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« Soulages aime se trouver absolument seul et dans une pièce en ordre, comme s'il faisait une peinture pour la première fois. Aussi, lorsque l'on pénètre dans un atelier de Soulages, est-on toujours frappé par le grand vide d'un espace où rien ne traîne. Toutes ses peintures sont cachées, sauf (et encore cela est exceptionnel), celle à laquelle il s'attaque. Jamais il n'étale ses peintures terminées, comme la plupart des artistes, mais les range hors de la vue. Homme de toutes les curiosités, homme de l'outil, Soulages s'est attaché à créer des objets porteurs d'émotions esthétiques, que ce soient de ces objets peints que l'on appelle des tableaux, ou de ces objets gravés que l'on appelle des estampes, ou des planches de ces gravures devenues bas-reliefs de bronze, ou de ces objets tissés que l'on appelle des tapisseries, ou de ces objets qui captent et émettent la lumière que l'on appelle des vitraux. Tous ces objets (il préfère dire : ces ''choses'') sont la composante d'une oeuvre unique, dont l'ampleur paraît de plus en plus évidente. »
Michel Ragon -
Qui est Fred Barthélemy, dont Michel Ragon nous fait une biographie si passionnante ? Qui est Flora, la petite fille de ses amours enfantines, devenue marchand de tableaux célèbre et richissime ? La Mémoire des vaincus mêle personnages réels et personnages inventés en une vaste fresque où l'histoire, le mythe, le romanesque et l'autobiographie se conjuguent.
Dans le cours du roman, communisme, anarchisme, fascisme apparaissent dans leur complexité, dans leurs luttes féroces, par le biais de personnages historiques dont Michel Ragon nous fait d'étonnants portraits ; mais aussi d'hommes et de femmes moins connus, les obscurs, les éternels vaincus par un pouvoir omnipotent, sans cesse attaqué et sans cesse renaissant. Il n'empêche que ces vaincus, qu'ils se nomment Makhno, Durruti ou Lecoin, ne s'avouent jamais battus et qu'à l'heure où le totalitarisme marxiste fait naufrage, leur increvable esprit de liberté ressuscite. -
En 1796, dans un village du bocage vendéen ravagé par les Colonnes Infernales, une poignée de survivants recommence l'histoire du monde. Hommes du pays de Gargantua et de Barbe-Bleue, de la fée Mélusine et du Sacré-Coeur, ces villageois vivent intensément des mythes qui les dépassent, avec leurs coutumes étranges, leur peur des hussards et des âmes errantes, leur vieux curé un peu sorcier, leurs ogres et leurs fradets. Ces hommes qui se disent avec crânerie « brigands et aristocrates » vivent une aventure où le tragique se mêle au sordide et l'espoir à la frustration. Et c'est peu à peu la résurrection de toute une paroisse, l'épopée du monde chouan que, même après le génocide de 1793, lHistoire ne se lasse pas de persécuter - répression ponctuée d'événements sensationnels comme en 1808 la désopilante et véridique visite de Napoléon 1er ou, finalement, le dérisoire et décevant retour des Bourbons.
Dans la veine profondément populaire des grands « raconteurs d'histoires », d'Erckmann-Chatrian à Giono, Michel Ragon a écrit avec les Mouchoirs rouges de Cholet un superbe roman historique qui dresse avec une précision quasi ethnographique un tableau foisonnant de la vie rurale d'autrefois, une belle histoire émouvante et drôle, riche en rebondissements et péripéties. -
Quel roman la vie de Rabelais ! Homme d'Eglise dont l'itinéraire va d'un obscur couvent vendéen à la fréquentation des papes au Vatican, devenu l'un des plus illustres médecins de son temps, écrivain truculent et révolutionnaire, toujours en fuite pour échapper aux bûchers de l'Inquisition...
Roman picaresque et émouvant d'un homme si cher au coeur de Michel Ragon qu'il n'a cessé de hanter son oeuvre, roman intime et attachant d'un Rabelais méconnu, profondément humain, lucide et désenchanté, qui sut préserver un incroyable souffle de liberté dans un siècle plein de fractures.
Michel Ragon raconte son Rabelais. C'est un homme étonnamment moderne et proche que l'on découvre, dont le rire déconcertait hier les puissants et continue de tonner contre toutes les intolérances. -
L'accent de ma mère ; Ma soeur aux yeux d'Asie
Michel Ragon
- Albin Michel
- 31 Janvier 2024
- 9782226492388
« Michel Ragon est à mes yeux l'exemple même de l'être d'élite qui refuse de s'enfermer dans l'arrogance de l'élitisme, de l'érudit qui prend la peine de s'adresser à ceux qui ne savent pas et qui voudraient apprendre, de l'écrivain vrai qui n'a pas oublié qu'il a d'abord été lecteur, de l'adulte qui entend préserver son regard d'enfant dans la noble confusion des âges. »
Amin Maalouf de l'Académie française
Deux chefs-d'oeuvre bouleversants qui se répondent en miroir. L'Accent de ma mère, c'est aussi l'accent d'une terre : la Vendée. Michel Ragon y retrouve le patois de son enfance, la petite ville de ses jeunes années : Fontenay-le-Comte, la couleur de son pays d'origine, et l'histoire sanglante de la chouannerie. À travers le portrait minutieux de sa mère, femme du peuple paysan de l'ouest de la France, il reconstitue la mémoire d'une tradition rurale en voie de disparition, celle du cheval, du métier à tisser, de la pénurie souriante, de la pauvreté noble.
Dans Ma soeur aux yeux d'Asie, Michel Ragon évoque Odette, la petite Cambodgienne que son père, sous-officier de la coloniale, avait ramenée d'Indochine. Parti à la recherche de l'identité de cette soeur venue d'ailleurs, il redécouvre la vie de son père dans le décor de l'Indochine d'avant 1914. -
"A priori, tout paraît opposer ces deux êtres. Aujourd'hui, cent trente ans après leur aventure qui commence, la distance qui les sépare n'a fait que s'accentuer. Ils semblent même, au regard de l'Histoire, ennemis irréductibles. Lui, le Vendéen qui se complaisait, dans sa vieillesse, à se dire "premier flic de France", lui, le jusqu'au-boutiste nationaliste, "père la Vistoire" en 1918. Elle, l'irréductible anarchiste, la "pasionaria" de la Révolution, l'éternelle rebelle. Et pourtant une amitié, une affection, un respect, une admiration réciproque les lieront pendant toute leur vie. Elle s'appelait Louise, Louise Michel. Et lui Georges. Georges Clemenceau." Deux personnages hors du commun ; deux mondes : celui des libertaires et celui de la Vendée ; une relation secrète et méconnue ; une époque forte en luttes et constrastes, de la Commune à l'affaire Dreyfus. Tout concourt dans ce livre unique à rassembler les multiples talents et les passions de Michel Ragon, historien singulier et grand romancier, auteur des Mouchoirs rouges de Cholet, de La Mémoire des vaincus et d'Un si bel espoir.
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Se situant en dehors des partis et les récusant tous, l'anarchie se singularise par l'association tumultueuse de tendances parfois contradictoires.Michel Ragon, depuis longtemps témoin engagé de l'épopée libertaire dont il fut le grand romancier (La Mémoire des vaincus), rassemble ici pour la première fois les éléments d'un Dictionnaire de l'anarchie, véritable mise en récit de cette aventure méconnue mais capitale.Dictionnaire des principaux militants de l'anarchie et de ses théoriciens, tels Proudhon, Bakounine, Kropotkine, ce livre est aussi un dictionnaire de tous ceux qui se sont réclamés ou se réclament de la pensée libertaire, comme Breton et Camus, Céline et Dubuffet, Richard Wagner et Oscar Wilde ...Dictionnaire des hommes, mais aussi dictionnaire des idées et de la pensée anarchiste dans le monde contemporain, de son influence, souvent méconnue, voire occultée.
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« Pendant trente ans, ma mère m'a écrit chaque semaine, me racontant son ennui, ses maladies, ses malaises, c'està-dire son inquiétude, dont j'étais toujours l'objet. Je n'avais jamais remarqué que ma mère parlait avec cet accent paysan de l'Ouest. Parce que je l'avais perdu. Cette voix de ma mère, au téléphone, a été soudain le rappel d'un accent oublié, d'une autre langue, d'une autre culture. Remontant à mes sources, j'ai recherché mon identité ancestrale et culturelle et j'ai tenté de faire revivre cette mémoire du peuple, cette expression populaire, qui se trouvaient derrière l'accent de ma mère. »
« Un miracle. Quel beau, quel doux livre. Un bouleversant livre d'amour. »
Françoise Xenakis
« Un degré de réussite rarement atteint, et qui vous emporte : la sincérité d'une vie qui vit et se souvient. »
Jean-Jacques Brochier
« Très beau roman, dont le ton si peu homme de lettres m'a fait penser aux tableaux de Le Nain et de Chardin. »
Henri Queffélec -
1832 : des chouans surgissent une nouvelle fois dans l'Ouest. Cette cinquième guerre de Vendée, suscitée par la folle équipée de la duchesse de Berry et par un quarteron de hobereaux, ne durera que trois jours.
Qu'advint-il de tous ces gueux, braconniers ou tisserands, paysans ou chômeurs, lorsqu'ils furent abandonnés par ceux qui les avaient poussés à prendre les armes ? Comment se cachèrent-ils de longues années dans les forêts pourchassés comme des loups par les sbires du dernier roi des Français : Louis-Philippe ?
C'est sur ce fond historique mal connu que Michel Ragon nous donne, après Les Mouchoirs rouges de Cholet, ce grand roman des soldats perdus de la chouannerie.
Il y évoque avec puissance les temps de la clandestinité et de la violence, de la répression et de la vengeance. Des personnages inoubliables tissent cette histoire singulière autour d'un couple de hors-la-loi : Louison, la Louve, impressionnante figure de femme, et Tête-de-loup, le braconnier, fils des Dochâgne.
Michel Ragon qui sait tellement bien retrouver les chemins de la mémoire populaire et de l'évocation historique juste nous donne aussi avec La Louve de Mervent un vrai roman de la forêt, sensuel et merveilleux où la vie quotidienne se mêle à l'épopée, le fantastique au réel et l'amour à la révolte. -
Un amour de Jeanne
Michel Ragon
- Albin Michel
- Domaine Francais Albin Michel
- 1 Novembre 2012
- 9782226228185
« Pendant quatre ans, je n'ai cessé de penser à Jeanne, au bûcher de Rouen, à notre amour muet.
Muet.
J'ai voulu qu'il parle, qu'il sorte de cet alanguissement qui nous rendait si timides. Ou si effrayés l'un et l'autre de briser un sortilège. On ne pouvait pas aimer charnellement Jeanne sans rompre son pacte avec les anges. »
La première fois que Jeanne la Pucelle vit Gilles de Rais, elle l'appela « Barbe Bleue ». Entre eux naquit un amour impossible, scellé par un pacte avec Dieu, à moins que ce ne fût le Diable. À travers le destin de deux êtres que tout semblait opposer, Michel Ragon nous entraîne au coeur d'une légende où se mêlent amour et histoire, interdit et sacrifice. -
Ami de Soulages, Atlan, Poliakoff, Zao Wou-Ki ou Dubuffet, Michel Ragon a découvert, soutenu, fréquenté les plus grands artistes. Aujourd'hui, le grand critique s'insurge contre un monde où l'art est devenu marché, les oeuvres des placements, où l'imposture semble avoir remplacé l'audace et le vide l'effervescence. S'amusant du non-art, déplorant le « financial art », il évoque dans ce Journal tenu entre 2009 et 2011 une époque où les artistes créaient sans penser au cours de la Bourse, souvent encouragés par des galeristes qui croyaient en leur talent et des critiques pour qui l'admiration tenait lieu de pain quotidien. Amusées ou désenchantées, ces chroniques, qui confrontent Tinguely et Koons, Klein et Buren, Alechinsky et Murakami, nous font partager les rencontres, les amitiés, les admirations et les dégoûts d'un inlassable amoureux de l'art.
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Histoire de la littérature prolétarienne de langue francaise
Michel Ragon
- Albin Michel
- 1 Novembre 2013
- 9782226228901
La littérature prolétarienne, très présente dans les années d’avant-guerre, est marquée par l’ambition de décrire la condition du peuple et des travailleurs. Mais au-delà de cette époque, illustrée par les noms d’Henry Poulaille, Eugène Dabit, Louis Guilloux, Michel Ragon nous offre un panorama de l’expression populaire dans la littérature du Moyen Age à nos jours.
Chansons de métiers, littérature de colportage, poésie populaire, socialisme romantique : ces continents perdus de notre culture, souvent méprisés, revivent dans ces pages illustrées d’abondantes citations. Adam Billaut, Vadé, Restif de la Bretonne, Jules Michelet, Béranger, Eugène Pottier, Panaït Istrati, Jean Giono, Louis Calaferte ou Bernard Clavel, autant d’écrivains qui reprennent place dans une tradition marquée par des courants, des écoles, des filiations, et aussi des enjeux sociaux et politiques.
Publié pour la première fois en 1974, ce classique rend hommage à une part injustement marginalisée de notre histoire littéraire.Michel Ragon est tout à la fois romancier, historien, spécialiste d’art contemporain et d’architecture, l’auteur notamment des Mouchoirs rouges de Cholet, de La Mémoire des vaincus, et plus récemment du Dictionnaire de l’anarchie et de Ils se croyaient illustres et immortels… -
Gibus et crinolines, lionnes voraces exténuant les princes, cris retentissants du peuple qui s'émancipe... Le Paris du Second Empire que nous narre Michel Ragon est celui des métamorphoses et des révolutions. C'est le Paris éventré des grands boulevards, des entreprises pharaoniques d'Haussmann, du règne de la banque et du commerce, qui sent pourtant gronder la classe ouvrière et s'affirmer le socialisme utopique.
De ce chaos émerge la figure d'Hector, fils d'ouvrier devenu architecte. Il a pour ami Courbet et pour idole Proudhon, élabore des projets fous, de métal et de verre, pour une ville idéale à l'image de la société nouvelle que tout le monde espère.
Dans la veine des Mouchoirs rouges de Cholet et de La Mémoire des vaincus, Michel Ragon poursuit son oeuvre romanesque, mêlant, comme lui seul sait le faire, la précision historique à l'enthousiasme romantique. Roman de l'utopie et de son échec face à l'argent-roi, roman d'amour entre un génie incompris et l'inoubliable Julie, sortie des ruisseaux de la plaine Monceau et qui devient, pour les venger tous les deux, une terrible courtisane destructrice.
Fresque passionnante de vingt-cinq ans d'Histoire, Un si bel espoir est aussi le portrait d'une époque et d'un homme épris de liberté. -
« Certaines lettres vous bouleversent. D'autres vous intriguent. Comme celle reçue d'une prison avec une étrange requête. Le prisonnier me parlait bizarrement de Christine, mon ancienne épouse, dont il avait perdu l'adresse. L'élan amoureux de ce message était tel que je demandai d'abord à Christine si elle souhaitait entrer en relation avec cet inconnu. Elle me répondit :
- Qu'il crève ! Commença alors une correspondance régulière avec cet inconnu. Je ne me doutais pas que, peu à peu, c'est moi qui deviendrais prisonnier de ses chimères. » Michel Ragon.
« Un roman d'une liberté rare où le jeu de la fiction alimente la sincérité de la confession. Chapeau. » Christian Authier, Le Figaro littéraire.
« L'univers carcéral impitoyable, la perversité et la fascination induites par une correspondance entre un homme en prison et un auteur connu, les relations amoureuses appartenant au passé mais revisitées avec une tendresse nostalgique, tout est dit écrit avec simplicité, pudeur et fermeté. » Stéphanie Khayat, Nice-Matin. -
Comment vivait-on, dans une petite ville de province, dans la première moitié de ce XXe siècle qui nous paraît déjà si loin ? Le temps de ce temps-là ne se mesurait pas comme le nôtre. La vitesse dépendait encore du pas des chevaux, de la traînée des charrois tirés par des couples de boeufs. Les pauvres gens (les gens pauvres) vivaient pour presque rien et de presque rien, dans la familiarité des animaux et en étroite harmonie avec la nature.
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Ils se croyaient illustres et immortels...
Michel Ragon
- Albin Michel
- Littérature française
- 5 Janvier 2011
- 9782226223944
Ils se croyaient immortels, ils étaient célébrés, puis la roue du destin a tourné, ils se sont égarés dans les ornières de l'Histoire, témoins impuissants de leur propre défaite. Descartes, Dumas, Lamartine, Courbet, Kropotkine, Hamsun, Pound, Clemenceau, Fréhel et Sagan, qu'ont-ils en commun si ce n'est leur mort pitoyable et leur gloire retrouvée ?Avec ce sens de l'anecdote tendre et féroce à la fois, Michel Ragon évoque leur vieillesse déchue, leurs illusions, leur aveuglement mais aussi leur génie et leur gloire, et ce mystère fragile, grotesque et dérisoire que revêt toute existence humaine.
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Confronter l'homme et les villes, c'est s'apercevoir que l'homme n'a cessé d'être fasciné par les villes, utopiques lieux de toutes les libertés mais qu'en même temps ces cités sont l'émanation d'un pouvoir qui devient vite tyrannie. Produit de l'Histoire et lieux où se fait l'Histoire, les villes sont à la fois le territoire de l'aliénation et de la permissivité. De Sumer aux rêves des futurologues, chaque chapitre de ce livre représente une étape dans l'analyse des grands phénomènes idéologiques que reflètent symboliquement les cités dans la forme de leurs architectures comme dans le dessin de leurs plans.
Toutes les villes, depuis les premières nées il y a cinq mille ans en Mésopotamie, et dont il ne reste que des ruines, jusqu'à nos villes neuves nées de l'industrie et du commerce, ont suscité tour à tour l'espoir, le dégoût et la haine. Peut-être cela provient-il seulement de ce qu'elles restent toujours un mirage. La ville pétrifie des rêves, incarne des idées, concrétise des fantasmes collectifs. Son instabilité est aussi gage de sa vitalité. Sans cesse la ville bouge, se transforme, se métamorphose. Rien ne ressemble plus à un être vivant que ce corps de pierre. -
À travers le destin exemplaire de cinq jeunes agriculteurs d'aujourd'hui, Michel Ragon nous plonge dans le drame de nos campagnes écrasées, mises au carré, laminées par les eurocrates, les ingénieurs, les banques, les énarques parisiens... Il nous dit la fin des Dochâgne au terme d'une histoire paysanne magistralement commencée avec Les Mouchoirs rouges de Cholet ; la fin d'un monde, d'une harmonie avec la nature ; la fin d'un certain humanisme qui casse devant la brutalité, souvent absurde, de la technocratie et de l'industrialisation à outrance.
Récit d'une fin mais aussi cri de révolte pour que la terre ne meure pas.
Ce roman nous montre comment les histoires individuelles se brisent sur les cataclysmes d'une époque, comment un sentiment poignant de révolte, de désolation, de fureur monte, comment « la mémoire des vaincus » survit à tout, jusqu'au plus fol espoir. Toujours les coquelicots reviendront. Michel Ragon s'engage en grand romancier dans les tourments de cette fin de siècle pour mieux témoigner de son temps. -
Depuis l'immense succès des Mouchoirs rouges de Cholet et de La Louve de Mervent, Michel Ragon s'est imposé comme le grand écrivain de la Vendée et de ses légendes. Il en retrouve dans Le Cocher du Boiroux tous les sortilèges.
Nous sommes au début du siècle. La terre se meurt, la ruine ronge peu à peu maisons et châteaux. Comme celui du Boiroux où le baron Octave dérive lentement vers la mort face à ses domestiques toujours enchaînés aux traditions et au passé. Mais la vie bascule déjà. Son fils Henri revient. Sous la conduite de son vieil ami d'enfance le cocher Clovis, il découvre avec stupeur cet univers si lointain où les parfums d'enfance se mêlent aux menaces d'aujourd'hui, où les fantasmes rejoignent le quotidien, et le tragique naît des mystères d'une nature aussi indomptée que le marais féerique tout proche.
Dans ce roman envoûtant, Michel Ragon excelle tout autant à nous plonger dans la vie d'autrefois entre châtelain et serviteurs qu'à nous restituer l'atmosphère délétère et les derniers soubresauts d'un monde à l'agonie. Il nous fascine par cette étrange histoire de terroir hantée de personnages singuliers et inoubliables, mi-sorciers, mi-démons. -
A quoi rêve un enfant lorsqu'il vit dans un pays de sable et de sel, sinon à ce qui peut bien se trouver de l'autre côté de la mer ? Et il s'embarque un beau jour à La Rochelle, se mêle aux matelots qui hissent les voiles d'un vaisseau mettant le cap sur les îles des Caraïbes. Et il rencontre là-bas la misère et la violence qu'il croyait fuir.
Comment il tentera toute sa vie de rejoindre la « terre des délices du coeur , en compagnie des boucaniers et flibustiers de lîle de la Tortue ; comment il croira l'avoir trouvée dans la tribu des derniers Indiens Arawaks; comment ses aventures, d'abordages en expéditions sur les côtes américaines, l'amèneront de la gueuserie à la richesse et aux plus hautes fonctions de la marine corsaire avec l'aval de M. Colbert ; comment il connaîtra l'amour et les amours singulières ; comment il disparaîtra dans la forêt vierge - telle est la trame de ce grand roman de mer et d'aventures qui ravira tous ceux qui ont un jour vibré à la lecture de Llle au Trésor et de Robinson Crusoë. -
Revenu pour quelques jours dans la petite ville de mon enfance Fontenay-le-Comte, en Vendée, une lectrice me dit :
– J’ai connu autrefois une Odette Ragon que l’on appelait la Tonkinoise. Vous n’en parlez pas dans l’Accent de ma mère. Elle n’était pas de votre famille ?
Odette m’était renvoyée brutalement et, en toute justice, en pleine figure, comme une gifle. Odette, la petite Cambodgienne que mon père, sous-off de la coloniale, avait ramenée d’Indochine et qui fut l’une des énigmes de mon enfance ; Odette, ma soeur aux yeux d’Asie.
Dans l’instant, je revis la bourrellerie de cousin Gaston où nous nous étions retrouvés en juillet-août 1940, dans cette période floue entre l’armistice et l’occupation allemande institutionnalisée ; cet été 40 où nous nous sommes sentis si proches, si délicieusement fraternels ; et où nous avons découvert, dans une vieille cantine noire, les lettres que notre père envoya de 1909 à 1922 du Tonkin, de la Cochinchine, du Cambodge.
Quelles découvertes ! Cette demi-soeur (mais était-elle la fille de mon père ou un enfant adopté comme on le disait dans la famille ?) et cette Indo-Chine ressuscitée des Chinois à nattes, avec son goût trouble du péché, ses diableries, ses congaïs qui s’achètent, la morbide torpeur des petits postes dans la brousse encerclés par des pirates invisibles, ses deux premières batailles de Diên Biên Phu ; et ce racisme d’un sous-off de la coloniale, cet impérialisme tranquille, étalés sans complexe.
Je revoyais nos dernières grandes vacances de l’été 40, avant l’interminable temps de guerre. Et notre affection trouble, à la limite d’un amour pudique... Aristide-le-Cochinchinois, la terrible tante Victorine, l’Exposition coloniale de 1931, les invraisemblables manuels militaires trouvés aussi dans la vieille cantine noire, la boutique du bourrelier...
Je répondis sans trop réfléchir à tout ce que je devrais interroger :
– Odette ? Mais oui, c’était ma soeur. Je n’en ai pas parlé parce que, pour elle aussi, je ferai un livre.
Le voici. -
Michel Ragon nous donne avec Drôles de métiers un livre plein de charme, d'humour et de fraîcheur qui nous fait revivre ses années d'apprentissage, d'abord à Nantes où il fut tour à tour saute-ruisseau, manutentionnaire, aide-comptable, mécano, emballeur, employé de préfecture, puis dans le Paris de l'après-guerre qui le voit manoeuvre d'usine, peintre en bâtiment, commis libraire, etc.
Ce premier livre écrit à 25 ans nous touche par un ton fait de cordialité, de simplicité, de bonne humeur et d'émotion vraie qui annonce déjà les grands récits autobiographiques de Michel Ragon dont le merveilleux Accent de ma mère.
Jean Cayrol a pu écrire à son propos : « J'aime les livres de Michel Ragon ; ils passent dans notre univers contaminé comme un vent de fraîcheur... Michel Ragon a eu une vie dure, parfois misérable, mais il portait en lui une telle force, une telle sympathie pour tout ce qui l'entourait, que ses livres sont non seulement un témoignage mais aussi une leçon d'espérance. » -
Le jeu de dames
Michel Ragon
- FeniXX réédition numérique (Albin Michel)
- 7 Novembre 2017
- 9782402215787
Un paralytique mène une vie recluse au rez-de-chaussée d'un grand immeuble. Le monde se limite pour lui à ce qu'il peut voir de sa fenêtre et à ce qu'il peut entendre, l'oreille collée à la cloison des voisins. Ces voisins que l'on ne voit jamais, dont on ignore les noms, forment en fait l'intrigue du roman. Ils nous donnent la notion du temps qui passe et sont le contrepoint aux propres « aventures » de l'Infirme, aventures surtout intérieures, faites de rêves, de visions étranges, de cauchemars, d'obsessions sexuelles, de maniaqueries accentuées encore par le personnage de la mère qui revient chaque soir avec les nouvelles de la Journée. Une grande place est donnée aux détails sordides (toutes ces petites choses qui prennent hélas dans la vie quotidienne une place obsédante, lancinante) et surtout aux bruits. Michel Ragon a repris dans « Le jeu de dames », en les amplifiant, les recherches techniques qu'il avait abordées dans son précédent roman : « Les américains ». Critique d'art, il a pensé que quelques-unes des techniques que ses amis peintres emploient déjà depuis quelques lustres, pouvaient être appliquées au roman. « Le jeu de dames » est un livre étrange, où Michel Ragon s'est laissé aller à son humour, un livre d'une grande originalité, contrastant d'ailleurs singulièrement avec les précédents romans « exotiques » de l'auteur, puisqu'il s'agit là, en fait, d'une sorte de « voyage autour de ma chambre ».
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La peinture actuelle
Michel Ragon
- Fayard (réédition numérique FeniXX)
- Voici la France
- 2 Avril 2019
- 9782706219535
Michel Ragon, jeune critique de réputation internationale, a vécu comme témoin l'aventure de l'art moderne et un grand nombre d'artistes sont ses amis. Rien n'est donc oublié dans cette mise au point des problèmes complexes de la peinture contemporaine, aucun peintre, aucune école, aucune tendance ; un chapitre même est consacré à l'étude du marché des tableaux. Ce livre extrêmement documenté fourmille d'idées originales, de comparaisons audacieuses avec des oeuvres du passé. Et il se lit comme un roman.