Que serait le territoire de l'errance lorsqu'il perd ses frontières au coeur du langage ? Une plongée extatique dans la violence et l'indicible ? Un geste poétique qui délivre les chairs et les êtres pour mieux les oublier ? Une mémoire sans cesse revendiquée qui inscrit son exigence dans les amnésies du passé ? Ou le chant désespéré d'une écriture qui fouille et écartèle les sources de la voix et les origines de la création ? Architecture de la composition et de la décomposition, rétive à toute soumission, l'oeuvre de Raharimanana puise dans les formes esthétiques malgaches, les textes sacrés et les traditions orales pour les conjuguer aux inventions langagières les plus vivifiantes. L'oeuvre littéraire permet ainsi une appropriation unique de la déchirure, la transgression ouvrant à l'hypothèse d'une union. Si les corps sont meurtris, si les enfants se jettent sur les rochers et si les mères sont violées, c'est dans la volonté d'interroger la littérature quand elle échappe aux classifications et aux normes pour proposer en hallucinations les vérités de la misère et de la domination. N'hésitant pas à plonger dans les pages les plus noires de l'histoire coloniale, le livre de Jean-Christophe Delmeule met en exergue une des écritures francophones parmi les plus singulières et les plus audacieuses.
Cet ouvrage propose une lecture critique et traductologique d'un vaste corpus de littérature de jeunesse, allant des contes créoles, persans et roumains jusqu'aux textes ludiques contemporains, en passant par des textes classiques de Charles Perrault, Carlo Collodi ou Hector Malot. Dans un premier temps, l'ouvrage se développe à partir des concepts de lecture, de relecture, de réécriture, avant de se pencher ensuite sur ceux d'adaptation, de remaniement, de retraduction, en accordant une place privilégiée aux stratégies traductives visant à rendre la dimension culturelle d'un texte pour enfants. Cet ouvrage, à travers la triple expérience de l'auteur comme enseignante, traductrice et traductologue, témoigne d'une ouverture vers des littératures moins connues et explorées, ainsi que d'un intérêt constant pour le dialogue interculturel.
Pratique constante et rPratique constante et récurrente de la création littéraire et, plus généralement, culturelle, la réécriture a, paradoxalement, été peu étudiée en tant que phénomène autonome. Gérard Genette, avec Palimpsestes (1982), est l'un des rares théoriciens contemporains à s'être spécifiquement penché sur les variétés et les fonctionnements des relations transtextuelles que peut entretenir un texte. Cet ouvrage se propose de cerner les enjeux critiques suscités par les oeuvres littéraires dès lors qu'elles s'élaborent comme de nouvelles versions d'oeuvres, de mythes ou de discours préexistants. Une perspective ouverte, élargie à une diversité d'auteurs francophones, d'époques variées, offre une contribution significative et novatrice au champ des études littéraires actuelles, tout en faisant le lien entre les théories genettiennes, d'autres méthodologies et les oeuvres des écrivains. C'est donc sous l'appellation de « réécrivains » que ce livre propose de réunir un certain nombre d'auteurs francophones chez qui la pratique de la réécriture joue, momentanément ou itérativement, un rôle décisif qu'il est instructif d'élucider.
La thématique du crime, de l'enquête ou du suspect, en termes de vraies et de fausses pistes, suffit-elle encore pour faire avancer la recherche sur les frontières entre le roman policier et les autres formes du récit ? Cette question est au centre des réflexions de ce livre. Cet ouvrage explore les zones opaques de l'écriture romanesque et ses voiles identitaires et imaginaires. Il aide à mieux décrire la production de sens dans le roman par le biais des modèles issus de la linguistique, de la pragmatique, de la sémiologie, de la poétique et de la narratologie, qui ouvrent plusieurs perspectives sur l'aspect mystérieux du récit romanesque dont l'oeil narratif accompagne le silence des personnages et engage le lecteur dans une vaste entreprise d'élucidation. Il exploite les ressorts épistémologiques et esthétiques d'un type de narration fondée sur le manque et l'inadaptation.
Que peut-on attendre d'un « citoyen du monde » dans l'espace européen à venir ? Que représente le cosmopolitisme en Europe ? Voici quelques-unes des questions posées par cet ouvrage qui présente les réflexions de chercheurs européens et non européens sur le cosmopolitisme. Les regards des spécialistes sur la question sont variés et la réalité est analysée à partir de différentes disciplines. Ainsi, science politique, histoire, droit, langues, littérature et civilisation se conjuguent pour présenter une vision toujours évolutive, parfois idéale, du cosmopolitisme. On considère souvent le cosmopolitisme comme obsolète. N'est-ce pas, au contraire, une des réponses possibles à la crise que traverse l'Union européenne en ce début de XXIe siècle ?
Le présent ouvrage offre un espace de réflexion sur le thème des migrations, des frontières et de leur perméabilité, en se centrant sur différents processus d'échanges interculturels et en interrogeant leur impact sur les sujets et les signes migrants, de même que sur leurs traductions dans les littératures, le cinéma et les arts visuels. Dans ce sens, le livre se penche sur les pratiques de création, sous l'angle des déplacements spatiaux et/ou symboliques. L'ouvrage vise à articuler des problématiques inhérentes à l'époque contemporaine par le biais de cinq thèmes : cinéma, art et mondialisation ; littérature et transferts culturels ; littérature, frontières, territoires ; poétiques nomades ; mobilités identitaires et de genre. Este libro abre un espacio de reflexión sobre la cuestión de las migraciones, de las fronteras y su permeabilidad, focalizando diversos procesos de cambios interculturales y su impacto sobre sujetos y signos migrantes, tanto como sus traducciones en las literaturas, en el cine y en las artes visuales. Para ello, interroga prácticas de creación en la perspectiva de desplazamientos espaciales y/o simbólicos. La obra busca articular problemáticas inherentes a la contemporaneidad a través de cinco temas: cine, arte y globalización; literatura y transferencias culturales; literatura, fronteras, territorios; poéticas nómadas; movilidades identitarias y de género.
Cet ouvrage questionne le sonnet au sujet de ses relations aux arts visuels que sont le dessin, la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma. Les champs linguistiques et culturels concernés appartiennent majoritairement aux domaines français et hispanophone, ponctuellement italien et anglophone, le sonnet constituant le fil conducteur essentiel des quatre principaux axes du volume. L'étude examine tout d'abord l'ekphrasis, inscrite dans l'économie de sonnets qui décrivent un tableau, voire en dérivent, puis les combats et dialogues entre l'image artistique et le sonnet de la Renaissance à l'époque contemporaine. Une troisième modalité analyse diverses mises en mots du visuel dans un sonnet devenu « figure de l'imaginaire », espace où les poètes dessinent, sculptent, peignent, photographient, filment « avec des mots ». Enfin, dans un quatrième temps, la visibilité du sonnet est privilégiée, aussi devient-il « objet d'art visuel », singulièrement à l'époque contemporaine.
Travailler la question des Francophonies autour des pays concernés de ce que fut le Mare Nostrum des Romains et interroger les chemins des littératures francophones comme espace potentiel d'invention des libertés sont à l'origine de ce livre, conçu dans le cadre des festivités du quarantième anniversaire de la création du Parlement des Francophones de Belgique. Si ces questions avaient été abordées foncièrement plus tôt, ceux qui, dans les pays du Maghreb et du Machrek, se sont levés pour leur liberté et leur dignité eussent peut-être disposé d'armes plus affûtées. Ce volume, qui s'attache aux analyses des situations sociopolitiques du Maghreb et du Machrek, comporte en outre des témoignages d'écrivains pris dans leurs complexités linguistiques et culturelles. Il développe enfin des réflexions sur les questions posées par l'enseignement et la prise en compte réelle des littératures francophones des pays concernés. Tout sauf exhaustif, ce volume, qui relaie les propos d'un colloque conçu avant les « Printemps arabes », entrouvre des perspectives sur un contexte historique en mouvement, qui est notamment le fruit du fait francophone. Ce que racontent, à partir de leur entre-deux (trois) langues et cultures, les écrivains, rappelle les ressorts profonds et toujours non univoques de la création. Chacun montre bien pourquoi les littératures francophones sont aujourd'hui porteuses de nombreux possibles de la langue française.
Il aura fallu attendre à la fois le centenaire de sa naissance et le trentenaire de sa mort pour que Jean Kobs sorte enfin du purgatoire littéraire dans lequel l'insensibilité et les servitudes matérielles d'un XXIe siècle l'ont confiné. Et pourtant, celui qui accepte d'entrer par la petite porte dans une oeuvre riche de plus de 1600 poèmes l'aura compris : Kobs, par sa sensibilité hors du commun, son érudition et sa fidélité à autrui comme à soi-même ne pouvait demeurer dans les oubliettes de l'Histoire littéraire. Que la poésie de Jean Kobs commence à être présente dans les revues et les anthologies est peut-être dû à l'ironie du sort : si l'époque contemporaine est peu favorable aux créations littéraires, c'est aussi le profond malaise par lequel elle est marquée depuis quelques décennies qui amène certains à chercher dans les milieux artistiques la consolation qu'ils ne sauraient trouver ailleurs. À ceux-là, si peu nombreux soient-ils, la redécouverte de l'art classique, avec ses formes rigoureuses et sa langue châtiée, sert d'échappatoire et restitue, ne fût-ce que sur le plan intellectuel, les structures dont la société moderne se voit privée.
La littérature européenne d'expression française offre une image de l'Europe perçue en tant que fondatrice d'une société qui, depuis le XVIIIe siècle, s'établit au-delà des barrières nationales. Il s'agit de définir l'historique, les contours et les composantes de cette représentation, qui rejoint des préoccupations contemporaines. Les écrits en question concernent plusieurs domaines de la production écrite : poésie, romans, théâtre, mémoires, journaux personnels, correspondances, ouvrages philosophiques et historiques, périodiques. Ouvrant vers une perspective transnationale qui se développe sur une longue période et favorise le rapprochement et l'entente entre différentes cultures, ces textes manifestent et concrétisent l'influence, souvent déterminante, qu'ont exercé et qu'exercent encore dans l'Europe du XXIe siècle la langue et la culture françaises.
La traduction littéraire d'enfance et de jeunesse s'impose aujourd'hui non seulement comme une réalité éditoriale importante, mais aussi comme un domaine théorique en pleine expansion. Dans ce contexte, le présent ouvrage se propose de développer une réflexion générale, théorique et appliquée à même de mettre à jour les enjeux et les caractéristiques de la traduction littéraire d'enfance et de jeunesse. Pour ce faire, il entend présenter une méthodologie d'étude innovante, combinant analyse qualitative et analyse quantitative, permettant à la fois de mieux saisir les particularités stylistiques des traductions, et de mieux les confronter à leurs textes de départs respectifs. En outre, il vise à remettre en cause l'approche « target-oriented », très désaxée en faveur du lecteur enfant, souvent au détriment de la spécificité littéraire et esthétique du texte original, qui prévaut dans la pratique mais constitue aussi un courant théorique fort concernant la traduction de jeunesse. L'analyse est fondée sur de nombreux exemples, tirés d'un corpus de textes contemporains traduits en français, italien et allemand, et qui sont étudiés à la lumière des acquis de la théorie de la traduction littéraire d'enfance et de la traductologie générale, intégrant également les travaux de la critique littéraire spécialisée. Ainsi plusieurs aspects parmi les plus significatifs de la traduction destinée aux enfants seront abordés : des questions liées à la médiation culturelle, aux normes et aux manipulations à l'oeuvre dans les textes d'arrivée, en passant par une réflexion sur la notion, très controversée, de « lisibilité ».
La définition de la poésie hante les poètes comme les chercheurs depuis longtemps. Mais peut-on la définir ? La poésie a-t-elle une essence ? Contient-elle des éléments qui lui sont propres ? Ou faut-il la considérer dans une perspective plus large ? Ce livre examine la poésie moderne sous la perspective des genres et de l'énonciation. La question des genres s'impose d'autant plus que certaines oeuvres poétiques modernes habituellement décrites comme « inclassables » peuvent en fait être intégrées à des genres nouveaux. Parmi ceux-ci, les genres de l'épopée lyrique, de l'autofiction poétique et de la chronique poétique seront ici étudiés méthodiquement, ce qui permettra ainsi d'explorer les limites des genres poétiques modernes. Fortement liée à cette problématique des genres, la question de l'énonciation conduit à se demander qui parle dans les textes. Celui qui parle dans la poésie, est-ce seulement, comme on l'a souvent affirmé, le « je » lyrique ? Et comment définir cette instance selon des principes linguistiques et énonciatifs ?
Postmoderne, postmodernité, postmodernisme : qu'en est-il de ces multiples appellations qui prêtent le flanc à la confusion et au flou terminologique ? L'époque des poétiques intentionnelles postmodernes achevée, après avoir pris la mesure des décalages interprétatifs entre phases historiques et poétiques, sommes-nous à même de dire concrètement si la littérature contemporaine a enregistré des changements dans notre façon de penser, de vivre et de représenter l'époque postmoderne ? Cet ouvrage présente des approches critiques novatrices élargies à des outils conceptuels et interprétatifs à même de faire sortir le postmoderne de l'impasse nihiliste dans laquelle il avait été relégué. Les auteurs entendent analyser, à travers la littérature et le cinéma de ces vingt dernières années, les nuances de cette sensibilité postmoderne qui se fait jour subrepticement dans notre culture, dans notre façon d'écrire et de penser, et ce en prenant conscience qu'il n'existe pas un postmodernisme avec une poétique dominante, totalisante, mais des postmodernismes au pluriel ; non pas un postmodernisme européen mais des déclinaisons internes à l'Europe avec leurs rythmes et leurs caractéristiques propres, comme c'est le cas, ici, à travers les formes artistiques cinématographiques et littéraires de l'Italie et du Portugal.
Cet ouvrage met en cause la dichotomie régnante « raison contre émotion », élément fondamental d'un prêt-à-penser qui règne sur les études d'argumentation et qu'on retrouve parfois dans les études du discours. Cette opposition fait obstacle à l'observation et à l'analyse du jeu des émotions parlées et écrites, et engage les études sur l'argumentation ordinaire dans l'impasse d'un langage « an-émotif », quasi pathologique. Mettant en jeu des valeurs qui expriment les intérêts et fondent l'identité des locuteurs, les situations argumentatives sont profondément émotionnantes. Ce livre propose une approche holiste, et non psychologique, de l'émotion, vue non pas comme une Réponse passive à une situation Stimulus, mais comme une activité signifiante, formatant le discours et la situation de parole. Sous la notion de construction argumentative des émotions, il défend la thèse de l'inséparabilité des raisons et des émotions dans les discours argumentatifs ordinaires.
Souvent rapprochée de l'épique alors qu'elle s'en différencie singulièrement, la Saga est passée dans le langage commun au point de se voir employée à tous vents, et souvent loin du sens originaire qui est le sien. Ce volume entend interroger la permanence et les mutations de ce genre dans les champs littéraires francophones et lusophones du XXe siècle. Il aborde en conséquence les métamorphoses du genre au contact de la société industrielle ; puis les translations qui s'imposent à l'heure de la reprise du module des Sagas par les mondes diasporiques ; enfin, l'alchimie qui voit la mémoire des vaincus s'en emparer également pour les lier à la permanence des dieux mânes. Contrastes et contradictions de l'Histoire du XXe siècle se révèlent d'autant mieux dans les différents textes commentés dans ce livre qu'ils décalent tous ou réhabitent à frais nouveaux un genre qui plonge dans l'immémorial.
Qu'il soit thème, mode d'écriture ou attitude devant la norme, le jeu habite bien des oeuvres littéraires et s'y révèle aussi actif et souvent méconnu qu'il l'est dans la vie. En prenant appui sur des oeuvres appartenant à des littératures, des genres et des périodes historiques différentes, ce volume soumet la présence du jeu dans la littérature aux formes mouvantes de leurs interactions, comme aux paradoxes de la notion. Dérèglement fondé sur des règles, gratuité n'excluant pas l'intentionnalité, parodie et célébration, fantaisie et subversion, déguisement et dévoilement sont ainsi interrogés. Ce volume apporte ainsi, en outre, une modeste contribution à la théorie générale de la littérature comme à la poétique. Il le fait en explorant des oeuvres ordinairement perçues comme marquées par le ludisme (Perec, Queneau, Corbière, Cervantès, Villon, Salah Garmadi, Prévert, Hoffmann, etc.) mais aussi d'autres, souvent considérées à tort comme éloignées de cette préoccupation : les récits tristaniens, Guilleragues, Lorand Gaspar, Guillevic, Albert Memmi, les romantiques français, les écrivains antillais, Claudel, Richepin, Jaccottet ou d'autres. Un des fondamentaux du fait littéraire se trouve ainsi mis en lumière.
Cette étude est la première du genre à embrasser l'oeuvre dramatique de Yasmina Reza dans toute son ampleur. L'ouvrage prend sa pièce à succès, « Art », comme le centre créatif d'où irradient les neuf autres pièces. L'analyse tout à la fois textuelle et sémiologique suit un fil conducteur, le traitement des passions, au premier rang desquelles, naturellement, l'amour, mais également d'autres passions plus paradoxales. L'ouvrage témoigne en effet de l'exploration que ces pièces font du fétichisme contemporain pour les objets, qu'ils soient matériels ou abstraits comme la littérature, les sciences ou la musique. Ce que cette étude met également en lumière, ce sont les innovations formelles qui, sous une plume moins sensible au rythme et aux silences, pourraient passer pour anti-théâtrales, telles que l'aparté, les monologues et les mises en abymes. Ces techniques revivifient un théâtre en alliant des contraires : théâtre de pensée et théâtre d'émotions, comique et tragique. C'est par cette approche qu'on peut expliquer que l'immense succès des pièces de Yasmina Reza ait permis de repousser la crise toujours annoncée du théâtre en France et du théâtre français à l'étranger.
Les parcours identitaires fictifs que donnent à lire de nombreux récits contemporains se nourrissent de leur ancrage dans la phénoménalité du sensible. Cet ouvrage est consacré à l'étude de cette corrélation, aux modalités de sa mise en discours et à ses effets en termes de signification. Les oeuvres analysées sont algériennes, françaises, québécoises et appartiennent donc à la littérature de langue française considérée en extension, sans les insidieuses hiérarchisations dont est trop souvent porteuse la notion de littérature francophone. L'auteur y examine les opérations énonciatives et narratives par lesquelles se déploient les expériences sensibles de personnages qui sont d'abord et avant tout des corps sentants et percevants. Puis il montre comment de ces modes de présence au monde sensible surgissent des formes de vie qui sont précisément les manifestations signifiantes d'identités conçues comme des effets induits par les ressources formelles des textes.
Publié en 2001, le roman de l'académicien espagnol Antonio Muñoz Molina, Sefarad, se distingue de ses autres textes romanesques par son écriture fragmentaire. Comme l'indique d'entrée de jeu le sous-titre énigmatique, Una novela de novelas, il se décline en dix-sept récits, affichant ouvertement la tension entre la partie et le tout qui le caractérise. Cette étude se propose d'analyser le dispositif textuel complexe et original mis en place par le romancier, en prenant appui sur les théories de la réception qui se sont développées dans la lignée des travaux de l'Ecole de Constance.
Quelle est la différence entre un écrivain considéré sans distinction aucune, un écrivain québécois, un écrivain forgé par l'immigration et un écrivain étiqueté comme écrivain migrant ? Y a-t-il un lien entre le contexte socioculturel et historique du Québec et l'émergence des « écritures migrantes » ? Quand un écrivain migre, ses sources d'inspirations migrent-elles avec lui ? Peut-on parler d'un seul imaginaire migrant ou bien, à l'instar de leurs auteurs, les sujets migrent-ils à leur tour ? À quel niveau, la dimension migrante se laisse-t-elle le mieux observer ? Cet ouvrage se propose de cerner ces différentes questions pour rendre hommage aux écritures migrantes, courant littéraire éphémère et redondant de la fin du XXe siècle au Québec. L'auteure cherche à expliquer la popularité de ce phénomène complexe qui dépasse de loin le domaine de la langue et littérature francophone et se retrouve, un peu à son insu, à la croisée de plusieurs disciplines telles que la sociologie, la psychologie (voire la psychanalyse), l'histoire, les politiques de l'immigration et, surtout, face à la problématique du regard qui fige et définit. Structuré autour de trois grandes questions (le statut des écrivains issus de l'immigration, les thèmes et la langue), cet ouvrage joint à un contexte spécifique - celui de l'effervescence culturelle et sociopolitique au Québec à la fin du XXe siècle - la réflexion sur la représentation littéraire de l'immigration et de l'identité, interpellée dans toute sa postmodernité.
Douze livres, douze auteurs. Au centre, donc, douze écritures, en paroles propres avec des facilitateurs. Au final, deux synthèses critiques. Une formule originale pour accéder aux continents francophones, à leur autonomie comme à leur singularité. Ces témoignages concernent la Belgique ou la Suisse, l'Europe centrale, le Québec, le Congo et le Cameroun, les Antilles ou le Maghreb. Les conflits israélo-arabes, les séquelles coloniales au Maghreb, l'occupation américaine en Irak, le 11 septembre 2001, la mémoire européenne d'après le génocide, les guerres interafricaines ou les situations postcoloniales dans les Caraïbes y sont évoqués, comme la violence des éléments ou celle de l'univers avec lequel l'homme contemporain tente de rompre. Quelque chose donc qui est l'Histoire, et qui est plus que l'Histoire telle qu'elle prétend se raconter ou se considérer. Le propre de la littérature n'est-il pas d'y immerger le lecteur à partir de la mise en jeu d'une ou de plusieurs subjectivités ? Les littératures francophones le laissent entrevoir tout particulièrement.
En 1845, dans Le Foyer breton, recueil de traditions populaires, E. Souvestre publia Peronnik l'idiot, l'estimant apparenté au Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Mais le caractère composite du récit armoricain, pourtant banal en littérature orale, a occulté son appartenance à un conte type répertorié dont le héros a la réputation d'être idiot. La comparaison serrée entre les quatre récits médiévaux narrant l'aventure initiale de Perceval démontre que ce conte type - d'où vient aussi Peronnik l'idiot - est la source du tout premier noyau du Conte du Graal. En démêlant pour chaque motif du récit breton l'hérité et l'ajouté, l'étude découvre de surprenants archaïsmes, transmis par Souvestre à son insu, et réhabilite recueil et conte, riches d'éléments anciens méconnus, rares et précieux. L'exposition progressive des indices détectés et des étapes du raisonnement invite le lecteur à partager avec l'auteur le passionnant chemin de la découverte. Chrétien maîtrisait visiblement l'art d'adapter ses sources à son projet : l'analyse de ses détournements créateurs éclaire à merveille la naissance de cette oeuvre mythique, nous donnant de nouvelles raisons de l'admirer.
En août 1958, Roger Martin du Gard meurt dans sa maison du Tertre. 50 ans plus tard, il semble intéressant de porter un regard critique sur son oeuvre et d'évaluer la portée de celle-ci, en étudiant la valeur du renouvellement littéraire prôné par son auteur. Ce livre, issu d'un colloque international organisé à l'Université de Lleida en octobre 2008, se penche sur la littérature populaire et l'étude de la féminité, au coeur de cette oeuvre monumentale, en proposant de nouvelles approches et interprétations. Dans un premier temps se dégage une réflexion théorique sur la création littéraire, les influences et la définition même de roman populaire ou de littérature populaire envisagées du point de vue de l'écrivain et de son entourage. La deuxième ligne de force se focalise sur la femme et ses rapports avec la problématique populaire, privilégiant les personnages féminins martiniens qui possèdent le plus de caractéristiques empruntées au romanesque et au populaire. L'ensemble des contributions offre une richesse plurielle et centrée sur l'analyse de la création littéraire d'un point de vue théorique, en cherchant à délimiter la portée et les limites du populaire, et d'un point de vue thématique en s'attachant au rôle du féminin dans l'imaginaire de l'écrivain.
Hitherto undiscovered yet fundamental historical and literary texts from the Pacific provide the subject matter of this collection of essays which sets out to explore the new forms of writing and hybrid identities emerging from both past and contemporary cultural contact and exchange in the `South Seas'. This is also a weaving of the connections between Francophone and Anglophone writers long separated by colonial history. Luis Cardoso, writing in Portuguese from East Timor offers further points of contrast. The places of encounter - the beaches of Tahiti, the retelling of the texts of oral tradition, indigenous mastery of writing and appropriation of Western technology, the construction of contemporary Pacific anthologies or emerging post-colonial writing and translation - are sites of interaction and mixing that also involve negotiations of mana or power. From Pierre Loti's mythical and feminised Tahitians to Déwé Gorodé's silenced women, the outcomes of such negotiations are dynamic and different syncretisms. Two chapters reexamine the theoretical concept of hybridity from these Pacific perspectives. Les articles publiés dans le présent recueil explorent les nouvelles formes d'écriture et les identités hybrides issues du creuset des Mers du Sud. Relativement inconnus, les textes au coeur de ces articles n'en sont pas moins les oeuvres fondatrices de la région du Pacifique Sud dont ils constituent la trame historique et littéraire. Longtemps tenus à l'écart les uns des autres par l'histoire coloniale de la région, les textes d'auteurs francophones et anglophones s'enchevêtrent et se recoupent en de multiples domaines. La reprise des textes de tradition orale, l'appropriation autochtone des technologies occidentales, la création d'anthologies contemporaines et l'émergence d'une littérature postcoloniale, sont autant de sites d'interactions et de convergence qui exigent une négociation permanente entre les pouvoirs et mana en présence. C'est une nouvelle facette du concept d'hybridité que nous proposent ces études de la région Pacifique.