Achevée en 1440, La Docte Ignorance du cardinal Nicolas de Cues fait partie de ces livres qui ont profondément modifié le destin de la philosophie. Tirant les leçons à la fois de l'illimitation du monde et de l'éclatement de la chrétienté, il propose une singulière méthode de connaissance qui, par tout un jeu de coïncidences des opposés, de conjectures et d'approximations, défie les savoirs traditionnels et leurs certitudes démonstratives pour mieux penser l'infini et conjurer le scepticisme auquel il peut conduire. Conjuguant théologie, physique, métaphysique et mathématiques, l'ouvrage réussit à concilier la dignité de l'homme et l'univers infini de la nouvelle cosmologie. À partir de la tradition néoplatonicienne et de l'école mystique rhénane dont il s'est nourri, Nicolas de Cues, qui inspira des penseurs aussi différents que Giordano Bruno, Pascal et Leibniz, prend ainsi définitivement congé des vieilles métaphysiques de la création pour jeter les fondements de la modernité.
Nicolas de Cues (1401-1464) marqua de son empreinte la pensée européenne, de la Renaissance à l'époque moderne.
Lecteur assidu de la tradition philosophique de l'Antiquité et du Moyen Âge, curieux de science, de médecine et des arts, Nicolas de Cues rédigea notamment La Docte Ignorance, Les Conjectures, La Pensée, La Paix de la foi et La Vision de Dieu.
Nous proposons ici un ensemble cohérent et très largement annoté de textes de la philosophie tardive du Cusain : Le Dialogue à trois sur le Pouvoir-est, La Chasse de la sagesse, Le Compendium et La Cime de la contemplation.
Avec l'invention du néologisme pouvoir-est, Nicolas de Cues développe une philosophie du pouvoir et de la puissance qui lui permet de résoudre, tant d'un point de vue ontologique que gnoséologique, les difficultés nées de ses thèses infinitistes antérieures. Il cherche à éviter l'aporie aristotélicienne entre l'infinité du possible, requise par la toute puissance de Dieu, et l'actualité finie de la création. La puissance divine se révèle successivement comme pouvoir-est, pouvoir-faire et pouvoir-même. Nicolas de Cues initie ainsi une métaphysique de l'expression qui trouve son plein essor chez Giordano Bruno qui le copie abondamment, puis chez Spinoza et Leibniz.
Rédigée à la lecture de Diogène Laërce, La Chasse de la sagesse, véritable testament philosophique, permet en outre de ressaisir l'ensemble des principales intentions du Cusain : sa conception augustinienne de la philosophie comme recherche et théorie de l'unité, sa doctrine de la participation à l'un, le dernier développement de son principe de la coïncidence des opposés, un dernier infléchissement de sa pensée de l'intellect, et sa compréhension de la nomination.
Ingénieur et docteur en philosophie, membre de l'ERIAC, Jocelyne Sfez est professeur de philosophie au lycée et chargée de cours à l'université de Rouen et à l'université Jean-Moulin à Lyon. Elle poursuit actuellement ses recherches sur les sources du Cusain et sur sa réception. Elle a notamment publié L'Art des conjectures de Nicolas de Cues (2012) et traduit Les Conjectures de Nicolas de Cues (2011).
Le grand mystique et théologien du XVe siècle fait dans ce traité, le De ludo globi, la démonstration qu'il est aussi un grand logicien. Un hymne à l'intelligence divine.
L e philosophe Nicolas de Cues a écrit le
De ludo globi vers la fin de l'année 1463, à Rome. La métaphore plaisante du jeu de la boule lui permet d'illustrer et de clarifier sa pensée. L'exemple du jeu s'inscrit dans le cadre de la recherche de Dieu. Celle-ci, illustrée à son tour par la métaphore de la chasse dans le
De venatione sapientiae, exprime la tension entre l'homme et l'absolu, entre la créature qui est image et le Créateur dont elle est l'image.
L'homo viator est
homo ludens. La vie est un jeu, comme la recherche de Dieu est une course.
Maurice de Gandillac avait traduit des passages de cette oeuvre essentielle et surprenante. Hervé Pasqua en offre une traduction intégrale, précédée d'une introduction éclairante.