Lorsqu'il entre au service de monsieur Knott, Watt pénètre dans une demeure où règnent une stricte hiérarchie et une rigoureuse observance des horaires quotidiens. Nouvel arrivant, l'activité culinaire et ménagère de Watt se cantonnera d'abord au rez-de-chaussée où il obéira aux ordres de l'autre serviteur, un nommé Erskine alors promu au service rapproché de M. Knott sis au premier étage. Toute une lignée de serviteurs ont précédé Erskine et Watt, bien d'autres leur succéderont sans doute lorsque, de nouveau venu en nouveau venu, Watt aura pris la place d'Erskine puis achevé le cycle qui lui est imparti. Ce mécanisme séquentiel n'est pas pour déplaire à Watt qui, dans sa « quête d'une signification », n'aime rien tant qu'avoir recours au déroulement strict d'une réflexion logique. Le moindre événement, une brève rencontre, la contemplation d'un mot, l'observation d'un objet, sont toujours pour lui des « incidents brillants de clarté formelle et au contenu impénétrable ». Voilà qui le propulse dans l'exploration exhaustive et la quantification de tous les possibles dont ces faits sont empreints. Il lui faut aller jusqu'à l'extrême limite de la combinatoire : épuiser tous les possibles, toutes les hypothèses envisageables et la probabilité de leurs contraires. Watt nous transporte ainsi constamment entre la réalité et les méandres captivants du monde virtuel qui la côtoie et la prolonge. Dans Watt Samuel Beckett crée avec humour et ironie un monde débordant de fantaisie loufoque, mais il nous offre aussi une fascinante réflexion sur les limites du langage, les errements de la logique et les frontières de la raison.
Watt a été écrit, en anglais, après Murphy et avant Molloy entre février 1941 et décembre 1944. Première publication : Watt, Paris, Olympia Press, 1953. Traduction française par Ludovic et Agnès Janvier en collaboration avec l'auteur. Première édition en langue française en 1969.
Traduit de l'anglais par Edith Fournier.
« Extraordinaire mise en mots, en littérature, de l'exténuation, l'oeuvre de Samuel Beckett est ainsi, encore, paysage, attente et désir d'horizon. Lue sous cette lumière, elle ne peut plus, en aucune manière, être assimilée à la traduction imagée, ornée, romanesque pour tout dire, d'une pensée du désespoir, d'une morale mélancolique ou cynique élégamment balancée. Cap au pire est la traduction - la recréation faudrait-il écrire, tant la version française d'Edith Fournier est convaincante - d'un texte écrit en 1982 et publié l'année suivante, en anglais, sous le titre Worstward Ho.
Encore : premier mot du livre et de tout ce qu'écrit Beckett. Premier et aussi dernier mot, qui reste suspendu à la fin de la phrase, de la page ou du souffle, quand tout semble dit et que le langage, comme le sol, se dérobe, quand l'épuisement gagne, a gagné. À partir de cet encore, la langue cependant se délie, se reconstitue, quitte à nouveau ce port de silence qui n'est jamais le bon, apprend à nouveau, apprend à dire encore à partir de rien, ou de si peu... Un corps peut-être, d'abord, ou bien d'abord le lieu. Non. D'abord les deux. Et le langage reprend, se reprend, apprend à vouloir dire encore et ce corps et ce lieu...
Écoutez. Lisant, écoutez cette voix dénudée, ce chant très pur, comptine tout autant qu'épopée, ce chant qui est l'un des plus bouleversants encore de la littérature. » (Patrick Kéchichian, Le Monde)
Comme un thème que propose un compositeur, auquel les interprètes musiciens peuvent apporter toutes sortes de variations personnelles, c'est un thème que Samuel Beckett nous propose dans Le Dépeupleur. Il crée avec une rigueur mathématique et géométrique un microcosme totalement clos, un « cylindre surbaissé » qu'il peuple d'une foule d'êtres captifs. Il y fait régner des castes, des hiérarchies très précises, et des lois extrêmement rigoureuses. Pour autant, l'interprétation du thème reste ouverte et c'est même dans la multiplicité des lectures qu'il suscite que réside son infinie richesse.
Le Dépeupleur est paru en 1970.
Nouvelles écrites en anglais entre 1926 et 1933. Première publication : More Pricks Than Kicks, Londres, Chatto and Windus, 1934.
Cette traduction française d'Edith Fournier est parue aux Éditions de Minuit en 1995.
Table des matières : Dante et le homard (Dante and the Lobster) - Fingal (Fingal) - Ding-dong (Ding-Dong) - Rincée nocturne (A Wet Night) - Amour et Léthé (Love and Lethe) - Promenade (Walking Out) - Quelle calamité (What a Misfortune) - Le billet doux de la Smeraldina (The Smeraldina's Billet Doux) - Blême (Yellow) - Résidu (Draff).