"La peinture unit en un seul personnage imaginaire les circonstances et les caractères que la Nature présente dispersés dans la multitude, et de cette combinaison ingénieusement conçue résulte cette heureuse imitation qui vaut le titre d'inventeur au bon artiste et non celui de copiste servile."
Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828), peintre, dessinateur et graveur espagnol, se situe à la croisée de deux siècles. À la gaieté exubérante ou insouciante du XVIIIe, qu'il exprime dans ses cartons de tapisserie, succède un pessimisme souvent provocant, renforcé par sa surdité et l'effondrement tragique de sa patrie au début du XIXe siècle. À travers les sarcasmes de ses "peintures noires" et de ses gravures, mais aussi dans ses portraits où l'artiste pénètre les âmes, avec tendresse ou cruauté, il donne une touche artistique singulière au mouvement romantique naissant qu'il côtoie lors de son exil à Bordeaux, ville des afrancesados libéraux - et cela jusqu'à sa mort. Témoin de son temps, Goya en est aussi l'accusateur ; et sa peinture, délivrée des contraintes traditionnelles, marque un tournant décisif dans l'histoire de l'art moderne.
Contempler un tableau ou un paysage, écouter une pièce de musique, s'immerger dans un univers sonore, lire un poème, voir un film : telle est l'expérience esthétique. Or, dans chaque culture humaine, elle est de toutes les expériences communément vécues à la fois la plus banale et la plus singulière.
Singulière car elle a pour condition qu'on s'y adonne sans autre but immédiat que cette activité elle-même ; banale, car elle n'en demeure pas moins de part en part une des modalités de base de l'expérience commune du monde. Elle exploite le répertoire de l'attention, de l'émotion et du plaisir mais elle leur donne une inflexion particulière, voire paradoxale. Il s'agit donc, démontre Jean-Marie Schaeffer, de comprendre non pas l'expérience des oeuvres d'art dans sa spécificité, mais l'expérience esthétique dans son caractère générique, c'est-à-dire indépendamment de son objet. Si l'expérience esthétique est une expérience de la vie commune, alors les oeuvres d'art, lorsqu'elles opèrent esthétiquement, s'inscrivent elles aussi dans cette vie commune. Mais n'est-ce pas là ce qui peut arriver de mieux et aux oeuvres et à la vie commune ?
Faisant appel aux travaux de la psychologie cognitive, aux théories de l'attention, à la psychologie des émotions et à la neuropsychologie des états hédoniques pour en clarifier la nature et les modes de fonctionnement, l'ambition philosophique de cet ouvrage est de comprendre le comment de l'expérience esthétique - la généalogie évolutionnaire de cet emploi si singulier de nos ressources cognitives et émotives - et le pourquoi - ses fonctions, existentielles tout autant que sociales. Après cela, il sera difficile de penser l'expérience esthétique comme autrefois.
Prix Dagnan-Bouveret 2015
M. Théodore est un riche colon de Kabylie descendant d'une famille installée en Algérie depuis 1870. Son domaine, bien irrigué, bien dirigé, contient les plus belles plantations de la région, céréales et « forêts d'orangers ». M. Théodore dirige tout, contrôle tout avec justice et humanité et se croit aimé de tous. Mais la vie change autour de lui sans qu'il s'en rende compte ; il ne s'aperçoit pas que le système féodal est dépassé. Il est aussi absorbé par son amour pour Damienne qui, après avoir accepté de l'épouser, le quitte pour un homme plus jeune. « Tu vis dans un domaine de pacha de légende... notre temps est fini », lui dit son ami. Lorsque la révolte éclatera, M. Théodore sera sauvé par un des arabes de son domaine. Et beaucoup plus tard, devenu vieux et riche, il se fixera dans une petite ville d'eaux de Rhénanie dont les jardins ornés de bougainvillées en fleurs l'ont séduit ; il louera le rez-de-chaussée d'une ancienne tour attenant à une ferme ; la fermière vient le servir. M. Théodore, se promenant dans le parc, écoutant de la musique, faisant des promenades, veut ainsi finir ses jours en paix, et vivre de ses souvenirs. Mais les souvenirs qui lui sont chers semblent morts et le fuient. La fermière, obligée de s'absenter, lui envoie Rôseli, sa jeune nièce, pour la remplacer. Grâce à une ressemblance, grâce au charme et à la jeunesse de Rôseli, M. Théodore s'attache à elle avec tendresse, et retrouve dans cette tendresse les souvenirs merveilleux de son domaine, de ses amours, de sa jeunesse, qu'il lui raconte avec verve et ironie. La voyant triste, il apprend qu'elle est amoureuse d'un garçon qu'elle ne peut épouser parce qu'elle n'a ni terre ni dot. Et M. Théodore, dans un dernier sacrifice, un dernier abandon, pour créer le bonheur qu'il n'a pas obtenu, lui offre, en lui achetant des terres, la liberté d'être heureuse loin de lui. A travers le charme mélancolique de ce récit se retrouvent les qualités de coeur et d'esprit de l'auteur de La Branche de Camille.
Didier, un jeune garçon au caractère très innocent, fait connaissance d'Évrard, un peu plus âgé que lui, plus mûr, apparemment plein d'expérience. Avec lui, Didier croit apprendre la vie. En fait, il est berné. Tout en se sentant le pantin dont Évrard tire les ficelles, il n'en subit pas moins son ascendant.
Adulte, marié, Didier retrouvera Évrard et son amie Ludwine. Évrard, avec la même affection et la même ruse, poursuivra ses maléfices.
Didier se délivrera enfin du dragon, mais sa victoire sera un peu une victoire à la Pyrrhus.
On n'a pas oublié le premier roman de Marie Sils, « La branche de Camille ». Cette fois, elle nous livre l'étude captivante d'une amitié entre deux caractères opposés, les influences et les réactions de cette amitié, la transformation de deux individualités, à l'adolescence et à l'âge mûr.