Naissons-nous égaux ? Des plus matérielles aux plus culturelles, les inégalités sociales sont régulièrement mesurées et commentées, parfois dénoncées. Mais les discours, qu'ils soient savants ou politiques, restent souvent trop abstraits. Ce livre relève le défi de regarder à hauteur d'enfants les distances sociales afin de rendre visibles les contrastes saisissants dans leurs conditions concrètes d'existence.
Menée par un collectif de 17 chercheurs, entre 2014 et 2018, dans différentes villes de France, auprès de 35 enfants âgés de 5 à 6 ans issus des différentes fractions des classes populaires, moyennes et supérieures, l'enquête à l'origine de cet ouvrage est inédite, tant dans son dispositif méthodologique que dans ses modalités d'écriture, qui articulent portraits sociologiques et analyses théoriques. Son ambition est de faire sentir, en même temps que de faire comprendre, cette réalité incontournable : les enfants vivent au même moment dans la même société, mais pas dans le même monde.
Rendre raison des inégalités présentes dans l'enfance permet dès lors de retracer l'enfance des inégalités, autrement dit leur genèse et leur influence sur le destin social des individus. En donnant à voir ce qui est accessible aux uns et inaccessible aux autres, évident pour certains et impensable pour d'autres dans des domaines aussi différents que ceux du logement, de l'école, du langage, des loisirs, du sport, de l'alimentation ou de la santé, cet ouvrage met sous les yeux du lecteur l'écart entre des vies augmentées et des vies diminuées. Il éclaire les mécanismes profonds de la reproduction des inégalités dans la société française contemporaine, et apporte ainsi des connaissances utiles à la mise en œuvre de véritables politiques démocratiques.
Sous la direction de Bernard Lahire, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon (Centre Max Weber) et membre senior de l'Institut universitaire de France, avec la collaboration de Julien Bertrand, Géraldine Bois, Martine Court, Sophie Denave, Frédérique Giraud, Gaële Henri-Panabière, Joël Laillier, Christine Mennesson, Charlotte Moquet, Sarah Nicaise, Claire Piluso, Aurélien Raynaud, Fanny Renard, Olivier Vanhée, Marianne Woollven et Emmanuelle Zolesio.
Comment dessiner une vue d'ensemble du monde social lorsque les cloisonnements disciplinaires et l'hyperspécialisation du savoir poussent les chercheurs à étudier des parcelles de plus en plus restreintes de ce monde ? Si cette fragmentation est une conséquence du processus de différenciation sociale qu'ils s'attachent à penser, elle est aussi ce qui les empêche d'en faire une lecture globale.
Une question centrale donne pourtant aux sciences humaines et sociales un socle commun : pourquoi les individus font-ils ce qu'ils font ? Et elles y répondent d'autant mieux qu'elles parviennent à saisir les pratiques des acteurs au croisement de leurs expériences passées incorporées et des contextes de leurs actions présentes. Si la plupart des chercheurs en conviennent, peu s'accordent toutefois sur les cadres pertinents dans lesquels les acteurs doivent être situés pour analyser telle ou telle dimension de leurs pratiques. Soumettre les notions de " champ ", de " monde ", de " système " ou de " cadre de l'interaction " à l'examen critique, c'est dès lors œuvrer à leur jonction théorique.
Bernard Lahire s'efforce ici de marquer une distance par rapport à l'état actuel des sciences humaines et sociales et aux clivages qui les traversent en nous donnant la possibilité d'entrevoir l'unité cachée d'un espace en apparence très morcelé.
Bernard Lahire, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon, a publié une quinzaine d'ouvrages, parmi lesquels L'Homme pluriel (Nathan, 1998), La Culture des individus (La Découverte, 2004) et Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la création littéraire (La Découverte, 2010).
Tableaux de famille
Comment expliquer qu'une partie de ceux qui ont la plus grande probabilité de redoublement à l'école élémentaire peut échapper à ce risque et même, parfois, occuper les meilleures places dans les classements scolaires ? La réponse à cette question est au cœur de ce livre.
Des portraits familiaux montrent comment un capital culturel peut se transmettre ou non, ou bien comment, malgré un contexte familial peu propice à l'apprentissage, les savoirs scolaires peuvent tout de même être appropriés par les enfants. En fin de compte, ce sont les notions mêmes de capital culturel, de transmission ou d'héritage qui perdent de leur pertinence dès lors que, changeant d'échelle d'observation, on s'attache à la description et à l'analyse des modalités de la socialisation familiale ou scolaire.
Bernard Lahire
Professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon, il a publié une vingtaine d'ouvrages, parmi lesquels La Culture des individus (La Découverte, 2004), Monde pluriel (Seuil, 2012) et Dans les plis singuliers du social (La Découverte, 2013).