Jeanne forever met en lumière différents visages de la féminité, en utilisant comme matière première les personnages cinématographiques incarnés au fil du temps par l'actrice Jeanne Moreau. Empreintes de l'aura particulière de celle-ci, de sa présence, de sa vulnérabilité, ces femmes, qui se distinguent par leur nature tantôt forte, tantôt fragile, par leur âge et la place qu'elles occupent dans le monde, se déploient à travers les poèmes de Stéphanie Filion et de Valérie Forgues. Cet ensemble de textes forme une traversée du monde intérieur ainsi qu'un questionnement identitaire sur la condition féminine. Il suggère une belle exploration du lien entre poésie et cinéma, entre réalité et représentation, et du côté éphémère de toute chose, à commencer par la vie.
Livre de contrastes et d'affrontements, Le jour survit à sa chute raconte la mort. S'y côtoient et s'y enchaînent des territoires intérieurs à embrasser, les violences que l'on reçoit et celles que l'on porte, avant l'inévitable retour de la clarté. La marche en équilibre au coeur de ces dissonances fait de la poésie de Catherine Morency un espace où le regard perce, où mentir est impossible. Puisque « les bêtes nous habitent », que les coups peuvent revêtir différents visages, on porte attention à chaque manifestation des orages, des ombres et des couteaux. Il faut s'armer « pour des luttes souveraines », s'ancrer et suivre la poète dans sa traversée des vertiges.
Quelque chose continue d'être planté là est un poème agglutinatif. Dans une prose qui allie candeur et précision, il retrace le parcours de la poète, ses allers-retours le long d'une côte asphaltée où les sites panoramiques et les villages se succèdent.
« Quelque chose continue d'être planté là » est la traduction en français du mot innu etapikapau, qui évoque la durée de vie d'un message écrit à même le territoire et qui, trouvé, permet de s'orienter, et non trouvé, continue d'être là, muet jusqu'à ce que quelqu'un le « lise ». Ce livre-poème tâche de retracer ces messages inscrits dans les lieux en s'ouvrant à l'héritage parlé et écrit dans la neige de ceux qui, depuis des siècles, ont parcouru le territoire québécois.
Particules mélancoliques est un recueil de fragments d'identité déclinés en
poèmes. Écrits à la main et illustrés tantôt de façon abstraite, tantôt
avec un symbolisme hérité de l'enfance, ces poèmes sont tour à tour
introspectifs, joueurs, surréalistes et mélancoliques. Ils abordent les
questions de l'identité de genre, d'un dédoublement qui rappelle
Accompagnement, de Saint-Denys Garneau, de la sortie de l'enfance, de
l'amour et du désir.
On y découvre un je fragile et déterminé, subtil et drôle, qui, s'il
s'appuie sur des références culturelles contemporaines variées (allant
de Xavier Dolan à Nelly Arcan en passant par Vickie Gendreau),
déploie, un trait à la fois, sa propre voix.
Cet ouvrage tire son origine de l'admiration et de la fascination que le poète voue à l'art performance. Scandés, propulsés, les poèmes se déploient sur la page en suivant des tonalités diverses, mais toujours liées à un profond désir de comprendre la nature de l'attachement qui lie l'homme à l'autre, à travers la passion amoureuse comme dans la haine et la violence qui les habitent. Un recueil vif, tendre et impitoyable à la fois.
Dans Tout explose, Charles Quimper livre un premier recueil de poésie sous forme de détonateur, élaborant une poétique de l'implosion, mais aussi une méthode bien personnelle selon laquelle chaque poème devient un lieu de récolte, qu'il s'agisse de colliger débris, souvenirs, engrammes, traumas, catastrophes historiques ou imaginées. Tour à tour ancrés dans le désir d'aimer et la crainte de perdre, les textes de ce recueil se déploient entre réminiscence et projection, définis par les traces du passé, de la mémoire et de l'imaginaire.
Cet ouvrage poétique de Charles Quimper nous plonge au coeur de poèmes forts, concrets, d'une justesse troublante.
divisible par zéro est la chronique d'une rupture annoncée qui fait porter sur le langage son handicap. Tour à tour enragés en silence, scandaleusement zen ou empêchés, ces poèmes tentent de saisir un assemblage d'angles et de lignes, une configuration destinée à la dislocation, pour en extraire quelque neuve tangente improbable. La lecture se fait glissante. Elle se meut, exigeante, étonnante, rythmée par une ponctuation par endroits choquante, portée par une voix qui se démantèle et s'invente.
Ce recueil gravite autour de la ville réelle et fantasmée de Palmyre (Tadmor). L'écriture du livre a commencé en 2015, lorsque cette
ville et son fameux site archéologique sont devenus le théâtre d'affrontements entre Daesh et les armées alliées du régime syrien.
Les poèmes mettent en scène différentes voix qui habitent la réalité factuelle et fictive de la ville de Palmyre : le site archéologique classé patrimoine mondial, mais également ses quartiers résidentiels, sa prison, son désert, c'est-à-dire des lieux qui n'ont pas la même « aura ».
C'est une architecture de voix à travers le temps : fragiles et intransigeantes, parfois impersonnelles, intimes, psalmodiques,
impératives; celle de l'archéologue, du djihadiste, du touriste... Ces écrits font l'épreuve de la troublante actualité de Palmyre, s'y acharnent, sans but précis. Un acharnement qui tente simplement, malgré tout, d'en conjurer la violence.
Avec Ne plus planter de ciseaux dans ton cri, Isabelle Forest pose un regard cru sur l'état du monde et la fragilité de nos existences. Les poèmes, empreints de colère, de honte et de tendresse, sont tendus comme une toile, entre espoir et constat d'échec. La poète voyage entre un je incarné et multiple, et un nous intime, en constante mutation. À travers la nature, l'amour et la vie qui agonisent, Isabelle Forest questionne le trop-plein devenue partie intégrante de notre réalité, le juxtapose à un certain désarroi. Sous nos yeux se déploie une poésie qui prend racine dans un quotidien apocalyptique d'où émerge, contre toute attente, une forme de paix.
Premier recueil de Amélie Hébert, Les grandes surfaces explorent, en résonnance avec la poésie de Geneviève Desrosiers et de Marie Uguay, le rapport de la poète avec la ville, qu'elle tente de circonscrire dans de courts textes, pulsés par ses propres interrogations à l'endroit de ses origines mais aussi de son avenir. Les thèmes de la solitude, de l'amour, de la réciprocité mais aussi une certaine dérision sont abordés par l'entremise d'une parole simple, presque prosaïque, parfois ironique et pourtant non dénuée d'un lyrisme sûr, très assumé.
Dans son livre, c'est non seulement sa vision de Montréal que propose Hébert, mais aussi une lumière nouvelle qu'elle jette sur cette dernière, nous incitant à circuler et à revisiter ses grandes artères comme ses banlieues, et à les envisager sous un angle et avec un regard inédits.
Lignes d'effondrement a pris racine lors d'un voyage au Chili que François a effectué à l'hiver 2016. Ce recueil s'intéresse à la notion de territoire et du temps de l'humanité. François s'est penché sur ce que les grands espaces qu'il a visités ont ouvert comme territoire intérieur dans son esprit et dans son coeur. Un espace nouveau s'est aménagé en lui, cette région du monde l'a renvoyé à sa condition d'être humain, humble et minuscule devant le spectacle que la nature livre chaque jour. Il a exploité en quatre volets l'idée qu'il peut y avoir plusieurs fins du monde et que celles-ci se déploient de manière différente dans les régions parcourues.
Ce recueil se divise en trois parties, chacune d'entre elles évoquant un lieu différent : la ville, la maison et le lieu de vacances. Les poèmes, écrits dans une forme près de l'oralité, explorent les dynamiques d'un duo - un je et un tu interchangeables, presque désidentifiés, évincés d'eux-mêmes - qui vit sa fin par la désertion des lieux. Le motif de l'éviction, récurrent, illustre la précarité des liens dans un monde effréné. L'imagerie surréaliste convoquée par la poète témoigne de son refus d'accorder aux choses un sens définitif : elle cherche ainsi à désaxer les lieux, à les mettre en crise. Chaque poème est un
Entomographie fouille ce que l'on tait, l'incommunicable, quand les pertes d'équilibre envahissent jusqu'au langage, tente de faire surgir les insectes qui grugent derrière les mots, pour déterrer d'autres paroles.
Les poèmes qui composent Radiale sont des apprentissages auxquels on ne peut échapper. Dans une maison où la mémoire brûle, sous la tôle froissée qui emporte l'enfance comme l'amour, à chaque dent de lait arrachée, on rêve d'îles où se poser. Il faut s'engager, creuser en soi, porter la chute comme un habit de lumière pour s'en délivrer. Sachant ce qu'on risque de perdre à tout moment, on prie des dieux qui n'existent pas, on revisite les lieux, on se transforme, on écrit. Le coeur branle, ne tient qu'à un fil. Il va tomber ou être arraché. Tour à tour histoire d'une traque et d'un enracinement dans le vide et la matière, c'est encore et surtout une histoire à laquelle il faut croire pour rester en vie.
Les guerres lentes est à la fois le récit d'une perte et la quête de guérison qui y est liée, ainsi qu'un portrait de la guerre contemporaine. Il s'inscrit dans la tradition de « Dulce et Decorum Est », de Wilfred Owen (1917), et de « Letter Composed During a Lull in the Fighting », de Kevin Powers (2014). Un siècle après la Première Guerre mondiale, Hertwig aborde la guerre en Afghanistan en adoptant aussi bien le regard du soldat, inébranlable, que la vive attention du poète. Dans ce récit des conséquences dramatiques de la guerre, le personnel devient politique. Ces poèmes adoptent des formes traditionnelles comme expérimentales, tandis que les ruptures avec la langue nous font plonger dans la violence et nous confrontent à un avenir incertain, où histoire et traumatismes sont indissociables. Hertwig nous rappelle que se souvenir de la guerre est un acte politique, et qu'écrire sur la guerre est une façon de se souvenir.
Dans Infantia, récit poétique dur, troublant et émouvant, l'autrice revisite son enfance pour creuser les dessous d'une amitié profondément marquante. Sous la forme d'adresses à celle dont les monstres qui transpercent/les fenêtres ont tous/[le] visage, les poèmes dissèquent cette relation, en extraient le jus, le parfum d'araignée et celui de la mort, pour en révéler la cruauté et la puissance.
Grâce à une écriture aussi sulfureuse que brave, et empruntant à l'imaginaire du conte de fées, Alex Thibodeau montre sans pudeur la honte, la souffrance, mais aussi l'amour vécus. Avec ce premier recueil troublant et émouvant, elle explore avec finesse le thème des jeux et abus sexuels entre enfants, la frontière floue qui les délimite.
Dissection (désir) est un livre de déambulation dans lequel chaque pas déchire les tissus du territoire pour en dévoiler les mécanismes de violence.
Un passé et un présent sont en marche vers leur couplement : Carbone scopique offre une expérience concentrique parfois incantatoire, parfois aride, ferme, féconde ou réelle. Un rassemblement où les impressions mattes se joignent au désir ébloui, à l'hypothétique, aux chutes et aux attrapées pour de lents mouvements gravitationnels. Représentations, sens, vertiges, relations, ambiances, décors et souvenirs sont appelés à se rassembler autour d'une force d'attraction floue, qui s'avère être un vide, apparenté à la mort, mais qui au lieu de déposséder le corps, s'y installe. Dans ces poèmes, chaque révolution est marquée par le dépôt d'une couche de leurs sédiments qui révèlent graduellement la forme du plancher curieux sur lequel ils tiennent.