Filtrer
Éditeurs
Langues
Accessibilité
Michel Nuridsany
-
Dalí dépoussiéré. Dalí dans la proximité de Warhol et de Duchamp, voilà ce que ce livre s'attache à faire découvrir ici plutôt - ou tout autant - qu'un Dalí en icône surréaliste, ce qu'il fut peu de temps, finalement : de 1929 à 1939.
Un Dalí fasciné par la physique quantique et la théorie des catastrophes autant que par la toute-puissance du rêve et de l'inconscient.
Un Dalí qui doit plus à Lorca qu'à Gala. Même amoureusement.
Un Dalí qui écrit une autobiographie, un roman, des poèmes, crée des décors, écrit des scénarios, fait de la pub. Un Dalí chez qui, très vite, l'attitude prend le pas sur la forme.
Un Dalí moderne, qui traverse l'art conceptuel, annonce l'hyperréalisme, ose être littéraire dans sa peinture. Adore Roussel. Invente l'objet. Dalí comme il faut le réexaminer aujourd'hui.
Comme le fait ici Michel Nuridsany dans la nouvelle édition de cette biographie amusée et allante qui va à la fois au nerf et dans les détails. Avec un plaisir communicatif. -
Sa célébrité ? Une décision.
Elle lui a permis d'agir toujours comme il l'entendait, dans un scandale à peu près permanent, guetté par les médias qu'il manipulait avec un savoir-faire confondant. Cool.
La Factory des années 1960 où se fabriquaient sa peinture, puis ses films, fut à la fois son Hollywood privé, son usine à rêves et un creuset où se mélangeaient les gens du monde et les voyous, les artistes et les prostitués de tous bords. La drogue y circulait librement et le sexe aussi. Là, tout pouvait arriver et arrivait. La révolution des moeurs était d'avant-garde, comme le reste.
Warhol a été peintre, sculpteur, photographe, cinéaste, romancier, dramaturge, directeur de magazine, producteur d'un groupe rock, homme de télévision, acteur et enfin mannequin. Il a figuré, avec éclat, au centre de tout ce qui s'est expérimenté de plus inventif et de plus radical au début des années 1960, au temps du pop art et du cinéma underground, mais aussi dans les années 1970 et 1980, quand on commença à se penser "postmoderne" et que "l'appropriation" allait de soi. Il fut génial à la grande époque des Boîtes de soupe Campbell's, des Marilyn et des Chaises électriques, on le sait, mais non moins génial quelques mois avant sa mort quand il peint ses Camouflages.
Ce que propose cette biographie, comme écrite en connivence avec Warhol, c'est une vision qui va au nerf de ce que fut cet immense artiste, emblématique du XXe siècle, de plus en plus revendiqué par les jeunes créateurs d'aujourd'hui comme un modèle. Comme une ouverture. -
La toile, il la boxe, la caresse, y accumule des mots jusqu'au vertige. Basquiat c'est l'urgence, le lyrisme mêlé d'élégances, de grâce, de naïvetés, avec l'enfance qui rayonne et déborde. Et hurle. Et chante. Et dit la brûlure, le plaisir, la vie courte et intense. Il meurt à 27 ans, laissant mille tableaux et un nombre plus important encore de dessins.
Michel Nuridsany nous donne à voir et à comprendre ici comment le peintre apparaît, se forme, explose, quand naît le hip-hop, se radicalisent les mouvements de protestation des noirs et que se transforme en profondeur le milieu de l'art new-yorkais. Il nous apporte des lumières nouvelles sur l'importance de la musique et de la poésie dans son oeuvre et dans sa vie, sur sa façon de faire passer la technique du sampling dans sa peinture, sur l'origine de son nom, sur sa qualité de métis perçu comme noir, sur son voyage en Côte d'Ivoire, sur la réception de son oeuvre en France et sur ses rapports plus profonds qu'on ne l'a dit avec Warhol.
Quant à la jeunesse, elle est emportée par la bourrasque d'une vie traversée par la drogue, le sexe, l'art, et par une folle énergie. Basquiat, un jaillissement. -
« Warhol, je suis son amant.
Évidemment, tout le monde me prend pour un gigolo.
Ça m'amuse. Si l'on savait...
Oui : j'avais une vie avant de connaître ce cher Andy. Étudiant à l'École du Louvre et voleur amateur, formé ensuite, plus sérieusement, par un collectionneur du quai Voltaire, marchand de faux qu'il savait admirablement rendre vrais, trafiquant d'armes proche des renseignements généraux que j'appelais Monsieur X, je suis devenu un excellent faussaire et un riche marchand. Au Japon, qui était un Eldorado pour des gens comme moi dans les années 60, j'ai fait fortune et rencontré Warhol. On l'appelait, alors, le survivant. C'est un peu après, alors que nous revenions de Giverny, qu'il m'a fait la proposition qui allait changer ma vie et la sienne : prendre sa place, continuer son oeuvre, entrer en possession de la marque, comme il m'a dit.
Et lui ? Incroyable. Vous n'imaginez pas ce qu'il m'a demandé. »
Dans cette étourdissante fantaisie, tout est vrai et le reste vraisemblable. Michel Nuridsany joue en virtuose des vertiges qu'il nous offre, ouvrant par effraction un monde où tout se mêle, le faux, le vrai et l'entre-deux.
Portrait de Michel Nuridsany par Didier Pruvot © Flammarion