J'ai 40 ans et je n'aurai pas d'enfants. Je le dis depuis l'enfance, mais aujourd'hui on me croit. Il y a un vertige à m'en rendre compte : c'est sûr désormais, bientôt irrévocable.
Autour de moi, mes plus proches amies sont aussi ce qu'on appelle des « nullipares ». Nous sommes minoritaires, des femmes qui n'ont pas donné la vie, qui ne participent pas organiquement à la croissance démographique, à la pérennisation de l'espèce. Mais vous pouvez nous regarder sans crainte : ni sorcières, ni égoïstes, ni vaines, ni désespérées. Nous ne sommes pas moins complètes que nos mères, et nous sommes des femmes accomplies.
Mes amies sont aussi des littéraires. Je leur ai demandé de prendre la plume pour dire comment elles vivent cette féminité qu'on dit intransitive. Puis j'ai voulu élargir le cercle à d'autres écrivaines, pour que notre choeur résonne plus fort. Que ce soit par choix, par hasard, par solitude, par contrainte, la nulliparité est une flèche qui traverse nos vies et, peut-être, les réunit.
Nullipares rassemble les voix de dix autrices singulières. C'est un livre incarné, sensible et féministe, qui fait entendre une parole encore trop peu écoutée.
Avec les textes de Monique Proulx, Catherine Voyer-Léger, Sylvie Massicotte, Martine-Emmanuelle Lapointe, Brigitte Faivre-Duboz, Camille Deslauriers, Jeanne Bovet, Agathe Raybaud, Hélène Charmay et Claire Legendre.
L'apparition, au tournant des années 2000, de nombreuses maisons d'édition (dont Marchand de feuilles en 2000 ; Le Quartanier et Rodrigol en 2002 ; Alto et Ta mère en 2005 ; Héliotrope en 2006 ; La Mèche en 2010 ; Le Cheval d'août en 2014 pour n'en citer que quelques-unes), a été saluée comme « une renaissance » de la littérature du Québec. L'ampleur du phénomène et sa concentration dans le temps incitent à voir dans ce changement du paysage éditorial québécois une transformation susceptible d'affecter également et proportionnellement la pratique littéraire, tant sur le plan esthétique de la production que sur le plan critique de la réception. C'est l'hypothèse que ce dossier souhaite mettre à l'épreuve en confrontant l'étude de quelques-unes des pratiques éditoriales de ces nouvelles maisons à l'analyse de deux enjeux critiques majeurs de la littérature québécoise, l'identité et la langue, interrogés dans des corpus contemporains. En éclairant certains aspects du fonctionnement de maisons d'édition dont la création, en une décennie, constitue l'un des réaménagements les plus visibles du champ littéraire, ce dossier souhaite en interroger les conséquences pour la fiction narrative des années 2000 au Québec. Il propose une première réflexion, forcément exploratoire, sur la nature et l'étendue des changements qui s'opèrent et sur les critères qui permettent de les mesurer.
Études françaises a cinquante ans. À travers les cinquante volumes de la revue publiés entre février 1965 et décembre 2014 se lit la position singulière qu'elle a affirmée à l'égard de la critique littéraire, de la théorie et de l'histoire de la littérature, se distinguant dans le monde des revues savantes et de l'enseignement supérieur tout en contribuant à la construction d'un corpus « national » et à l'invention de la littérature québécoise comme objet et comme discipline. Ce dernier numéro du volume jubilaire porte à la fois sur l'histoire de la revue, prisme intéressant pour observer l'évolution intellectuelle et culturelle au Québec, notamment dans les circonstances particulières de l'affirmation d'une littérature québécoise, et sur son avenir qui suppose aujourd'hui de penser le rôle et la place d'une revue d'études littéraires consacrées aux cultures d'expression française dans le contexte de l'édition numérique. Au moment de célébrer son demi-siècle, la revue Études françaises doit trouver comment continuer à jouer ce rôle d'incubateur de littérature dans un environnement en mutation et aux frontières instables : « faire la littérature » sur le Web, tout en respectant sa mission savante. Dans ce numéro qui vient clore notre cinquantième volume, il est question du passé, de l'actualité et de l'avenir de la revue. Ainsi, avec ce regard porté des deux côtés du seuil, ce volume est parfaitement jubilaire : l'occasion de cet anniversaire était trop belle pour ne pas prendre résolument le parti du passage, celui du témoin entre deux directeurs, et celui du temps : révolu, transitoire et ouvert.