Un autre livre de cette collection, De la belgitude à la belgité, s'attachait à la fortune critique et au renouvellement foncier que la Belgitude apporta aux études consacrées aux lettres belges francophones. Celui-ci s'attache à la dynamique créatrice elle-même. Il le fait à travers des oeuvres qui précèdent, accompagnent ou font suite à ce mouvement de remises en cause et en perspective que fut la Belgitude. D'Hubert Juin et Henry Bauchau à Pierre Mertens, Thomas Gunzig, Nicole Malinconi, Françoise Mallet-Joris et bien d'autres, le lecteur peut ainsi se colleter à une dynamique littéraire féconde, riche de mille et un jeux d'affirmation/travestissement identitaires. Origine historique et spécificités de ce mouvement sans véritable équivalent européen sont ainsi mises en exergue au travers d'une plongée qui est à la fois celle de la fin de la modernité en Europe et, pour la Belgique, de l'entrée définitive dans le fédéralisme étatique. Le texte éclaire tout autant le perpétuel jeu de rapports belgo-français que l'empreinte du silence d'Auschwitz sur la dynamique de cette génération.
Partie, depuis 1974, est resté, non pas lettre morte, mais lettre tue, accueillie par un silence de presque quarante ans - alors que l'une de ses voisines, Finnegans Wake, bruisse et fait parler d'elle. Certains textes, comme certains vins, grandissent à l'ombre de vastes foudres - sous voile. Quel étrange voile a maintenu ce texte (et, en partie, l'oeuvre immense à laquelle elle a servi de laboratoire et de chambre d'échos) à l'écart des chemins de la lecture ? Selon Jacques Derrida l'oeuvre d'Hélène Cixous reste méconnue « pour des raisons qui, explicitées, révéleraient tout ce qui, en ce siècle et surtout en ce pays, s'interdit » (Voiles). Qu'est-ce qui, en Partie, s'interdit ou ne se dit que sous voile ? Beaucoup de choses : le « sujet » s'y fait machine de guerre post-identitaire ; l'objet-livre s'y fait réversible, retors comme un ver ; la littérature s'y connecte à ses envers (parmi lesquels Alice et ses miroirs, ou Proust, parti du côté de « chez Swann » et non de « chez soi »). Livre-ovni, Partie est ici lu comme un cousin possible du Finnegans Wake de Joyce, mais aussi en tant que livre-monde, parti guerroyer contre les scléroses de la pensée occidentale - ici aux prises avec « heideguerre » ou la « pissecanalyse ». Ce volume aborde Partie en tant que puissance ouvrante, oeuvre forte où puiser comme à une réserve de voix résistantes.
Que serait le territoire de l'errance lorsqu'il perd ses frontières au coeur du langage ? Une plongée extatique dans la violence et l'indicible ? Un geste poétique qui délivre les chairs et les êtres pour mieux les oublier ? Une mémoire sans cesse revendiquée qui inscrit son exigence dans les amnésies du passé ? Ou le chant désespéré d'une écriture qui fouille et écartèle les sources de la voix et les origines de la création ? Architecture de la composition et de la décomposition, rétive à toute soumission, l'oeuvre de Raharimanana puise dans les formes esthétiques malgaches, les textes sacrés et les traditions orales pour les conjuguer aux inventions langagières les plus vivifiantes. L'oeuvre littéraire permet ainsi une appropriation unique de la déchirure, la transgression ouvrant à l'hypothèse d'une union. Si les corps sont meurtris, si les enfants se jettent sur les rochers et si les mères sont violées, c'est dans la volonté d'interroger la littérature quand elle échappe aux classifications et aux normes pour proposer en hallucinations les vérités de la misère et de la domination. N'hésitant pas à plonger dans les pages les plus noires de l'histoire coloniale, le livre de Jean-Christophe Delmeule met en exergue une des écritures francophones parmi les plus singulières et les plus audacieuses.
Cet ouvrage propose une lecture critique et traductologique d'un vaste corpus de littérature de jeunesse, allant des contes créoles, persans et roumains jusqu'aux textes ludiques contemporains, en passant par des textes classiques de Charles Perrault, Carlo Collodi ou Hector Malot. Dans un premier temps, l'ouvrage se développe à partir des concepts de lecture, de relecture, de réécriture, avant de se pencher ensuite sur ceux d'adaptation, de remaniement, de retraduction, en accordant une place privilégiée aux stratégies traductives visant à rendre la dimension culturelle d'un texte pour enfants. Cet ouvrage, à travers la triple expérience de l'auteur comme enseignante, traductrice et traductologue, témoigne d'une ouverture vers des littératures moins connues et explorées, ainsi que d'un intérêt constant pour le dialogue interculturel.
La thématique du crime, de l'enquête ou du suspect, en termes de vraies et de fausses pistes, suffit-elle encore pour faire avancer la recherche sur les frontières entre le roman policier et les autres formes du récit ? Cette question est au centre des réflexions de ce livre. Cet ouvrage explore les zones opaques de l'écriture romanesque et ses voiles identitaires et imaginaires. Il aide à mieux décrire la production de sens dans le roman par le biais des modèles issus de la linguistique, de la pragmatique, de la sémiologie, de la poétique et de la narratologie, qui ouvrent plusieurs perspectives sur l'aspect mystérieux du récit romanesque dont l'oeil narratif accompagne le silence des personnages et engage le lecteur dans une vaste entreprise d'élucidation. Il exploite les ressorts épistémologiques et esthétiques d'un type de narration fondée sur le manque et l'inadaptation.
Que peut-on attendre d'un « citoyen du monde » dans l'espace européen à venir ? Que représente le cosmopolitisme en Europe ? Voici quelques-unes des questions posées par cet ouvrage qui présente les réflexions de chercheurs européens et non européens sur le cosmopolitisme. Les regards des spécialistes sur la question sont variés et la réalité est analysée à partir de différentes disciplines. Ainsi, science politique, histoire, droit, langues, littérature et civilisation se conjuguent pour présenter une vision toujours évolutive, parfois idéale, du cosmopolitisme. On considère souvent le cosmopolitisme comme obsolète. N'est-ce pas, au contraire, une des réponses possibles à la crise que traverse l'Union européenne en ce début de XXIe siècle ?
Pratique constante et rPratique constante et récurrente de la création littéraire et, plus généralement, culturelle, la réécriture a, paradoxalement, été peu étudiée en tant que phénomène autonome. Gérard Genette, avec Palimpsestes (1982), est l'un des rares théoriciens contemporains à s'être spécifiquement penché sur les variétés et les fonctionnements des relations transtextuelles que peut entretenir un texte. Cet ouvrage se propose de cerner les enjeux critiques suscités par les oeuvres littéraires dès lors qu'elles s'élaborent comme de nouvelles versions d'oeuvres, de mythes ou de discours préexistants. Une perspective ouverte, élargie à une diversité d'auteurs francophones, d'époques variées, offre une contribution significative et novatrice au champ des études littéraires actuelles, tout en faisant le lien entre les théories genettiennes, d'autres méthodologies et les oeuvres des écrivains. C'est donc sous l'appellation de « réécrivains » que ce livre propose de réunir un certain nombre d'auteurs francophones chez qui la pratique de la réécriture joue, momentanément ou itérativement, un rôle décisif qu'il est instructif d'élucider.
L'espace européen de l'enseignement supérieur a bouleversé la manière de penser, d'envisager l'enseignement des langues et des cultures étrangères. En Espagne et au Portugal, la tradition de l'enseignement du français s'en est donc trouvée reformulée. La réflexion des enseignants, constante et attentive aux nouvelles situations sociopolitiques, a entraîné de nouveaux débats et lancé d'autres défis dans une réalité en construction qui s'avère commune à tous les pays européens.Ce volume rassemble divers travaux portant sur les différents enjeux de l'enseignement et l'apprentissage du français langue étrangère, de la traduction et de l'évolution des représentations véhiculées dans la transmission de la culture française et francophone. Ces contributions non seulement confirment l'apport des nouvelles technologies pour l'enseignant mais aussi, au-delà des savoirs des domaines impliqués (FLE/S, FOS, traduction, culture et littérature), soulignent le besoin d'une compréhension de la dimension identitaire en même temps que la nécessité de l'acquisition de la culture de l'Autre afin de faciliter le transfert de connaissances entre les différentes langues et cultures.
« Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement », disait Victor Hugo. Au tournant du XXe siècle, de jeunes écrivains romands mettent en question leur adhésion aux mythes officiels et aux clichés romantiques sur le pays des Alpes. Face au tourisme et au folklore, dans la confrontation aux mutations politiques et sociales de la modernité, un contemporain de Ch. F. Ramuz, Gonzague de Reynold (1880-1970), exprime sa propre vision de la Suisse. Dans une série de textes publiés de 1909 à 1920, Cités et pays suisses, la diversité helvétique s'exprime par la multiplication des genres, des registres et des points de vue : le livre est tour à tour essai, page d'histoire ou d'archive, poème en prose et récit de voyage.
En promenant son lecteur de villages en châteaux, des collines du Plateau au Jura bâlois, de l'Albula à Genève, le poète-promeneur cherche à promouvoir de nouvelles valeurs helvétiques. « Passéistes », aristocratiques, anti-modernes ? Tant que l'on voudra. Sans pour autant que ce livre, considéré parfois comme « bréviaire de la conscience nationale », sacrifie de manière univoque aux mythes helvétiques de l'Alpe, de l'âge d'or et de l'insularité.
Dans le prolongement, la confirmation et parfois la correction des travaux classiques sur l'identité suisse et les intellectuels en Suisse, la présente étude examine le traitement du mythe helvétique dans Cités et pays suisses ; elle souligne à son tour la mise à distance de l'helvétisme traditionnel opérée par Reynold. Au travers d'une lecture serrée des textes, elle s'interroge en particulier sur la portée inextricablement poétique et politique d'une quête d'identité qui devient pour son auteur une édification de soi et une vocation littéraire.
La notion de Francographie est essentiellement contestataire, polémique. Elle affirme une autonomie idéologique et une certaine distance critique vis-à-vis de ce que l'on nomme alors « littérature (s) francophone (s) » d'Afrique ou d'ailleurs. Elle ne se réclame ni du centre ni de la périphérie, mais laisse en avant-garde l'idée d'une diversité dépouillée de toute connotation politiste et hégémoniste. L'on peut y voir une littérature « d'un monde » parmi « des mondes», qui ne se mesure ni ne s'épanouit qu'au gré des tensions autour et sur le sens. Les francographies africaines actuelles sont donc des lieux où se mettent en place les schèmes révélateurs d'une reconfiguration non seulement des systèmes de relation au monde et au sein de l'espace francophone, mais surtout des reconstructions identitaires. Au-delà des problèmes d'ordre épistémologique, ces francographies soulèvent de grandes préoccupations au plan de l'esthétique ; signe de la prégnance de motifs d'une multi-culturalité bientôt rebelle et dissidente au détriment d'une perspective interculturelle.
L'invasion allemande d'août 1914 suscite en Belgique un véritable sentiment patriotique qui se manifeste par la résistance imprévue de l'armée belge. À Noël 1914, les troupes impériales sont enlisées dans les plaines de la rive droite de l'Yser.
Le viol de la neutralité belge comme les violences de la soldatesque déchaînent un sentiment antiallemand qui anéantit du jour au lendemain l'admiration vouée jadis par les Belges à l'Allemagne. Ce rejet concerne dès lors tout ce qui touche à la culture germanique. Or, l'adoption du suffrage universel pour les hommes au sortir du conflit met progressivement fin à la « Belgique française ».
Ce deuxième tome de la série Histoire, Forme et Sens en Littérature : La Belgique francophone aborde l'impact de ces événements sur les grands auteurs de la génération léopoldienne. Ensuite, il s'attache, à travers la nouvelle génération d'écrivains, à l'affirmation du fantastique réel chez un Hellens ou un Thiry, ainsi qu'aux novations langagières et formelles des Michaux, Nougé, Plisnier ou Crommelynck. Il dialectise ces esthétiques souvent remarquables avec l'hypostase de plus en plus exacerbée de la langue française et de la France, portée à son acmé par le Manifeste du lundi. Il rend également compte de la mise en place d'une historiographie littéraire bien plus complexe que les simplifications du Manifeste.
Portée par les fourgons de la défaite de mai 1940, la reviviscence du mythique chez Maeterlinck, Ghelderode, Hergé ou Nothomb surgit comme une réponse très belge à la faillite du réel. Les contrepoints de Victor Serge à l'égard des deux conflits mondiaux le confirment à leur manière.
Les deux premiers volumes de la série Histoire, Forme et Sens en Littérature : La Belgique francophone ont été récompensés en 2017 du prix Lucien Malpertuis. Le présent ouvrage, deuxième volet, s'est quant à lui vu décerner en 2018 le prix annuel de l'Académie des littératures 1900-1950.
Ce livre réexamine la représentation de la famille dans des romans, albums ou pièces de théâtre pour la jeunesse relevant de différentes aires géographiques, culturelles et linguistiques. Bienveillants ou aliénants, les liens tissés entre générations ou au sein de la fratrie conditionnent la construction des jeunes protagonistes. La littérature de jeunesse reflète la diversité de la famille et sa capacité à évoluer, voire à se réinventer (familles monoparentales ou homoparentales, recomposées, adoptives...). En proposant des modèles parfois éloignés des réalités connues des lecteurs, elle les invite à réévaluer leur propre expérience mais témoigne aussi d'une certaine constance des attentes et des interrogations que l'institution suscite.
This book re-examines the representation of the family in novels, picture books or theatre plays for young people, belonging to various geographical, cultural and linguistic areas.The bonds between generations or among siblings, whether benevolent or destructive, play a decisive part in the young protagonists' development. Children's literature is shown to reflect the diversity of the family as an institution and its ability to change or even to reinvent itself (single-parent, same-sex-parent, blended or adoptive families...). Its fictional representations of the family may differ from the realities experienced by the readers, and invites them to reconsider their own experiences, yet show expectations and questions related to family life to remain fairly constant.
Cette cartographie de la production littéraire brésilienne actuelle révèle des dynamiques spatiales originales, en rapport avec l'émergence de nouveaux acteurs et mouvements sociaux, et donne une vision panoramique des tendances de cette production tout en scrutant chacun des éléments qui participent à la définition de ses contours. Les différentes études visent à préciser les mutations thématiques et formelles qui inaugurent de nouveaux enjeux esthétiques et repositionnent le discours littéraire dans ses façons de voir, d'évoquer et d'interpréter des espaces, des acteurs et des mouvements sociaux. De quel(s) Brésil(s) cette production parle-t-elle ? Quelles images du Brésil saisit-elle et engendre-t-elle ? Quels paysages réels et imaginaires privilégie-t-elle du Brésil ? À quelles modalités thématiques et formelles a-t-elle recours pour dire et (re)signifier le présent ? De quelles stratégies particulières la littérature brésilienne dispose-t-elle pour intervenir dans le discours social de son temps (inscription, dialogue, transgression de la convention sociale) ? Centrée sur les rapports entre faits sociaux et pratiques discursives d'une part et l'imaginaire de l'espace brésilien d'autre part, cette cartographie littéraire du Brésil offre ainsi au public de langue française un témoignage de la diversité et du bouillonnement qui caractérisent aussi bien le domaine de la création que celui de la critique littéraire brésilienne.
À partir de la figure centrale d'Anna Akhmatova, emblématique de l'âge d'argent russe, à travers les complexes rapports d'opposition et de filiation que la poésie russe entretient avec l'Europe depuis le début du XIXe siècle, des chercheurs, des poètes, des traducteurs s'interrogent sur l'existence d'une « poésie européenne », unifiée par le regard de celle qui, de son pays à la frontière de deux continents, y est à la fois extérieure et en est très profondément l'héritière. Les notions comparatistes traditionnelles d'analogie, de parenté et d'influence se laissent préciser et affiner au regard d'une oeuvre composée comme un immense choeur accordé selon de nouvelles lois et faisant de la parole poétique une source, voire la seule, de l'existence, dépassant peut-être ainsi toute notion de poésie nationale pour toucher à l'universel. Les contributions de chercheurs comparatistes ou slavisants, français et russes, s'organisent selon plusieurs axes - Akhmatova en dialogue avec les poètes européens ; Akhmatova comme poète européen ; les questions de traduction et de transmission - mais l'ouvrage inclut également les témoignages de poètes et d'intellectuels au sujet de leur rencontre avec Akhmatova ou à travers la lecture de ses vers. Il propose également de nouvelles traductions d'Akhmatova en français. Enfin, des poèmes inédits d'auteurs européens contemporains qui ont composé sous l'inspiration akhmatovienne témoignent de l'écho européen d'une voix contre laquelle la censure s'est acharnée sans l'étouffer et qui reste un surgeon toujours fécond dans la lignée de la poésie la plus existentielle.
Le présent ouvrage offre un espace de réflexion sur le thème des migrations, des frontières et de leur perméabilité, en se centrant sur différents processus d'échanges interculturels et en interrogeant leur impact sur les sujets et les signes migrants, de même que sur leurs traductions dans les littératures, le cinéma et les arts visuels. Dans ce sens, le livre se penche sur les pratiques de création, sous l'angle des déplacements spatiaux et/ou symboliques. L'ouvrage vise à articuler des problématiques inhérentes à l'époque contemporaine par le biais de cinq thèmes : cinéma, art et mondialisation ; littérature et transferts culturels ; littérature, frontières, territoires ; poétiques nomades ; mobilités identitaires et de genre. Este libro abre un espacio de reflexión sobre la cuestión de las migraciones, de las fronteras y su permeabilidad, focalizando diversos procesos de cambios interculturales y su impacto sobre sujetos y signos migrantes, tanto como sus traducciones en las literaturas, en el cine y en las artes visuales. Para ello, interroga prácticas de creación en la perspectiva de desplazamientos espaciales y/o simbólicos. La obra busca articular problemáticas inherentes a la contemporaneidad a través de cinco temas: cine, arte y globalización; literatura y transferencias culturales; literatura, fronteras, territorios; poéticas nómadas; movilidades identitarias y de género.
Travailler la question des Francophonies autour des pays concernés de ce que fut le Mare Nostrum des Romains et interroger les chemins des littératures francophones comme espace potentiel d'invention des libertés sont à l'origine de ce livre, conçu dans le cadre des festivités du quarantième anniversaire de la création du Parlement des Francophones de Belgique. Si ces questions avaient été abordées foncièrement plus tôt, ceux qui, dans les pays du Maghreb et du Machrek, se sont levés pour leur liberté et leur dignité eussent peut-être disposé d'armes plus affûtées. Ce volume, qui s'attache aux analyses des situations sociopolitiques du Maghreb et du Machrek, comporte en outre des témoignages d'écrivains pris dans leurs complexités linguistiques et culturelles. Il développe enfin des réflexions sur les questions posées par l'enseignement et la prise en compte réelle des littératures francophones des pays concernés. Tout sauf exhaustif, ce volume, qui relaie les propos d'un colloque conçu avant les « Printemps arabes », entrouvre des perspectives sur un contexte historique en mouvement, qui est notamment le fruit du fait francophone. Ce que racontent, à partir de leur entre-deux (trois) langues et cultures, les écrivains, rappelle les ressorts profonds et toujours non univoques de la création. Chacun montre bien pourquoi les littératures francophones sont aujourd'hui porteuses de nombreux possibles de la langue française.
Il aura fallu attendre à la fois le centenaire de sa naissance et le trentenaire de sa mort pour que Jean Kobs sorte enfin du purgatoire littéraire dans lequel l'insensibilité et les servitudes matérielles d'un XXIe siècle l'ont confiné. Et pourtant, celui qui accepte d'entrer par la petite porte dans une oeuvre riche de plus de 1600 poèmes l'aura compris : Kobs, par sa sensibilité hors du commun, son érudition et sa fidélité à autrui comme à soi-même ne pouvait demeurer dans les oubliettes de l'Histoire littéraire. Que la poésie de Jean Kobs commence à être présente dans les revues et les anthologies est peut-être dû à l'ironie du sort : si l'époque contemporaine est peu favorable aux créations littéraires, c'est aussi le profond malaise par lequel elle est marquée depuis quelques décennies qui amène certains à chercher dans les milieux artistiques la consolation qu'ils ne sauraient trouver ailleurs. À ceux-là, si peu nombreux soient-ils, la redécouverte de l'art classique, avec ses formes rigoureuses et sa langue châtiée, sert d'échappatoire et restitue, ne fût-ce que sur le plan intellectuel, les structures dont la société moderne se voit privée.
La littérature européenne d'expression française offre une image de l'Europe perçue en tant que fondatrice d'une société qui, depuis le XVIIIe siècle, s'établit au-delà des barrières nationales. Il s'agit de définir l'historique, les contours et les composantes de cette représentation, qui rejoint des préoccupations contemporaines. Les écrits en question concernent plusieurs domaines de la production écrite : poésie, romans, théâtre, mémoires, journaux personnels, correspondances, ouvrages philosophiques et historiques, périodiques. Ouvrant vers une perspective transnationale qui se développe sur une longue période et favorise le rapprochement et l'entente entre différentes cultures, ces textes manifestent et concrétisent l'influence, souvent déterminante, qu'ont exercé et qu'exercent encore dans l'Europe du XXIe siècle la langue et la culture françaises.
Une idée particulière de littérature est née au cours des XVIIIe et XIXe siècles, période qui coïncide avec la naissance du genre romanesque moderne. L'émergence d'un roman moderne, issu des transformations de l'époque, configure un champ virtuel de caractéristiques qui a marqué aussi bien la théorie littéraire du XXe siècle que la production de textes. Cet ouvrage présente une étude comparative des poétiques de Juan José Saer, Ricardo Piglia et Roberto Bolaño afin de questionner, d'un point de vue théorique, la vitalité de cette idée de roman moderne et, par voie de conséquence, de la notion même de littérature qu'elle suppose. Puisant dans le contenu des essais et des entretiens de ces auteurs hispanoaméricains majeurs, l'analyse des formes narratives, réflexives et hybrides de trois de leurs romans (La grande, La ciudad ausente et 2666) révèle chez eux la présence des traits principaux du roman moderne que le présent ouvrage examine en profondeur : l'indétermination, la réflexivité et l'expérience.
La traduction littéraire d'enfance et de jeunesse s'impose aujourd'hui non seulement comme une réalité éditoriale importante, mais aussi comme un domaine théorique en pleine expansion. Dans ce contexte, le présent ouvrage se propose de développer une réflexion générale, théorique et appliquée à même de mettre à jour les enjeux et les caractéristiques de la traduction littéraire d'enfance et de jeunesse. Pour ce faire, il entend présenter une méthodologie d'étude innovante, combinant analyse qualitative et analyse quantitative, permettant à la fois de mieux saisir les particularités stylistiques des traductions, et de mieux les confronter à leurs textes de départs respectifs. En outre, il vise à remettre en cause l'approche « target-oriented », très désaxée en faveur du lecteur enfant, souvent au détriment de la spécificité littéraire et esthétique du texte original, qui prévaut dans la pratique mais constitue aussi un courant théorique fort concernant la traduction de jeunesse. L'analyse est fondée sur de nombreux exemples, tirés d'un corpus de textes contemporains traduits en français, italien et allemand, et qui sont étudiés à la lumière des acquis de la théorie de la traduction littéraire d'enfance et de la traductologie générale, intégrant également les travaux de la critique littéraire spécialisée. Ainsi plusieurs aspects parmi les plus significatifs de la traduction destinée aux enfants seront abordés : des questions liées à la médiation culturelle, aux normes et aux manipulations à l'oeuvre dans les textes d'arrivée, en passant par une réflexion sur la notion, très controversée, de « lisibilité ».
Postmoderne, postmodernité, postmodernisme : qu'en est-il de ces multiples appellations qui prêtent le flanc à la confusion et au flou terminologique ? L'époque des poétiques intentionnelles postmodernes achevée, après avoir pris la mesure des décalages interprétatifs entre phases historiques et poétiques, sommes-nous à même de dire concrètement si la littérature contemporaine a enregistré des changements dans notre façon de penser, de vivre et de représenter l'époque postmoderne ? Cet ouvrage présente des approches critiques novatrices élargies à des outils conceptuels et interprétatifs à même de faire sortir le postmoderne de l'impasse nihiliste dans laquelle il avait été relégué. Les auteurs entendent analyser, à travers la littérature et le cinéma de ces vingt dernières années, les nuances de cette sensibilité postmoderne qui se fait jour subrepticement dans notre culture, dans notre façon d'écrire et de penser, et ce en prenant conscience qu'il n'existe pas un postmodernisme avec une poétique dominante, totalisante, mais des postmodernismes au pluriel ; non pas un postmodernisme européen mais des déclinaisons internes à l'Europe avec leurs rythmes et leurs caractéristiques propres, comme c'est le cas, ici, à travers les formes artistiques cinématographiques et littéraires de l'Italie et du Portugal.
Troisième volet du Grand OEuvre consacré par Juvénal Ngorwanubusa à son pays, le Burundi, ce livre se penche cette fois sur l'image que les romans, belges et français, du XXe siècle, donnent de ces contrées qui bordent le lac Tanganyika. Ce faisant, l'auteur convie son lecteur à une nouvelle exploration du XXe siècle mais aussi à une étude minutieuse de la persistance des clichés dans l'imaginaire littéraire occidental, particulièrement lorsqu'il s'agit de pays jadis qualifiés d'exotiques et d'événements tragiques liés aux Indépendances et à leurs suites. Ces événements, l'on persiste souvent à les décrypter à partir des seuls schémas de lecture occidentaux. Bel outil de méditation par ailleurs sur les relations Histoire/Fiction, notamment à l'égard de pays éloignés, cette étude concerne aussi bien les fictions de Pierre Ryckmans, qui fut gouverneur général du Congo belge et du Ruanda-Urundi, que SAS broie du noir de Gérard de Villiers. Elle amène subtilement, et indirectement, à une précieuse connaissance d'un pays francophone parmi les plus méconnus. Où l'on constate aussi que la Fiction n'est pas Tout.
Le sujet poétique est une notion paradoxale qui nous renseigne de façon paradigmatique sur le devenir de la poésie moderne. Ses éclatements et ses scissions à la fin du Symbolisme définissent un champ sémiotique que les avant-gardes historiques ont adapté ou transformé. L'étude de l'oeuvre d'Apollinaire et de celle de Huidobro montre à quel point une description stable du sujet est pertinente pour comprendre les raisons profondes de la poésie, de la crise à la célébration lyrique et jusqu'à la pure spatialisation. Cet ouvrage cherche à cerner la dynamique de deux définitions majeures du « sujet » et à éclaircir ses espaces d'allocution et de représentation culturelle. D'Alcools à Altazor, le sujet et son corollaire intermittent, le mythe du Je-Poète, présentent des formes bien visibles dans le contexte des avant-gardes. Croix, avion, moulin, soldat : à la construction intertextuelle des figures identitaires se superpose leur récit auctorial. Se pose, alors, une question plus vaste : comment le Moi fait-il événement ?
Il n'est pas si courant de réunir des spécialistes de différentes cultures et littératures des Amériques plutôt habitués à se retrouver dans des manifestations distinctes, selon leur champ de spécialisation et en fonction des langues ou civilisations étudiées, des classements par époques ou courants, tant dans le domaine des littératures que dans celui des autres expressions artistiques. Interroger ainsi ce qu'on pourrait appeler « les littératures des Amériques » comme ensemble soumis conjointement aux regards critiques de spécialistes des Nords et des Suds américains ne va donc pas de soi et n'est pas chose commune dans le domaine de la recherche en sciences humaines. Les travaux réunis dans cet ouvrage veulent nous situer au coeur de la bibliothèque évoquée par Jorge Luis Borges dans ses Ficciones, dans l'Univers du Multiple dans l'Un, dans la grande archive de la littérature, pour la comprendre autrement, dans sa complexité et ses mouvements.