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Myriel
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Dans le grand naufrage européen du milieu du XXème siècle, la voix de Zweig reste encore aujourd'hui l'une des plus confondantes de lucidité. Très loin du novelliste romantique et distingué, toute une partie de l'oeuvre du dernier Zweig, homme en fin de vie, prisonnier des affres de son exil forcé, s'attache à décrire les bouleversements politiques de son époque.
Incipit Hitler est du nombre de ces textes bouillant d'actualité, textes sombres et lucides, réflexion d'un homme sur les violences de son temps et les coups portés par le destin. En préalable à sa démarche, il y a d'évidence une conviction : que les malheurs de sa propre vie servent à l'enseignement porté aux générations suivantes, qu'elles puissent comprendre grâce à cela comme elles sont chanceuses de vivre une époque apaisée et calme. Car Zweig, lui, n'eut point cette chance tout au long de sa vie. Ah certes, oui, il a conscience d'avoir grandi et prospéré dans une Europe parvenue au summum de son excellence civilisationnel, mais tout ça finira par être détruit par la folie des nazis.
Et ce drôle de titre de pouvoir s'expliquer très facilement après ça. Hitler ne vient pas de nulle part ; l'homme, à sa façon, eut du génie et nombre de talents. Et le plus utiles d'entre eux fut sans conteste la rouerie du personnage. Peu à peu, il fit s'enfoncer tout d'abord l'Allemagne puis l'Europe et enfin le monde. C'est cet ignoble naufrage dont Zweig nous parle ici.
Entre souvenirs et réflexions, Zweig dresse l'esquisse précise d'un abandon, celui de tout un continent à la folie destructrice d'un homme. Et pourtant, rien de tout ça n'était inéluctable, c'est dès le commencement, sitôt les bases de l'hitlérisme posées, pour chaque premier crime tenté ou exécuté que la vérité du mal était énoncée. -
1766 : L'affaire Sirven occupe toujours un Voltaire déjà plus que septuagénaire. D'Abbeville, arrive une rumeur : un jeune homme d'un peu plus de vingt ans, François-Jean Lefebvre de La Barre vient d'être exécuté pour blasphème et impiété : commence, pour Voltaire, l'affaire de La Barre. Ce dont fut accusé le jeune homme est presque insignifiant : il aurait tailladé une effigie du christ ; par le passé, le jeune avait déjà fait des siennes en refusant de retirer son chapeau au passage d'une procession. De La Barre, adolescent provocateur, esprit insolent ; comme il sied à son âge, n'a guère fait plus que cela.
Son dossier d'accusation repose sur la rancune d'un homme, le maire et enquêteur de la ville ; sur de la bêtise, sur du conservatisme, ainsi que sur quelques rumeurs ; sur les deux-cents témoins convoqués, seuls trois sont de vrais témoins oculaires. Qu'importe ! C'est à la condamnation qu'on le voue : sa mise à mort sera d'une barbarie sans nom. De La Barre reste dans l'histoire judiciaire française comme le dernier homme condamné pour blasphème. Voltaire, défenseur acharné de sa mémoire, de sa cause ; auteur restituant l'endurance de son calvaire a passé plus de dix ans de sa vie à plaider les louanges du martyr. Il en ressort un corpus de textes, de lettres, d'appels, de cris, de rage d'une terrible actualité. -
Mort précoce, penseur décisif, philosophe en rupture ; Spinoza cultiva les fulgurances en modernité. Inventeur de l'exégèse moderne, pionner en tolérance, c'est d'abord à la lumière de sa propre existence qu'il convient d'appréhender ses démonstrations en rationalité religieuse. Son verdict, implacable d'humanisme, lumineux d'intelligence ; moment d'exceptionnalité philosophique est simple tout autant qu'élaboré. Résumons-le, par sa conclusion : le fait religieux laissé aux commandes de notre devenir politique ne saurait apporter la concorde et la liberté. Pour Spinoza, tout est entendu, par l'étude des Religions, par l'exemple de leurs actions historiques : elles professent jusqu'à l'embrigadement bien plus qu'elles n'élèvent.
Pour que liberté se fasse, il faut à la politique se détacher des religions. Précurseur, l'auteur de l'Ethique, réclame l'instauration, pour de vrai, du fait laïc. Il poursuit même : pour que modernité advienne, il faut à cet Etat laïc les attributs de la Démocratie. Ainsi vivra la Liberté, par la concorde entre les façons de penser toutes aussi nombreuses qu'il y a d'hommes ; ainsi laissera-t-on prospérer l'audace intellectuelle de ceux que l'on voue, pour le moment, à l'excommunication, au retranchement. Démocratie réelle qu'engendre la Laïcité, avec, pour parachèvement le régime des Libertés. Triptyque philosophique indispensable à toutes modernités selon Spinoza. Démonstration géniale tout autant qu'universelle et moderne. Démonstration assurant à l'auteur de l'Ethique une sorte d'immortalité dont il convient, à travers ce texte, de relire les démonstrations. -
Histoire de Marie Antoinette
Jules De Goncourt, Emile De Goncourt
- Myriel
- 7 Juillet 1905
- 9782369460107
En 1858, quand paraît Histoire de Marie-Antoinette, le nom de Goncourt n'est encore qu'un balbutiement. Edmond n'a pas encore fait publier ses romans les plus célèbres. Ce n'est qu'après la mort de ce celui-ci, en 1896, que finira de paraître Le journal, oeuvre témoignage d'une vie et de son siècle.
Naturaliste, l'oeuvre des Goncourt, privilégie le document. Soucieuse de vérité, leur littérature réclamait une précision toute historienne. C'est très certainement là, dans l'oeuvre préparatoire aux livres qu'ils rêvaient d'écrire, que les deux frères ont pris goût à l'Histoire.
Pionnière, la biographie qu'ils consacrent à Marie-Antoinette est résolument moderne. Cernant à merveille les complexités du personnage ; ayant compris l'ironie cruelle du destin de Marie-Antoinette : femme capricieuse, icône superficielle, égérie triste ; puis, pour finir, héroïne courageuse lorsque sonne le malheur ; les deux frères dressent un portrait nuancé de la souveraine. En décalage avec son temps, femme mal à l'aise à la cour, conseillère mal inspirée de son mari, Marie-Antoinette ne cessa d'être en décalage, vis-à-vis de ses contemporains, puis, plus tard, vis-à-vis de ses commentateurs.
Amoureux du personnage, au sens littéral du terme ; soucieux de réhabilitation ; inclinant, par idéologie, vers les thèses royalistes ; les frères laissent à la postérité un livre terriblement actuel. Femme maltraitée par sa propre naissance, fillette tout juste bonne à marier, reine légère, femme se sauvant par la maternité, héroïne suicidaire et suicidée, c'est ce portait que dresse les deux frères. À contre-courant des livres la faisant ange ou diablesse ; bien plus subtils que tous autres biographes avant eux, Edmond et Jules Goncourt révolutionnent complètement ce qu'il faut penser de ce personnage légendaire. -
Lire Swift, c'est un peu lire l'humour à la manoeuvre. Poète, écrivain, essayiste, polémiste, théologien de formation, homme que la politique embauche, plus grand satiriste anglophone, Swift excellait en bien des domaines. A le lire, on devine ses colères, on se noie dans ses interrogations. Il y a comme un désespoir se débattant chez cet homme qui souvent choisit l'ironie, le second degré, l'arme de la dénonciation de nos ridicules travers. Ainsi militait Swift, ainsi écrivait, pensait-il : par le biais moqueur visant à faire rire en égale proportion de ce qu'il convient d'avoir à faire penser. Swift transgresse,... en permanence. C'est une envie faite habitude que cela chez lui. Preuve en seront les cinq textes associés dans ce recueil : La bataille des livres, Résolution pour le jour où je deviendrai vieux, Irréfutable essai sur les facultés de l'âme, Pensées sur divers sujets moraux et divertissants, Instructions aux domestiques.
A chacun de ces textes une humeur, à tous l'humour en combattant. Le troublant humanisme d'un homme nous rappelant à nos égalités, s'attachant à relever nos saisissantes similitudes ; pour évidente philosophie. -
Les chaînes de l'esclavage, Marat par lui-même
Marat Jean-Paul, Hemmelrich Clement
- Myriel
- 7 Janvier 2015
- 9782369460183
Le Marat révolutionnaire, l'homme haranguant, le politicien combattant, ce sont là les images qui nous restent du personnage. Mais avant cela, avant la Révolution, il y eut Marat l'homme de révolte, le théoricien de ses refus. Bien que scientifique de formation, Marat a très tôt fait d'écrire. De tous ses écrits prérévolutionnaires, il en est un qui condense toute sa pensée, c'est Les chaînes de l'esclavage. Tour à tour historien, théoricien du droit, précurseur des questions fiscales, philosophe du politique, Marat fait montre dans ce texte d'une capacité d'analyse proprement remarquable. Ses intuitions y sont lumineuses. C'est toute la révolution s'annonçant, celle qui se déclenchera quinze ans après qu'il en eût écrit l'inéluctable avancée, que Marat prophétise. Sa démonstration court, débouchant sur des conclusions sans appel, comme toujours avec notre homme. Interrogation sur le rôle de l'Etat, ode à l'esprit libertaire, proclamation des nécessités de la rébellion citoyenne : l'homme tranche, il s'engage... résolument. Précurseur des grandes théories anarchistes du XIXème siècle, Marat fait histoire, avant même que celle-ci ne le fasse. Ajoutons que ce livre comporte également deux autres textes : Tableau des vices de la constitution anglaise ; ainsi que Marat par lui-même, une autobiographie de l'auteur.
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Homme aux talents divers, esprit fécond, auteur en bien des genres : poète, journaliste, apologiste, essayiste, romancier, Chesterton brilla également dans le genre policier, au point, encore aujourd'hui, d'être un précurseur évident de la littérature policière. Dans Éloge du genre policier, Chesterton a plusieurs axes de réflexion. Recueil de trois articles, Éloge du genre policier est un formidable argumentaire des richesses et subtilités qu'exige l'art d'écrire ce type d'intrigue. Son rédacteur y passe tout en revue, des techniques pour constituer son intrigue, des astuces relevant le suspense d'une histoire, de l'importance de se montrer précis, engagé, riche en informations à l'attention du lecteur. En reste une défense brillante d'un genre injustement méprisé, oui certes, mais pas uniquement, Chesterton prenant soin d'intégrer sa plaidoirie à une plus vaste question : la défense de ce qui plus généralement se qualifie « littérature populaire ».
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Vie de Beaumarchais, le parcours d'une vie (1732-1799)
Alphonse Aulard, Edouard Fournier
- Myriel
- 8 Juillet 1905
- 9782369460756
Tour à tour féru d'histoire, de géographie, d'urbanisme, de littérature ; Edouard Fournier, auteur aux talents multiples, livre avec Vie de Beaumarchais un texte passionné. Tout a été dit de l'auteur du Barbier de Séville ; et pourtant, Fournier, pointilleux, homme exhaustif, fait tenir sa Vie de Beaumarchais par une somme de détails n'oubliant rien de son sujet. C'est que Beaumarchais, homme à la vie multiple, auteur adulé de son vivant, esprit ne se désintéressant de rien, riant de tout, homme qui s'était rêvé en plein de vies, méritait bien ça. Vie joyeuse, existence profuse que celle de Beaumarchais. Lorsque le siècle entame sa dernière décennie, voilà qu'il ne reste plus que dix ans à vivre à Beaumarchais, mort en 1799 tout juste. Ces dix dernières années du siècle (1789-1799), décennie éminemment politique, double lustres des plus importants historiquement, ne pouvant être, pour lui, autre chose qu'une source d'intérêt fécond. C'est ce que nous montre Alphonse Aulard en annexe au texte de Fournier. Il nous montre comment la Révolution, ses attentes, ses espoirs, ses étonnantes possibilités, comment tout ça fascina et anima le Beaumarchais finissant. Ainsi fut la dernière audace du « hardi moqueur », comme le nomme Aulard, celle de « vouloir gouverner ses concitoyens après les avoir fait rire. »
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À la confluence entre littérature, diplomatie et engagement politique, Lamartine a cultivé l'ambivalence des vocations. Président de conseil général, conseiller municipal, député, ministre, candidat à une présidentielle ; poète, dramaturge, romancier, historien fécond, témoins plume à la main des combats de son temps, Lamartine a tout été, poussant l'engagement au maximum de ses implications, la multiplicité des incarnations militantes pour preuve incontestable à ses convictions.
Acteur de premier plan lorsqu'éclate Février 1848, il a tiré de cet épisode, marquant, sans conteste, son apogée politique, un livre : Histoire de la révolution de 1848 ; y offrant avec talent et rigueur ses convictions d'homme d'action, d'écrivain, d'humaniste et d'historien.
Moins long, toujours soucieux d'engagement ; la précision des faits, l'exhaustivité événementielle pour obsessions, ce second tome est porteur d'une grande lucidité, l'homme Lamartine s'y devinant mieux.
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S'immergeant entièrement dans le monumental Guerre et Paix, Réflexions sur l'Histoire et ses écritures est la plus formidable somme écrite par Tolstoï sur sa vision de l'Histoire. Fondamental et fondateur, ce texte met à jour un Tolstoï philosophe, un homme inquiet également ; individu tachant de tout nous dire de ce qu'il fait entendre par action des hommes en politique, mais aussi par devenir historique. Mis en épilogue à Guerre et Paix, il s'agit également d'une implacable démonstration de tout ce que le grand écrivain a voulu dire, a voulu donner à voir, à comprendre, à restituer, de la grande Histoire au travers de sa maitresse-oeuvre.
En reste un texte puissant, un texte en un sens consolateur, démontrant tout de ce que sont nos responsabilités, de comment agissent nos illusions, mais aussi de ce qu'il faut entendre par « volonté à l'oeuvre » dans les grands soubresauts du monde, lorsque s'accomplit ; de façon tout annoncée, conclut Tolstoï, l'Histoire de l'humanité.
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Survivante pour toute une famille, pour toute une époque même : celle des vestiges de l'Ancien Régime, Marie-Thérèse-Charlotte de France est la seule enfant vivante de Marie-Antoinette et Louis XVI au sortir de la Révolution française et de l'Empire. Orpheline, enfant-prisonnier, exilée pendant presque vingt ans, l'Histoire fut tout sauf douce pour cette femme qui revint en France au début de la Restauration. Adulée par le camp royaliste, qui l'instrumentalisa quelque peu, spectre rappelant un régicide, comme un vestige malencontreux du passé, pour les libéraux ; Marie-Thérèse restera toute sa vie fidèle à la mémoire de ses morts et de sa famille. C'est avec exception qu'elle parla de ses parents. C'est ce qui fait toute la richesse de ce document : Marie-Thérèse, tout juste âgée de 13 ans en 1791, parle de ce dont elle se souvient de la fuite de Varennes. Froide, sensible au plus petit détail, à toutes ces choses qui font revivre le passé et ses fantômes, Marie-Thérèse raconte ici, de l'intérieur, l'un des évènements les plus importants de l'histoire de France.
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Tout ou presque a été dit du Tolstoï militant mais notre connaissance intime de ses combats reste encore terriblement imparfaite. Tolstoï eut tellement de rage et d'emportements qu'une simple énumération de tous ses engagements parait impossible. Pacifiste, amoureux des beautés de la nature, homme féru d'égalité et d'éducation, esprit rationnel, être mystique, père, mari ; les vies de Tolstoï ont été multiples.
Mais que savons-nous réellement de son refus militaire et de ses convictions religieuses ? Très peu de choses à vrai dire. Car chez Tolstoï, tout fait sens. Les chemins de sa révolte ne cessent à chaque fois de se rejoindre. Si ce monde l'effraie, c'est par son militarisme forcené. De même, s'il voit dans la société monarchique une évidente injustice, c'est parce qu'elle classe les hommes et qu'elle les humilie. Et à chaque fois que la révolte se lève, qui envoie-t-on pour tenir cet affreux système en place ? Eh bien, les militaires !! Chez Tolstoï, le militarisme, c'est ce qui rend l'injustice politique pérenne, c'est ce qui la sauve du peuple en colère. Ce sont les -
Essentielle à la compréhension du XVIIe siècle, La Fronde demeure un évènement politique complexe à étudier. Pourtant, Voltaire, tout à la rédaction du siècle de Louis XIV n'hésita pas à relever le défi. En une économie de mots, conteur fabuleux d'intelligence et d'érudition, Voltaire cerne tous les tenants et aboutissants de la grande révolte nobiliaire que connût la régence d'Anne d'Autriche.
Les rapports de pouvoir, les attentes de la noblesse, l'intelligence manoeuvrière de Mazarin, les trahisons des uns, les espoirs bafoués des autres, les périls ayant traumatisé le jeune roi, le tableau des idées, des écrits, des croyances que le grand évènement engendra ; Voltaire brasse tout pour son oeuvre d'historien. Entre littérature et réflexion, son idéal politique du despotisme éclairé toujours à portée de démonstration, Voltaire écrit sur un autre siècle pour mieux penser le sien. En ressort un livre exceptionnel, sans conteste l'un des plus aboutis à avoir été écrit sur la question. En ressort un classique, tout simplement.
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Dans l'effervescence prérévolutionnaire, Condorcet fit paraître Sentiments d'un républicain. Lui, homme aux talents multiples, tour à tour mathématicien, haut fonctionnaire, acteur primordial du débat politique pendant le ministère Turgot, philosophe et libelliste, livre avec Sentiments d'un républicain son point de vue sur les Etat-Généraux à venir. Noble, progressiste, féru des Lumières, bien que conservateur, lui qui craint que l'envie de réforme n'aille trop loin, exprime avec ce texte ses craintes, ses espoirs et ses attentes. Prophétique, érudit, lucide, ambitieux et convainquant en diable, Condorcet fait montre avec ce texte d'un sens politique hors-norme. À bien des égards, Sentiments d'un républicain est un texte révolutionnaire, c'est ce qui se fit de plus annonciateur de la Révolution que nombre des contemporains du génial marquis sentaient poindre.
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Historien militant, professeur émérite, formidable vulgarisateur, Alphonse Aulard ne fit jamais secret de l'admiration qu'il voua à Danton. L'éloquence, l'énergie, l'intelligence, la force, la conviction, l'envie, le courage, il n'est pas une qualité supposée manquer au grand révolutionnaire pour notre auteur. En atteste ce Danton, éloquence et révolution, formidable texte vulgarisateur et livre militant. Pour Aulard, verdict est posé : Danton est la révolution et cette dernière s'incarne en lui. Danton a l'éloquence dite du grand évènement. Lui seul incarna l'espoir, l'envie, l'énergie que la Révolution réclamait. Danton mérite une réhabilitation, le comprendre revient à l'admirer. Aulard est cet homme par qui Danton nous est tout à la fois expliqué, découvert, compris et admirable.
Il n'est aucun texte d'histoire qui parle si grandement de Georges Jacques Danton que celui-ci.
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On connaît tout de l'oeuvre romanesque et épistolaire de George Sand. Son engagement féministe et sa participation à l'histoire des femmes sont également très connus. Mais ce serait oublier un autre engagement très fort de la romancière : ses convictions socialistes. Début 1848, lorsque la Monarchie de Juillet vacille déjà, Sand nourrit l'espoir d'un socialisme enfin porté au pouvoir. Lorsqu'éclate la révolution de Février, elle pressent que le grand moment est enfin arrivé. Pour Sand, il y a là une chance historique pour la France, pour les femmes et pour le peuple, bref pour l'humanité entière.
Militante convaincue, femme d'action, Sand décide alors de prendre faits et causes pour la révolution de Février. Elle fonde un journal : La Cause du peuple. Il sera son don à l'Histoire ainsi qu'un point de ralliement, par-delà même les siècles, pour tous ceux rêvant d'émancipation des foules. La Cause du peuple est tout entier voué à la défense du Socialisme et à l'éducation des masses. Dans ses colonnes, Sand écrit encore et encore tout ce qu'elle espère pour l'avenir.
En atteste, ces deux lettres écrites pour encenser la révolution, le peuple, l'humanité et la démocratie. Ces textes sont aujourd'hui indispensables à lire pour comprendre une grande partie de l'oeuvre de Sand. -
On ne présente plus guère l'oeuvre politique et militante de Jean Jaurès. Mais, concernant son oeuvre intellectuelle, force est de constater que sa profusion la rend complexe à connaître dans son ensemble. Et pourtant, quelques grands textes de l'ancien député du Tarn contiennent à eux seuls l'essentiel de sa pensée. Questions de méthode est au rang de ces textes qui en une demi-centaine de pages exposent les conclusions de toute une oeuvre.
Questions de méthode pose les principes du combat jauressien pour l'instauration d'une République socialiste. Pour cela, Jaurès y convoque ses grands ainés. Il y ferraille avec les présocialistes, les républicains du premier XIXe siècle et bien sûr avec les révolutionnaires de 1789. Il entend s'avouer leur héritier. Pour son grand projet socialiste, Jaurès démontre qu'il est indispensable d'interroger la pertinence de ce qu'ils nous ont laissé. Car nombre de leurs espérances n'ont pas encore trouvé à se réaliser. Le Socialisme, lui, s'y emploiera.
Si deux méthodes s'affrontent dans le corps de son argumentaire, c'est évidemment que toutes ces affirmations viennent à l'encontre de l'héritage marxiste. Car pour Jaurès, le diagnostic est posé. Il est tranchant et sans appel. Marx et Engels, et par ricochet ceux s'en réclamant, ont tort pour tout ce qui touche à la question de l'héritage révolutionnaire. Si l'avenir du Socialisme est une question de méthode pour lui, c'est parce qu'il faut refuser Marx sur cette question.
Questions de méthode, c'est un peu l'anti Manifeste du Parti communiste. C'est un texte de combat et un appel. Par et pour lui, Jaurès vise un Socialisme soucieux de démocratie. Il pense que le progrès social peut passer par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Avec ce texte, Jean Jaurès fonde la Social-démocratie. Il pense par avance le Socialisme des siècles d'après. Question de méthode frappe l'âme. C'est un texte exceptionnel de modernité et de prévenance.
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Au regard des âpres combats de Jaurès, il devrait exister une distance infinie entre lui, chantre des réalités concrètes et du matérialisme, et Luther, homme de spiritualité. Mais ce serait mal connaître la profonde modernité du docteur de la foi protestante ainsi que l'exceptionnelle ouverture d'esprit de Jaurès que de penser comme ça. Ce serait, tout autant, oublier l'incessant va-et-vient entre politique et philosophie dans le Jaurésisme, là où le Luthérianisme fut souvent une conciliation espérée entre impératif de révolte et aspirations métaphysiques.
La révolte et l'insatisfaction face à l'ordre du monde, voilà bien les deux traits de caractère partagés entre nos deux hommes autorisant, par-delà les siècles, leur rencontre et leur dialogue. Et Jaurès d'encore un peu confirmer le mimétisme de leur tempérament par une savante énumération de leurs points de convergence. Pour cela, le théoricien socialiste se livre à une lecture érudite de l'oeuvre du théologien allemand. Refus de l'exploitation de nos misères, souci d'égalité, primat de la justice, exigence de culture, y compris et surtout pour les plus faibles, révolte contre les puissants, universalisme de la rédemption et des vocations : il y a tout ça dans le Luthérianisme qui le rapproche du Socialisme.
Le verdict tombe, dès lors ! Toutes ces passerelles, posées par-delà les siècles, enjambant l'Histoire et les incompréhensions, sont autant d'arguments donnant crédit au Socialisme. Car, nul doute que l'intention cachée de Jaurès est essentiellement là. Si Luther fut cet annonciateur du Socialisme, ou le Socialisme cette grande idée reprenant les aspirations les plus humaines de la religion (la réciprocité étant évidente), c'est bien la preuve que le Socialisme est un humanisme ; c'est la forme moderne des combats de toujours. -
Hanté par les complexités de l'Histoire de France, persuadé que ce grand labyrinthe inavoué avait sa cohésion et ses logiques, Michelet consacra plus de six années de sa vie à l'étude de la révolution, évènement-matrice et surgissement-roi expliquant toute l'histoire de France récente, assurément.
À maintes reprises, il se montre on ne peut plus définitif sur l'importance que revêt l'évènement. Pour lui, la Révolution française, c'est tout à la fois un parachèvement et une rupture, là est sa nature toute paradoxale. Parler d'accident la concernant ne pourrait se comprendre qu'à la simple interrogation de ses formes et aucunement en réponse à l'étude de ses forces d'action, de cette somme d'énergie folle que la société française y déversa. Et Michelet de conclure de la façon la plus convaincante qui soit : la Révolution française, c'est la France d'aujourd'hui qui s'enfante et se précise (et ce qu'importe le moment à rebours duquel nous interrogeons les conséquences de l'évènement.)
Pas étonnant, dès lors, que Michelet consacra un soin extrême à nous restituer dans toute sa complexité la chute de Robespierre en Thermidor an II. Circonscrit sur une simple décade, son récit passionnant donne à voir le complexe écheveau des complicités ayant précipité la chute de l'Incorruptible. Au final, une conclusion manifeste et cruelle. Celle tenant tout entière dans les logiques cadençant l'implacable logique de cette tragédie à taille humaine. Complexe après ce que nous en démontre Michelet, d'admettre que Robespierre pouvait survivre à la terrifiante machine.
Ce récit de l'exécution politique d'un homme se lit comme un roman triste : celui des violences et cruautés que les hommes, parfois, pensent légitimes de s'infliger. Aucun historien venant à la suite de Michelet ne sut raconter avec autant de force et de précision cet épisode décisif de l'histoire de France. -
Victor Hugo, écrivain que la grande Histoire hante, écrivit plusieurs fois sur Waterloo, la bataille-mère du XIXe siècle européen. L'Expiation, poème écrit en plein exil, fut l'une de ses premières occasions ; Hugo ne s'offrant pas alors le voyage jusqu'à Waterloo même. Mais, après les emportements du Romantisme, après Les contemplations, La légende des siècles tout juste amorcée, Hugo décide, en 1861, de se rendre enfin sur les lieux mêmes de la bataille pour se faire une idée de l'endroit, pour tout nous raconter du grand évènement, des impressions présentes à en conclure, du déroulement de la bataille même, jusqu'à ses conséquences politiques. Monument en érudition, littérature visant l'exhaustivité, Waterloo est, sans conteste, l'un des plus grands textes jamais écrits sur la fin de l'Europe napoléonienne.
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Maître-ouvrage, livre essentiel, tour de force intellectuel, les qualificatifs abondent pour encenser ce texte inégalé, livre essentiel à la compréhension de toute une oeuvre et jusqu'aux moindres subtilités possibles d'une discipline majeure.
Trois tomes couvrant plus de deux-mille cinq-cents ans d'histoire intellectuelle, 2500 pages d'un condensé rare de savoir, entre intuitions pédagogiques et preuves d'une exhaustion proprement confondante ; il n'est pas un penseur, pas une idée ou un courant intellectuel que Bréhier n'aborde dans cet ouvrage indépassable.
Publié pour la première fois en version numérique dans toute sa longueur, Histoire de la Philosophie est plus que jamais un indispensable pour les passionnés de sciences humaines et philosophiques. -
Il y a chez Paul Valéry une ambition de totalité que son Regards sur le monde actuel incarne à la perfection. Ce livre expose bien plus qu'une pensée, il illustre une démarche, comme une vocation ; le lire revient à mettre à jour l'essence même de son auteur.
Poète, citoyen engagé, diplomate, professeur, théoricien ; il n'est rien que cette exceptionnelle intelligence n'osa aborder. Entre création et réflexion, esprit ambitieux voulant tout esthétiser, Valéry traversa le monde en esprit lucide, en chercheur de sens.
La Politique nous guide par l'abus et l'Histoire est souveraine sur les questions touchant à notre devenir ; c'est fort de ces deux principes qu'il se lance dans la rédaction de Regards sur le monde actuel. En ressort un livre confondant de lucidité. Le grand théoricien comprend tout, il explique tout.
Car le monde se fragilise, sous nos yeux qui ne voient rien ou si peu. Face à l'autoritarisme, d'évidence, la Démocratie ploie et ce sont nos libertés qui, immanquablement, fluctuent. L'Homme, dans le grand tourbillon, vacille et s'illusionne, forcément. Il prend pour intemporel ce qui ne l'est pas : pour vaincre ses fragilités, il s'ancre à de longs dérivants. Valéry ne voulut en rien faire acte de pessimisme avec ce texte, il voulut simplement prévenir.
Son avertissement raisonne encore de nos erreurs, presque quatre-vingt-dix ans après sa formulation. Oui, les civilisations sont nos tombeaux !! Il est illusoire et vain de les croire intemporelles. L'Homme, créateur du fond intellectuel de ce monde, là est son bon côté, son honneur même, peut tout autant s'en montrer le destructeur.
Et Valéry le sent tout autour de lui ce grand principe de destruction. Lorsqu'il écrit sa prémonition, l'Europe se croit Olympe. Elle a moins d'une décennie de bonheur devant elle.
Et tout ça, Valéry le pressent... -
Jaurès exigea l'impossible et il pensa et étudia tout pour y parvenir : partisan du fait historique en politique, le député du Tarn n'eut de cesse de travailler l'histoire de France pour mieux comprendre son temps et ainsi en corriger les injustices, par l'engagement politique.
C'est à cette aune qu'il faut comprendre la gigantesque entreprise intellectuelle que constitua son Histoire socialiste de la France contemporaine. OEuvre collective de près de quinze-mille pages, il était évident que c'est à Jaurès lui-même qu'irait échoir la période de la Révolution française. Homme du XIXème siècle finissant, Jaurès garde chevillé au corps une conviction indépassable : en France tout s'envisage à la lumière du grand chamboulement politique de la fin du siècle précédent. Tenter une histoire socialiste de la Révolution française, c'est ainsi dresser un état des lieux de son idéal philosophique et c'est, à l'évidence, avancer un peu plus l'esquisse du grand projet politique qui est le sien.
Ouvrage majuscule, à la confluence des disciplines, entre histoires positiviste ou singulières, philosophie, littérature ou politique ; il n'est rien que Jaurès n'ignore. Histoire des femmes, histoire coloniale, histoire des masses révolutionnaires, histoire de l'esclavage et de ses abolitions, tout y passe, littéralement, et c'est à une synthèse lumineuse d'érudition qu'il s'attèle. Son Histoire socialiste de la Révolution française est du nombre des livres précurseurs dont il convient de prendre la mesure.
Publié pour la première fois dans son intégralité en format numérique, Histoire socialiste de la Révolution française est en tout point un ouvrage indispensable à la compréhension d'un pan essentiel de l'histoire mondiale.