La rencontre du chevalier et du savoir au XIIe siècle peut sembler paradoxale. Pourtant, elle se mêle inextricablement à la renaissance intellectuelle de cette période, mouvement décisif pour l'histoire de l'Occident. Le chevalier n'évolue pas seulement sur les champs de bataille, mais aussi dans les cours de plus en plus cultivées et raffinées. Son intérêt pour les classiques latins, son goût pour la lecture, voire sa propre poésie prouvent tout le contraire. Ce mécène éclairé a appris dans son enfance à lire en latin dans le psautier de sa mère aimante. Il patronne les jongleurs, il discute de littérature avec les clercs, à la fois intellectuels avant la lettre et prêtres, qui essaient au passage de réformer sa conduite, souvent brutale. Au fur et à mesure que leur culture livresque se développe, les chevaliers apprennent à réprimer leur propre violence à la guerre. Leurs lectures leur apprennent également les mots pour parler courtoisement aux femmes. À table, les contenances sont désormais de mise, tout comme la préciosité du langage, l'élégance des vêtements ou la mesure des gestes. Une révolution mentale est ainsi en oeuvre chez les élites laïques, qui, au contact avec le clergé savant, apprennent à mettre leurs armes au service du bien commun sous la direction du roi. Contre Norbert Elias, Martin Aurell démondre que la civilisation des moeurs a commencé quatre siècles plus tôt.
Pour de nombreux historiens et écrivains, les croisades auraient été une pulsion unanime des Occidentaux pour conquérir les territoires des religions concurrentes et imposer partout leur culture. Encore récemment des films et des discours politiques ont véhiculé ce mythe. Ce livre rompt définitivement avec le fantasme d'un consensus autour des guerres des croisés, ces pèlerins armés partis conquérir les lieux saints, soutenir les royaumes chrétiens d'Orient, voire rétablir la foi catholique dans des provinces dissidentes, en particulier contre les Cathares. Au terme d'une enquête minutieuse à travers les archives et les chroniques médiévales, Martin Aurell fait resurgir les puissantes voix des chrétiens qui se sont élevés contre le pape et les princes prétendant libérer Jérusalem par la force, alors même que Jésus avait refusé à Pierre le droit de prendre le glaive pour se défendre en ce même lieu. Il révèle comment des prêtres, des moines et même des troubadours se sont dressés contre les exactions des hommes d'armes. Ils ont condamné les pogroms en Allemagne, les violences des chevaliers envers des populations désarmées, le pillage des villes, l'avidité des grands ordres militaires, dont les Templiers, les Hospitaliers ou les Teutoniques. En réhabilitant les grandes consciences qui ont plaidé avec une étonnante précocité pour la tolérance, l'auteur réhabilite un humanisme ancré dans la foi. Ce livre constitue donc une première. Grâce aux auteurs critiques, il dévoile des pages sombres et méconnues de l'histoire des Croisades. Il modifie notre regard sur la violence au Moyen Age.