ? Dans
L'Interprétation sociologique des rêves, Bernard Lahire élaborait un cadre général d'analyse de l'expression onirique nourri des apports de l'ensemble des disciplines qui ont abordé cette énigme. L'espace du rêve y apparaissait comme le lieu d'une communication de soi à soi, implicite et très peu censurée, mettant en jeu sous une forme transfigurée des problématiques existentielles profondément structurées par les expériences sociales des rêveurs.
Ce second volume déploie le modèle et la méthode mis au point sur des corpus inédits de rêves. En reliant les fils de l'imaginaire nocturne de quatre femmes et de quatre hommes à des expériences récentes ou lointaines de leur vie, Bernard Lahire déchiffre les préoccupations que leurs rêves mettent en scène. Par-delà l'étrangeté ou l'incohérence apparente des pièces de ces puzzles oniriques construits nuit après nuit, il fait apparaître avec netteté l'image qui s'en dégage : l'épreuve de la domination masculine, les séquelles des abus sexuels, les affres de la condition de transfuge de classe, les heurts de la compétition scolaire, les rapports difficiles à l'héritage familial, les conséquences de la violence parentale physique ou symbolique, les effets d'une morale religieuse enveloppante ou les répercussions de l'abandon du père.
En s'emparant, avec virtuosité, d'un objet traditionnellement considéré comme hors du champ de la sociologie, Bernard Lahire ne se contente pas de défaire un peu plus le mythe d'une intériorité préservée de toute influence sociale ; il nous donne les moyens d'accéder avec une plus grande lucidité à la part rêvée de nos existences.
En 1657, Nicolas Poussin peint une
Fuite en Égypte au voyageur couché. La toile disparaît ensuite pendant plusieurs siècles. Dans les années 1980, différentes versions du tableau réapparaissent, de grands experts s'opposent, des laboratoires d'analyse et des tribunaux s'en mêlent et nombreux sont ceux à vouloir authentifier et s'approprier le chef-d'oeuvre.
De quoi nous parle cette histoire aux allures d'intrigue policière ? Qu'est-ce qui fait la valeur d'une oeuvre d'art ? Et d'où vient cette aura attachée aux créateurs et aux oeuvres ? Bernard Lahire montre que le sacré n'a jamais disparu de notre monde mais que nous ne savons pas le voir. La magie sociale est omniprésente dans l'économie, la politique, le droit, la science ou l'art autant que dans la mythologie ou la religion. C'est cet effet d'enchantement qui transforme une sculpture d'animal en totem, un morceau de métal en monnaie, une eau banale en eau bénite ; et qui fait passer un tableau du statut de simple copie à celui de chef-d'oeuvre.
Puisant avec érudition dans l'anthropologie, l'histoire et la sociologie, ce livre interroge les socles de croyance sur lesquels nos institutions et nos perceptions reposent. Questionnant radicalement l'art et son ambition émancipatrice, il révèle les formes de domination qui se cachent derrière l'admiration des oeuvres.
Depuis plusieurs décennies, à gauche comme à droite, la sociologie est régulièrement accusée d'excuser la délinquance, le crime et le terrorisme, ou même de justifier les incivilités et les échecs scolaires. Dans ce livre accessible et vigoureux, Bernard Lahire démonte cette vulgate, ses fantasmes et ses contre-vérités. Un plaidoyer lumineux pour la sociologie et, plus généralement, pour les sciences qui se donnent pour mission d'étudier avec rigueur le monde social.
Depuis plusieurs décennies, la sociologie est régulièrement accusée d'excuser la délinquance, le crime et le terrorisme, ou même de justifier les incivilités et les échecs scolaires. À gauche comme à droite, nombre d'éditorialistes et de responsables politiques s'en prennent à une " culture de l'excuse " sociologique, voire à un " sociologisme " qui serait devenu dominant.
Bernard Lahire démonte ici cette vulgate et son lot de fantasmes et de contre-vérités. Il livre un plaidoyer lumineux pour la sociologie et, plus généralement, pour les sciences qui se donnent pour mission d'étudier avec rigueur le monde social. Il rappelle que comprendre les déterminismes sociaux et les formes de domination permet de rompre avec cette vieille philosophie de la responsabilité qui a souvent pour effet de légitimer les vainqueurs de la compétition sociale et de reconduire certains mythes comme celui du
self made man, celui de la " méritocratie " ou celui du " génie " individuel.
Plus que la morale ou l'éducation civique, les sciences sociales devraient se trouver au coeur de la formation du citoyen, dès le plus jeune âge. En développant la prise de distance à l'égard du monde social, elles pourraient contribuer à former des citoyens qui seraient un peu plus sujets de leurs actions.
Dans ce petit livre conçu pour rendre plus largement visible le sens général de son travail et de la démarche qu'il y engage, Bernard Lahire s'efforce de faire apparaître le flou et les contradictions des discours savants ou demi-savants sur la " montée de l'individualisme ". Au moment où l'individu est de plus en plus souvent perçu ou rêvé comme un être isolé, autonome, responsable, opposé à " la société " contre laquelle il défendrait son " authenticité " ou sa " singularité ", les sciences sociales ont plus que jamais le devoir de mettre au jour sa fabrication sociale. Car le social ne se réduit pas au collectif ou au général, mais gît dans les
plis les plus singuliers de chaque individu.
Dans ce livre conçu pour expliciter le sens de son travail, Bernard Lahire soumet à la critique les discours sur la " montée de l'individualisme " et la figure de l'individu " libre et autonome " au coeur de nos mythologies contemporaines. Exposant la manière dont il est possible de faire de l'individu singulier un véritable objet sociologique en tant qu'être en permanence
socialisé, il dialogue également avec les sciences cognitives qui, en mettant en lumière les phénomènes de plasticité cérébrale et la façon dont nos expériences sociales s'inscrivent dans nos cerveaux, nous rappellent que les individus ne perçoivent, ne pensent ou n'agissent qu'en tant que dépositaires de l'ensemble des formes d'expérience déterminées par leurs places et leurs situations dans le monde social.
Prix de l'écrit social 2013
Des sociologues interrogent la légitimité de leur discipline.
" À quoi sert la sociologie ? " La question est tout à la fois naïve et provocatrice. La sociologie doit-elle nécessairement servir à quelque chose ? Ou, pour le dire autrement, à quoi ne doit-elle surtout pas servir ? Et si la sociologie doit avoir une quelconque utilité, quelle doit en être la nature : politique (sociologue-expert, sociologue-conseiller du prince, sociologue au service des luttes des dominés), thérapeutique (la sociologie comme socio-analyse et moyen de diminuer ses souffrances grâce à la compréhension du monde social), cognitive (la sociologie comme savoir n'ayant d'autre objectif que d'être le plus scientifique possible) ? C'est à cet ensemble de questionnements que les auteurs de cet ouvrage ont accepté de se confronter. À l'heure où les politiques sont parfois tentés de dénoncer le " sociologisme ", notamment en matière de sécurité, l'actualité nous rappelle que la sociologie est une discipline académiquement moins " légitime " que d'autres, une science particulièrement exposée aux demandes de justification ou aux remises en question de ses résultats. Mais si la situation (sociale, académique et cognitive) singulière de la sociologie la met dans une situation inconfortable, dans le même temps, cette demande de réflexivité peut se révéler très productive.
De caricatures en vulgarisations schématiques des travaux sociologiques, on a fini par penser que nos sociétés, marquées par le maintien de grandes inégalités sociales d'accès à la culture, étaient réductibles à un tableau assez simple : des classes dominantes cultivées, des classes moyennes caractérisées par une " bonne volonté culturelle " et des classes dominées tenues à distance de la culture.Dans ce livre qui combine solidité argumentative et ampleur du matériau empirique, Bernard Lahire propose de transformer cette vision simpliste. Il met ainsi en lumière un fait fondamental : la frontière entre la " haute culture " et la " sous-culture " ou le " simple divertissement " ne sépare pas seulement les classes sociales, mais partage les différentes pratiques et préférences culturelles des mêmes individus, dans toutes les classes de la société. Il montre qu'une majorité d'individus présentent des profils dissonants qui associent des pratiques culturelles allant des plus légitimes aux moins légitimes. Si le monde social est un champ de luttes, les individus sont souvent eux-mêmes les arènes d'une lutte des classements, d'une lutte de soi contre soi. Une nouvelle image du monde social apparaît alors, qui ne néglige pas les singularités individuelles et évite la caricature culturelle des groupes.
Est-il possible de percer les mystères de la création littéraire ? La sociologie peut-elle entrer dans la chair même des oeuvres ? Est-elle en mesure de se confronter à des oeuvres particulièrement difficiles, et même étranges, qui découragent plus d'un lecteur et soumettent habituellement à rude épreuve le travail des interprètes ?
Est-il possible de percer les mystères de la création littéraire ? La sociologie peut-elle entrer dans la chair même des oeuvres ? Bernard Lahire s'est confronté à l'un des plus grands représentants de la littérature d'avant-garde, Franz Kafka : pourquoi écrit-il ce qu'il écrit comme il l'écrit ? Pour répondre, Bernard Lahire examine la fabrication sociale de l'auteur du Procès, depuis les primes expériences familiales jusqu'aux épreuves les plus tardives. Ce faisant, non seulement il saisit les raisons qui le conduisent à être attiré par la littérature, mais il se donne les moyens de comprendre les propriétés formelles et thématiques d'une oeuvre travaillée par les éléments constitutifs de sa problématique existentielle. Dans ce livre magistral qui, au-delà du cas de Kafka, pose les fondements d'une théorie de la création littéraire, les oeuvres apparaissent comme autre chose que des solutions esthétiques à des problèmes formels ou que des manières de jouer des coups dans un " champ littéraire ". Elles sont aussi des points de vue sur le monde, des manières formellement spécifiques de parler du monde mises en oeuvre par des créateurs aux expériences sociales singulières.
En mettant au jour leurs conditions d'existence sociales et économique, cette enquête exceptionnelle permet de pénétrer les aspects les plus concrets du travail de dizaines d'écrivains contemporains.
Bien que les écrivains soient l'objet d'une grande attention publique, force est de constater qu'on les connaît en réalité très mal. Faute d'enquêtes sérieuses, on se contente bien souvent de la vision désincarnée d'un écrivain entièrement dédié à son art. Et l'on peut passer alors tranquillement à l'étude des textes littéraires en faisant abstraction de ceux qui les ont écrits. Ce livre fait apparaître la singularité de la situation des écrivains. Acteurs centraux de l'univers littéraire, ils sont pourtant les maillons économiquement les plus faibles de la chaîne que forment les différents " professionnels du livre ". À la différence des ouvriers, des médecins, des chercheurs ou des patrons, qui passent tout leur temps de travail dans un seul univers professionnel et tirent l'essentiel de leurs revenus de ce travail, la grande majorité des écrivains vivent une situation de double vie : contraints de cumuler activité littéraire et " second métier ", ils alternent en permanence temps de l'écriture et temps des activités extra-littéraires rémunératrices. Pour cette raison, Bernard Lahire préfère parler de " jeu " plutôt que de " champ " (Pierre Bourdieu) ou de " monde " littéraire (Howard S. Becker) pour qualifier un univers aussi faiblement institutionnalisé et professionnalisé. Loin d'être nouvelle, cette situation de double vie - dont témoignaient Franz Kafka et le poète allemand Gottfried Benn - est pluriséculaire et structurelle. Et c'est à en préciser les formes, à en comprendre les raisons et à en révéler les effets sur les écrivains et leurs oeuvres que cet ouvrage est consacré. Il permet de construire une sociologie des conditions pratiques d'exercice de la littérature. En " matérialisant " les écrivains, c'est-à-dire en mettant au jour leurs conditions d'existence sociales et économiques, et notamment leur rapport au temps, il apparaît que ni les représentations que se font les écrivains de leur activité ni leurs oeuvres ne sont détachables de ces différents aspects de la condition littéraire.
Qu'est-ce que la connaissance sociologique ? Quels sont ses critères de valeur scientifique ? Une approche iconoclaste dans cet antimanuel de sociologie.
Si toutes les théories du social peuvent a priori prétendre à l'égale dignité scientifique, c'est uniquement dans la mesure où celles et ceux qui les mobilisent acceptent de s'imposer un haut degré de rigueur argumentative, de contrainte méthodologique et de sévérité empirique. Or, à bien considérer l'état réel des productions sociologiques, cela est rarement le cas. Mais qu'est-ce que penser et connaître en sociologue ? Et pourquoi un regard scientifique sur le monde social est-il si important à construire, à défendre et à transmettre ? Issu d'une réflexion sur le travail d'interprétation sociologique mis en oeuvre sur des données de nature différente (données d'observation, entretiens, documents écrits, données quantitatives), ce livre aborde des questions centrales dans l'apprentissage de l'esprit sociologique : la description, l'interprétation et la surinterprétation, l'usage sociologique des analogies, les rapports entre objectivation sociologique et critique sociale, entre l'ordre de la pratique et l'ordre du discours, entre sociologie et littérature, etc. Et s'il fallait absolument l'affilier à un genre particulier, un tel ouvrage entrerait sans doute, de par sa tonalité critique et sa volonté d'expliciter sans détour ce qu'est la connaissance sociologique mais aussi ce qu'elle n'est pas, dans la catégorie des anti-manuels.