Si la comtesse de Ségur "s'entête à survivre" en cette fin de XXe siècle, si beaucoup d'enfants la lisent toujours, c'est bien parce qu'elle est un auteur à part entière qui parle à son public de façon adéquate. Marie-France Doray reprend le dossier critique des oeuvres de la comtesse, celles qu'on disait "à l'eau de rose". Elle fait découvrir la façon dont cet écrivain promène son jeune public dans un univers sans nostalgie où il n'est jamais question de restaurer l'ordre ancien. Qu'il s'agisse des sentiments familiaux, des rapports entre les sexes, des liens avec les étrangers, les domestiques ou même le peuple, l'enfant-lecteur ne se trouve jamais dans un univers clos mais déambule dans des structures peu rigides et très ouvertes. Au temps de Napoléon III, c'était sûrement une gageure ; aujourd'hui c'est ce qui permet de visiter avec plaisir cet espace romanesque. Nous sommes loin de la condescendance avec laquelle a été traitée l'auteur des Petites Filles modèles, loin encore des interprétations modernes d'une comtesse aussi sadique que divine. Madame de Ségur est une étrange paroissienne.