Jean Dutourd
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Par une belle journée de juin, deux amis se promènent dans Paris. Ils parlent d'Édouard Roberti, député, marié, père de trois enfants, qui à cinquante ans s'est amouraché d'une jolie secrétaire de vingt-cinq ans, Solange Mignot. Cette liaison s'est terminée au bout de trois ans par un crime. Qu'est-ce que la passion amoureuse ? Jusqu'où peut-elle mener ?
Dès les premières lignes, on est happé par ce grand roman publié à la NRF en mai 1963 ; des critiques soulignèrent que Dutourd inventait une nouvelle forme de roman. -
Jean Dutourd a trente-neuf ans et onze livres à son actif lorsqu'il publie Les Dupes, en septembre 1959. Connu du grand public pour Au bon beurre (1952) et Les Taxis de la Marne (1956), il est alors l'un des écrivains les plus en vue de sa génération. Les Dupes occupe une place à part dans son oeuvre : il s'agit de son premier recueil de nouvelles, un genre qu'il abordera peu mais dans lequel il excellera toujours.
Trois histoires d'inspiration comique composent Les Dupes. Dans la première, Dutourd nous conte les trépidantes aventures d'un jeune homme qui croit qu'on se définit par ses actes : hélas pour lui, tout ce qu'il entreprend tourne toujours à l'inverse de ce qu'il désire ! Détail cocasse : son professeur de philosophie n'est pas sans rappeler Jean-Paul Sartre. La deuxième nouvelle nous montre un révolutionnaire allemand du XIXe siècle qui s'imagine dur comme fer que le monde évoluera dans un certain sens : ses prédictions (et ses rencontres avec Lamartine, Hugo et Clemenceau) ne manquent pas de sel. Quant à la troisième nouvelle, elle relate un étrange tête-à-tête nocturne entre le diable et un athée. Les Dupes s'achève sur un curieux épilogue où Dutourd nous donne à lire un article furibard que la deuxième nouvelle (initialement publiée dans la NRF en 1958) avait inspiré à André Breton : le pape du surréalisme y fulmine admirablement.
En 1959, la critique accueille avec faveur Les Dupes : c'est drôle, alerte et percutant ; Dutourd manie avec brio des registres fort différents ; on passe en sa compagnie un délicieux moment... Dans une lettre à Jean Dutourd, Jean Giono clame son enthousiasme : « C'est une jubilation ! Pourquoi faut-il que ce soit si court ! » Jamais réédité depuis 1959, Les Dupes est l'un des meilleurs livres de Jean Dutourd - et l'un de ceux par lesquels on suggérera volontiers d'aborder son oeuvre.
Nous profitons de cette réédition pour publier en appendice un document récemment retrouvé dans ses archives : une lettre de Breton à Dutourd, datée de 1955, qui jette une lumière vive sur les affres que l'auteur de Nadja traversait à cette époque. -
Fervent admirateur de Zola, Remi Chapotot est un romancier médiocre qui jouit malgré tout d'une notoriété certaine. Jacky Lataste, provinciale rêvant de gloire et de lauriers, le repère comme un parti très prometteur ; elle décide de prendre en main sa carrière et obtient finalement son élection à l'Académie française.
Fort de sa réussite sociale, Chapotot se révèle bien malgré lui l'objet de toutes les convoitises féminines: de Mme Petitdider, sa secrétaire qui lui voue une adoration sans bornes, à Jacky, la provinciale qui rêve de devenir sa maîtresse, en passant par Mme de la Bigne, vieille aristocrate tenant salon comme au XIXe siècle, il déchaîne les passions.
Dressant avec humour et subtilité un portrait de l'écrivain dans son milieu, Jean Dutourd brosse un tableau réjouissant du petit monde des lettres et de la critique qui sévit dans la deuxième moitié du XXe siècle. Jouant sur les codes du roman proustien ou flaubertien, il égratigne l'arrivisme de la bonne société parisienne, et nous donne à lire l'un de ses plus délicieux romans. -
En écrivant ce livre, je me demandais quel titre je lui donnerais. Puis je songeai au récit de Hemingway, Le Vieil Homme et la Mer, que j'avais traduit autrefois en français. N'était-ce pas, d'une certaine façon, mon histoire qu'il avait racontée quarante ans à l'avance ? Il me semblait que j'étais dans une barque, courant après le gros poisson de la littérature que tout écrivain rêve d'attraper. Comme le vieux du conte j'avais le sentiment que ma position était bien précaire, cerné comme j'étais par des meutes de requins et ne disposant pour les repousser que d'une lame de couteau ficelée à un aviron. La mer sur laquelle je naviguais était la France, et je ne l'avais pas choisie.
J.D. -
La Genèse, qui est le premier livre de la Bible, raconte la création de l'homme et les commencements du monde, mais elle les raconte de façon très laconique. Par exemple, il n'est dévoilé nulle part quelle espèce de poison renfermait le fruit de l'Arbre de la Connaissance. Il n'est pas montré comment Eve, pour avoir Adam à elle toute seule, le brouilla avec les animaux, la nature et le Créateur lui-même. Quelles circonstances atténuantes Caïn avait-il pour que le Seigneur défendit qu'on le tuât ? Dieu enfin, après avoir été content de son oeuvre, en a été dégoûté au point de la rayer comme un brouillon par le Déluge et de la recommencer.
Le Livre de la Genèse est particulièrement émouvant en ce qu'il montre comment le Tout-Puissant s'est heurté aux hommes. Ceux-ci, souvent, en dépit de leur foi et de leur amour, lui résistent, discutent avec lui, et il arrive qu'ils influent sur sa volonté.
Jean Dutourd a en quelque sorte rempli les blancs de la Bible, c'est-à-dire qu'il a ajouté au récit sacré des détails historiques ou psychologiques, ainsi que quelques raisonnements qui manquent. Rien n'est changé mais tout est éclairé, tout prend soudain vie, et l'on s'aperçoit que les hommes qui existaient il y a des milliers d'années sont nos pères, presque nous-mêmes. Abraham, Jacob, Joseph, tous ces précurseurs avaient notre cerveau et notre coeur.
Couverture : Eve, par Lucas Cranach. Anvers, Musée Royal des Beaux-Arts. -
Si Louis XV n'avait pas acheté la Corse à la République de Gênes, Bonaparte ne serait pas devenu empereur des Français. Sans doute se serait-il mis au service de l'Autriche. Le successeur d'Alexandre et de César n'aurait pas pu monter plus haut que la dignité de feld-maréchal et l'Europe eût été bien tranquille entre 1796 et 1815.
A supposer que l'on ait fait entrer entre la veille, dans Paris, deux ou trois régiments de cavalerie, la Bastille n'aurait pas été prise le 14 juillet 1789.
Cet ouvrage immoral démontre que l'histoire n'est pas écrite d'avance et que, presque toujours, il s'en faut d'un cheveu pour qu'elle tourne autrement. Il démontre aussi que, depuis qu'elle a tué la Monarchie, la France n'a pas cessé de choisir ce qui pouvait être le plus désastreux pour son destin et, par ses choix, d'entraîner le monde dans diverses tragédies, telles que la Première et la Seconde Guerres mondiales, ce qui s'en est suivi, à savoir les dictatures rouges ou noires, et enfin, l'hégémonie américaine.
Le feld-maréchal von Bonaparte est le livre le plus incorrect politiquement qui ait été publié depuis deux siècles. Il va à l'encontre de tout ce qui est posé en principe et enseigné tant en France qu'ailleurs. L'auteur passera pour un fou ou un assassin d'idées admises, ce qui est toujours agréable pour un homme de lettres, même si sa marchandise est boycottée par les bien-pensants. -
Il y a une erreur dans le titre de ce roman. Henri, son héros, n'est pas un produit de « l'éducation nationale » comme on en voit tant. C'est même le contraire. Il est en révolte contre l'éducation nationale justement, contre sa famille, contre les adultes, contre la politique, contre la bêtise, contre le monde. Il a dix-sept ans. Bref, c'est un jeune homme éternel, race peu répandue de nos jours, semble-t-il. Il a envie de ressembler à Julien Sorel, non à un pantin de bande dessinée. Le monde d'Henri est le monde moderne, sa famille est moderne, ses « enseignants » sont modernes, la politique qu'il exècre est celle qu'on impose aujourd'hui. Un jeune homme éternel plongé dans le monde moderne a une révolte très particulière, qui ne ressemble pas à celle que l'on décrit habituellement quand on parle de la jeunesse. Henri ne fait et ne pense rien de ce qu'on attend d'un garçon de son âge. Ceci est un vrai roman, avec des personnages et des péripéties, comme un roman d'autrefois, sauf qu'il dépeint une chose qu'on n'a à peu près pas encore vue dans la littérature : la société de maintenant qui, depuis 1960 environ, n'est plus du tout celle d'autrefois. Peut-être est-ce le premier roman de ce genre.
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Les matinées de Chaillot
Jean Dutourd
- FeniXX réédition numérique (SPL)
- 14 Février 2023
- 9791041013036
Au fond, tous les livres que j'ai écrits pourraient avoir pour titre, ou sous-titre : « Les matinées de Chaillot », et même une partie de ma vie pourrait s'appeler de la sorte. Il y a vingt-trois ans maintenant que j'habite le quartier de Chaillot, non par goût, mais parce qu'en 1954, époque où l'on ne parvenait pas à se loger dans Paris quand on était pauvre, je dénichai là, par miracle, un appartement. J'y suis encore, parce que le tintouin d'un déménagement m'ennuie, parce qu'il y a au moins six mille bouquins sur les murs et que l'idée de remuer tout cela me décourage ; enfin, parce qu'on finit pas se plaire dans les endroits où l'on a vécu longtemps et qui sont devenus très commodes. Le gros de ce petit recueil est composé de textes que j'ai donnés à l'hebdomadaire Paris-Match de mars 1974 à août 1975, après quoi ma rubrique fut supprimée. On la remplaça par des photos, pour rajeunir la publication, paraît-il. Bien que je fusse payé à ne rien faire tout au long de l'année qui suivit, je regrettai ma collaboration. Cet argent gagné, sans que je fournisse rien en contrepartie, me brûlait les doigts. En quoi l'on voit, que j'ai encore beaucoup à apprendre dans le domaine du journalisme. Les textes qui sont au début du volume proviennent de diverses publications, qui ont acheté ma marchandise entre 1967 et 1974. Je les ai ajoutés pour donner de la consistance au livre, pour que le lecteur en ait pour son argent et aussi parce que, venant du même artisan, la facture est la même. D'une gazette à l'autre, je poursuis le même propos, je ne change pas de ton, je tâche de jouer ma petite musique. Après cela, il faut tout publier : on ne sait pas d'avance ce qui restera de vous, ce que liront de vous les gens trente ans après que vous serez mort. Peut-être sera-ce, pour moi, ces petits articles pliés dans des enveloppes, que des cyclistes viennent chercher sous mon paillasson.
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Rimbaud...Et s'il avait vécu plus longtemps, que serait-il devenu ?
Jean Dutourd imagine et raconte ce qu'aurait été le destin de cette figure de la littérature française... Dans une uchronie pleine d'humour, il laisse libre cours à sa fantaisie.
Jean Dutourd - Rimbaud
Dans cette nouvelle, Jean Dutourd s'amuse à imaginer un Rimbaud devenu catholique fervent, marié richement et sous-chef de bureau au ministère des colonies.
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Maurice Druon- Giraudoux
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Jean d'Ormesson - Proust
Jean-Marie Rouart - Maupassant
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Gonzague Saint Bris - Balzac -
Le fond et la forme (3). Essai alphabétique sur la morale et sur le style
Jean Dutourd
- FeniXX réédition numérique (Gallimard)
- 22 Août 2020
- 9782307108467
J'aime bien m'occuper de ce qui ne me regarde pas. Cela signifie que j'ai un certain nombre d'idées sur des sujets qui ne sont pas de ma compétence, tels que l'avarice, le snobisme, la police, la flatterie, Denys tyran de Syracuse, Bélisaire général romain, Napoléon empereur des Français, M. Bonhoure premier gagnant de la Loterie nationale, etc. Cela a fini par former une espèce de dictionnaire philosophique, où les matières sont présentées par ordre alphabétique. Deux volumes ont déjà paru, celui-ci est le troisième. Il sera suivi, j'espère, de quelques autres. Au fond, mon ambition c'est de montrer l'envers des idées. Je m'estime comblé si je parviens à réussir mon numéro une fois sur dix.
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Le fond et la forme (2). Essai alphabétique sur la morale et sur le style
Jean Dutourd
- FeniXX réédition numérique (Gallimard)
- 22 Août 2020
- 9782307108474
Voici le tome second du "Fond et la forme", dictionnaire des idées de Jean Dutourd. Il est peuplé de toutes sortes de personnages inattendus : Mme du Barry, un général Peau-rouge, le roi Gasparin, MM. Bonbec et Lécuyer, un jeune homme intelligent et un peu naïf, le prince de Talleyrand, M. Mendès-France, le Dr Livingstone, les chevaliers du Moyen Âge. On voit également un volé discuter avec son voleur, un cancre se mesurer à un polytechnicien, et le philosophe Aristote haranguer Alexandre le Grand. L'auteur se donne beaucoup de peine pour expliquer que la litote est nocive, qu'il faut fuir la franchise, que les seuls gens sérieux sont les artistes, que le pire n'est pas toujours le meilleur ; qu'il est mauvais pour la santé de trancher des noeuds gordiens, et ainsi de suite.
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Galère
Jean Dutourd
- FeniXX réédition numérique (Les Granges Vieilles - Jean Gouttebaron)
- 4 Novembre 2019
- 9782307031123
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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La rencontre de Dutourd et du général De Gaulle en 1956.
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Oeuvres romanesques Tome 3
Jean Dutourd
- Flammarion
- Littérature française
- 18 Décembre 2013
- 9782081312258
OEuvres romanesques de Jean Dutourd, Tome 3. Contient :
Les horreurs de l'amour
Le séminaire de Bordeaux -
Dans ce livre, Jean Dutourd oublie ses contemporains en relisant les auteurs du passé : Celui qui a pour principale lecture celle des auteurs morts n'a pour amis, voire pour interlocuteurs, que des hommes supérieurs.
Il jubile avec La Vie de Rancé, de Chateaubriand : C'est mystérieux et savant comme les derniers quatuors de Beethoven.Il salue Paul-Jean Toulet, à propos des OEuvres complètes : Il enfonce Gide, Valéry, et quelques autres mastodontes. Il se réjouit en plongeant dans le journal de Boswell. Et réagit pareillement en ouvrant l'édition en trois volumes du Journal littéraire de Léautaud, Volupté de Sainte-Beuve, les romans de Kipling, la Vie de Rossini de Stendhal, Gobineau, Maurice Sachs, Conan Doyle, Vialatte ou Bernanos.
On oublie trop souvent que Dutourd, célèbre pour sa causticité et ses tableaux de moeurs, a écrit l'un des plus beaux livres de critique littéraire du siècle, L'Ame sensible. Avec Domaine public, qui prend la suite d'un autre recueil de chroniques littéraires, Contre les dégoûts de la vie, il instruit, amuse et régale son lecteur. C'est un merveilleux professeur qui donne envie de partager ses plaisirs. -
Il est difficile de trouver deux personnes qui se ressemblent moins que Jean Dutourd et Jean-Edern Hallier. On pouvait penser qu'ils ne seraient d'accord sur aucun sujet. Or, pas du tout. Sur ce qui est important - la littérature, le pouvoir et ceux qui l'exercent, la foi, quelques livres qu'ils ont écrits -, ils sont curieusement du même avis. Il en est résulté six dialogues, qui sont toujours drôles, et quelquefois profonds. L'un des causeurs est lyrique. L'autre serait plutôt moqueur. Cela fait des dissonances, auxquelles peu de lecteurs seront insensibles. Cela jette, également, des lumières imprévues sur deux écrivains très connus, et néanmoins très mystérieux.
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Les pensées
Jean Dutourd
- cherche midi (réédition numérique FeniXX)
- Les Pensées
- 12 Mai 2017
- 9782749144900
Dans tout écrivain français sommeille un numismate, dont l'ambition est de se constituer une collection de médailles, c'est-à-dire de ciseler des maximes - morales ou immorales. Les grands numismates de notre littérature s'appellent La Rochefoucauld, Vauvenargues, Rivarol, Joubert. Les romanciers aussi, sont des numismates, mais ils dissimulent leur collection dans leur oeuvre où, parfois, quelqu'un s'amuse à la retrouver et à la réunir. C'est ce qui a été fait pour Jean Dutourd. Et cela montre un aspect inattendu de cet auteur, qui plaît aux uns et hérisse les autres, en général pour les mêmes raisons.
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En 1952, Jean Dutourd avait décrit dans Au bon beurre un nouveau personnage : le crémier enrichi par le marché noir de l'Occupation, mais le BOF lui-même a cédé la place à tous les marchands de modernité.
Lassé de ne pas retrouver la société d'aujourd'hui dans la plupart des romans contemporains, Jean Dutourd a repris son bâton de pèlerin pour écrire les histoires qu'il aurait voulu lire, ce qui est très souvent le meilleur point de départ. Il a posé son chevalet - expression qu'il affectionne - et peint trois tableaux : Le Séminaire de Bordeaux, Portraits de femmes et L'Assassin.
On devrait accorder plus d'importance aux boutades, tout au moins les prendre pour ce qu'elles sont : une manière pudique et ourlée de dire sa vérité. Dutourd prétend qu'il est devenu écrivain - alors que sa première vocation était la peinture - parce que les fournitures de l'un sont moins onéreuses que celles de l'autre. La lecture attentive de son oeuvre démontre qu'il n'a pas cessé de peindre, notamment les chercheurs du CNRS (Le Séminaire...), les écrivains à succès (Portraits...) et les vedettes de l'actualité (L'Assassin), trois piliers - certes ni prolétaires ni épiciers - ô combien représentatifs de la société française contemporaine.
La Trilogie française, contrairement aux récits postbalzaciens, nous ouvre les coulisses de la France réelle. C'est bien dans la manière de l'auteur, toute wildienne, de décrire les contours pour aller à l'essentiel.
Alain Paucard -
Rosine est un bandit célèbre, le gangster le plus recherché de France. Il a plusieurs fausses identités, « le Canaque », « Tonio la Seringue » ou « Monsieur de Saint-Pons ». Il a aussi plusieurs planques, des complices dévoués et une maîtresse, Jeannette, qui se fait appeler « Sandra ».
L'éditeur Marcoussis, flairant le gros coup (un nouveau Papillon), décide de publier l% Mémoires de Rosine. Comment approcher le truand? Premier faux pas : Marcoussis annonce qu'il fournira un nègre. Le tueur en est ulcéré.
Un certain Boukhary arrangera les choses. C'est un « réfugié artistique », natif d'Europe centrale, qui s'est fait un nom dans la peinture d'avant-garde en peignant des robinets.-Marcoussis l'invite à déjeuner. L'homme a l'idée d'un intermédiaire: Rouquette, ancien compagnon de route des rebelles algériens. Il n'y a pas de plus grand bonheur pour un romancier que de peindre la société qui l'entoure, surtout quand elle ne ressemble pas à celle qui l'a précédée. Les bandits d'aujourd'hui sont différents de ceux de 1900, encore plus de ceux que Balzac a décrits. Ils sont représentatifs d'un nouvel ordre (ou d'un nouveau désordre), aussi bien que le millionnaire, l'affairiste, le député, le P.-D.G., la femme de ménage antillaise.
Le bandit qui est le héros de ce livre a, comme tous les Français, des prétentions littéraires. On conviendra que c'est un sujet de roman assez rare que les rapports d'un assassin homme de lettres avec un éditeur parisien. -
Vers l'âge de huit ans, je fis deux découvertes capitales : que les grandes personnes mentaient sans arrêt, mais que les livres rétablissaient la vérité. Les grandes personnes, par leurs leçons et leurs punitions, s'acharnaient à me faire voir le monde tel qu'il n'était pas. Les livres me le montraient tel qu'il était, c'est-à-dire comme je le voyais moi-même.
En outre, ils étaient délicieux car ils mettaient la vérité en musique. La vérité était du Mozart avec Voltaire, du Wagner avec Proust, du Beethoven avec Balzac, du Schubert avec Stendhal.
La passion du papier imprimé ne m'a jamais quitté, et je dirais presque comme Montesquieu : L'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé.
J.D. -
Depuis le mois de mai 1968, j'ai entendu et lu un grand nombre de bêtises sur divers sujets : la jeunesse, la France, le général de Gaulle, la révolte, le langage, les bourgeois, le progrès, etc.
Or il se trouve que j'ai, moi aussi, des idées sur ces sujets-là. Comme je ne les ai lues nulle part, je suppose qu'elles sont originales. Par exemple, je pense que la jeunesse est un néant, que la révolte est une blague, que le progrès est mort vers 1925, que la culture est une imposture, que la liberté est la chose que les hommes haïssent le plus au monde en dépit de leurs beaux discours, que la patrie est le seul bien des pauvres et que les peuples heureux ont un destin atroce.
Il est évident que ce livre est écrit pour les 50 personnes qui pensent comme moi. Les autres s'imagineront que je les traite de jocrisses et pousseront des cris
J. D. -
Les deux rubriques les plus célèbres de la presse française sont le dessin de Faizant dans le Figaro et la chronique de Dutourd dans France-Soir. Faizant, chaque année, publie un album de ses meilleurs dessins. Voici l'album de Dutourd pour 1981. La France est-elle vraiment une maladie ? Quand on est français, dit l'auteur, il ne se passe pas de jour que l'on n'éprouve une douleur quelque part. D'où l'expression naïve et ridicule : J'ai mal à la France . On n'imagine pas un Chinois disant qu'il a mal à la Chine, ni un Zurichois ayant mal à la Suisse. L'ouvrage est divisé en deux parties : Avant le 10 mai et Après le 10 mai , et traite principalement des événements que l'on sait selon une optique particulière. Exemple : C'est un régal pour le philosophe de voir un peuple d'amnésiques porter au pouvoir des gens qui n'ont jamais manqué une sottise. Ce régal, Jean Dutourd nous le fait partager. Il n'est ni polémiste ni pamphlétaire. Il parle de tout avec bonhomie, naïveté, moquerie, humour, sans jamais hausser le ton, et chacun de ses traits est meurtrier. Son secret consiste à aborder les sujets par un angle que personne n'avait soupçonné avant lui. D'où une surprise perpétuelle du lecteur qui voit qu'avec les idées de tout le monde et le simple bon sens de l'homme de la rue, on peut aller avec une vitesse fulgurante jusqu'au fond des choses.
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La gauche au pouvoir en France depuis 1981 nous a montré qu'il y avait quelque chose de plus bête encore que la droite la plus bête du monde : la gauche elle-même.Non seulement elle n'a pas manqué une seule stupidité, mais encore elle en a inventé, comme l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, l'Opéra de la Bastille, la pyramide du Louvre.Pour conserver son pouvoir, il ne suffit pas d'être bête. Il faut être bête et méchant. On l'observe avec diverses gauches quand on regarde vers l'Est. Le drame de la gauche française est qu'elle n'a pas assez d'énergie pour être méchante. Ainsi avons-nous, d'une certaine façon, de la chance.
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On a tout dit du Dr Watson, l'ami et l'historiographe de Sherlock Holmes. Tout sauf une chose évidente : que c'était un écrivain de génie. Il avait très exactement le génie de Conan Doyle. C'était un romancier de premier ordre, dont les récits ont un charme et une rigueur uniques. Que serait Sherlock Holmes sans lui ? Il l'a crée. Il en a fait un héros fabuleux comme Achille ou Don Quichotte. Savait-on que Holmes s'appelait en réalité Jeremy de son prénom ? C'est Watson qui a trouvé Sherlock.
A l'occasion d'une des enquêtes de son ami, il rencontre une jeune fille délicieuse, Mary Morstan, qui le voit tel qu'il est : beau, jeune, gentil, modeste, tout lumineux d'intelligence. Elle en tombe amoureuse, elle l'épouse.
Dans ses mémoires, elle raconte une foule d'aventures, et elle peint beaucoup de personnages qu'elle a connus : Oscar Wilde, entre autres, le professeur Moriarty, Mallarmé, Verlaine, Mrs Forrester qui a aimé Napoléon III et Holmes bien sûr, qui démêle de formidables énigmes.
Car ceci est un roman d'aventures, presque digne de ceux que Watson a composés, et peut-être avec quelque chose d'autre.