Solveig se remettra-t-elle de cette rencontre avec Maxime ?
Solveig est jeune, solitaire, idéaliste. Elle a encore tout à apprendre, tout à découvrir. En choisissant d'effectuer un stage hors du cocon familial, elle se décide enfin à déployer ses ailes et prendre son envol... Mais elle est loin d'imaginer les bouleversements qui s'annoncent !
Elle rencontre Maxime dans le train et c'est un raz de marée dans sa vie. Elle ne connait rien de lui, pourtant elle est prête à le suivre, prête à tout tenter, à tout risquer. Mais une jeune fille inexpérimentée peut tomber de haut. C'est après que tout se joue. Quelle voie emprunter : passer à autre chose ou plonger à nouveau ?
Avec ou sans lui, il faudra bien trouver la force de se relever et d'aller de l'avant...
Une histoire d'amour qui saura vous attendrir !
Comment des mémoires traumatiques multiples, ancrées dans différentes guerres et devenues concurrentes, peuvent se retrouver dans un récit commun ? Comment réconcilier la mémoire et l'histoire ? Marc André trouve une réponse dans l'histoire de Montluc, une prison marquée par les violences du XXe siècle et les compétitions mémorielles du XXIe siècle. À rebours des logiques concurrentielles révélées lors de la transformation de la prison en Mémorial en 2010 entre les porte-paroles des détenus sous l'occupation allemande, reconnus, et ceux de la guerre d'Algérie, écartés, le livre explore la manière dont la prison a permis aux expériences passées et présentes d'entrer en résonance, d'une guerre à l'autre. Après 1944, des responsables nazis et des miliciens sont emprisonnés à côté d'anciens résistants hostiles à la colonisation ; un militant communiste est enfermé pour sa critique de la guerre d'Indochine dans la cellule même où il était détenu sous Vichy ; des victimes de Klaus Barbie soutiennent des Algériens raflés, torturés, condamnés à mort et finalement guillotinés ; des cérémonies se tiennent devant les plaques commémoratives de la seconde guerre mondiale et servent à condamner la guerre coloniale. Ces collisions temporelles favorisent le scandale et forgent des solidarités imprévues entre les victimes de différentes répressions. En nous immergeant dans cet espace où les ombres dialoguent, ce livre nous permet de saisir l'ensemble des événements, des pratiques et tout simplement des vies qui ont convergé et fait de Montluc une prison pour mémoire.
Faire l'état de la recherche de ces dernières décennies sur les liens entre religions et classes sociales revient pour partie à documenter une absence. Cette éclipse est toutefois relativement récente, car la question a longtemps constitué un classique en sciences sociales. L'articulation entre appartenance religieuse et appartenance de classe est-elle devenue si discrète ou à l'inverse si évidente qu'elle passerait désormais sous nos radars ? Les onze enquêtes qualitatives réunies dans cet ouvrage renouent avec ce champ d'investigation. Elles interrogent nos manières de voir (ou de ne pas voir) ces liens et invitent à approfondir l'analyse au-delà des affinités électives apparentes, en portant le regard vers les superpositions, les désajustements et les tensions entre religions et classes sociales. À travers une immersion dans des contextes historiques, des aires géographiques, des traditions religieuses et des groupes sociaux très divers, les contributions démontrent l'actualité de ces questionnements et leur pertinence pour comprendre la fabrique des frontières sociales et la reproduction des inégalités. La finesse des analyses empiriques et la rigueur du cadre théorique font de cet ouvrage un incontournable pour les étudiants et chercheurs en sciences sociales ainsi que pour tous les professionnels qui croisent les questions de religion et de classe dans le cadre de leurs activités.
Saisir les discours de haine, voire les discours de radicalisation, constitue un enjeu majeur dans nos sociétés contemporaines qui doivent à la fois lutter contre le rejet de l'autre et garantir la liberté d'expression. Face à cette tâche complexe, cet ouvrage tente de montrer combien, au-delà d'un discours de haine directe qui s'exprime à travers des actes de langage de condamnation (provocation, menace, insulte par exemple) ou la volonté d'anéantissement d'une altérité, le discours de haine dissimulée est à considérer du point de vue des idéologies en circulation, des rapports de pouvoir et des « mémoires discursives ». Il a donc recours à de nombreux procédés rhétoriques qui demandent à être explicités. À partir de données d'actualité, étudiées selon des analyses argumentatives ou discursives qui illustrent les propos théoriques développés, cet ouvrage présente sous forme de fiches un large éventail de notions qui témoignent de la diversité des discours de haine. Ces fiches, qui sont relativement courtes et qui se font écho, donnent à comprendre ce qui se joue au sein même des discours de haine ou de radicalisation.
Cet ouvrage est une invitation à entrer dans la boîte noire des algorithmes, non pas d'un point de vue technique, mais de sociologie politique. La multiplication des données disponibles en ligne, couplée au progrès de l'intelligence artificielle, ont-ils des effets sur les manières de gouverner ? Les algorithmes peuvent-ils « prédire » les comportements des citoyens ? Comment sont fabriqués ces algorithmes, dits prédictifs, et par qui ? Sont-ils neutres et objectifs ? Quels sont les enjeux sociaux, éthiques et politiques, liés à l'exploitation des données ? Et quelles sont les stratégies commerciales et marchandes à l'oeuvre ? Peut-on encore protéger nos données ? Derrière l'exploitation des données, il y a bien des visions du monde. Il s'agit alors de penser l'algorithme comme un objet politique et social, produit par des acteurs et issu de commandes privées et désormais aussi publiques. Ces lignes de codes et de calculs complexes ne peuvent être dissociées de leurs conditions de production : elles sont encastrées dans un ensemble organisationnel et professionnel spécifique et portées par des intentions et volontés politiques. À travers une série d'études de cas et l'apport d'enquêtes empiriques poussées et inédites, ce volume permet de saisir en contexte comment sont utilisées nos données et quelles sont les influences possibles sur les modes de gouvernance et les prises de décision. La force de cet ouvrage, à la croisée de la sociologie économique, du droit, des sciences politiques et de l'informatique, est de poser les bases d'une sociologie politique des données et du numérique, visant à dépasser et déconstruire les mythes et les croyances véhiculées par le big data.
Grande voix de la philosophie américaine du vingtième siècle, Stanley Cavell (1926-2018), héritier de Wittgenstein, s'est attaché sa vie durant à élargir le champ de la philosophie aux arts au service d'une philosophie du « langage ordinaire ». Jeune philosophe, nommé professeur à Harvard, il explora dans un séminaire d'esthétique, vingt ans avant Deleuze, le lien entre philosophie et cinéma. De Frank Capra à George Cukor, Terrence Malick, Arnaud Desplechin ou les frères Dardenne, un fil court, celui des lectures philosophiques de Stanley Cavell et des films qu'elles ont inspirés. Peu d'oeuvres philosophiques ont autant marqué la création cinématographique et le champ des études cinématographiques que celle du philosophe de Harvard. De son chef-d'oeuvre de 1971, La projection du monde, à ses derniers écrits sur le mélodrame, l'autobiographie et la critique, en passant par son livre sur la comédie hollywoodienne des années 1940, cet ouvrage éclaire l'ensemble de sa pensée. Il donne aussi la parole à trois cinéastes qui l'ont connu et qui ont été inspirés par ses écrits : Luc Dardenne, Arnaud Desplechin et Claire Simon. Il se penche, enfin, sur le lien que Cavell a entretenu avec Terrence Malick à Harvard dans les années 1960, jetant les bases d'une pensée du cinéma qui prend son départ dans notre expérience aussi bien collective qu'intime des films. Cette expérience qui nous unit ou nous rapproche des autres. Et qui nous permet aussi, plongeant en nous-mêmes, de nous éduquer.
La Phénoménologie de l'esprit, parue en 1807, est un ouvrage singulier par son projet, sa forme, et la variété des sujets qu'il aborde. Il contient des développements célèbres concernant ce qu'on a appelé la « dialectique du maître et de l'esclave », la « conscience malheureuse » et la « belle âme », notamment. Bien que ces thèmes appartiennent à la culture commune et qu'ils se retrouvent aujourd'hui à tous les niveaux de l'enseignement philosophique, de la terminale à l'agrégation, aucun ouvrage collectif n'avait encore été publié en français qui se donne pour tâche de guider la lecture de ce chef-d'oeuvre hégélien dans son intégralité. Rédigé par des spécialistes de Hegel, cet ouvrage suit pas à pas le cheminement de la Phénoménologie de l'esprit. Chaque contribution est consacrée à un chapitre ou une partie de chapitre dont elle propose un commentaire synthétique accessible. Par-delà l'objectif premier, aider à découvrir ou approfondir la Phénoménologie de l'esprit, il s'agit de restituer la diversité des appropriations philosophiques dont cette oeuvre foisonnante a fait l'objet depuis sa parution et d'inviter les lecteurs et lectrices à en explorer la richesse inépuisable.
L'école de la rue de la Brèche-aux-Loups, l'asile d'Armentières, les adolescents placés sous main de justice à Lille, le réseau de La Grande Cordée, les autistes des aires de séjour des Cévennes : durant plus de soixante ans, Deligny a construit un travail autour de l'enfance en marge. Un travail qui lie de manière indissociable théorie et pratique, occasions et tentatives, écriture et cinéma. Non pas tant pour aider ces enfants à rentrer dans le rang ou à s'adapter, mais pour construire avec eux des conditions d'existence différentes, en dehors ou en travers des institutions. Son chemin croise la philosophie avec insistance : parce qu'il lit les philosophes, discute leurs thèses, parfois dialogue directement avec eux ; parce que les philosophes, de plus en plus, se découvrent interrogés par cet itinéraire, ces écrits, ces détours. Par une pensée à la fois de l'immuable et de la circonstance ; par un regard qui s'avère - en un sens inusuel - profondément et autrement politique.
Selon une thèse largement répandue, Schiller serait l'héritier et le continuateur de Kant, et les Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme représenteraient le témoignage de son adhésion créative au kantisme par la conception d'une relation nouvelle entre la théorie et la pratique. L'ouvrage prend le contrepied de ce lieu commun. Il s'efforce de renouveler l'interprétation du texte de Schiller et montre en particulier l'influence de la philosophie populaire précritique, et notamment de sa composante anthropologique. La conjonction de ce registre avec une lecture singulière de l'esthétique kantienne se révèle caractéristique d'une forme de pensée qu'on peut qualifier de réformisme conservateur et dans laquelle on doit voir la matrice du libéralisme politique qui naît au début du XIXe siècle. Par sa lecture philologique serrée, ce livre s'adresse tout autant aux spécialistes de la pensée kantienne et post-kantienne qu'aux étudiants recherchant une introduction aux Lettres de Schiller.
Qu'est-ce qui dresse le cinéma contre les accélérations du tout numérique ? Les aurores après la tempête ne se voient plus que sur les écrans des salles de cinéma. Numérisés, les capitaux et les catastrophes détruisent le monde des matins tranquilles. La guerre est dans le temps. C'est à la chaîne que le numérique fabrique du virtuel, du mirage, de la monnaie de singe. En ce monde-hologramme, il n'est plus ni corps ni chair, les mains ne caressent plus rien, les blessures elles-mêmes sont factices. Cette nuée d'images nous dérobe le réel et peu à peu impose le désert des hommes et des choses. Contre la violence des exils, la salle de projection n'est-elle pas la dernière demeure de l'humain ? Face à la démultiplication des écrans, l'hypervisibilité, la transparence, comment le cinéma peut-il encore préserver sa part d'ombre et rester une arme critique ? Jusqu'où la révolution numérique n'est-elle pas en train d'affecter l'expérience esthétique et morale du cinéma, et au-delà, notre civilisation ?
Pourquoi revenir à Norbert Elias, alors que son oeuvre est désormais canonisée et que le sociologue allemand est inscrit au panthéon des sciences sociales, aux côtés d'Émile Durkheim, de Max Weber, de Talcott Parsons ou de Pierre Bourdieu ? Parce que cette reprise s'impose aujourd'hui comme une nécessité. Celle-ci tient, simultanément, à l'état de la discussion académique actuelle au sein des sciences sociales et à l'état des sociétés politiques dans lesquelles nous vivons. Les deux sont, pour Norbert Elias, inextricablement liés. Ce volume est consacré à l'explicitation de ce nouage auquel sa sociologie apporte une contribution inégalée. Celle-ci ne s'éclaire que si l'on consent à admettre que Norbert Elias effectue le geste sociologique, dans son intégralité, tel qu'il a été conçu et forgé par les fondateurs de la discipline. Et ce geste suppose de replonger les outils conceptuels de la sociologie dans le cadre ample de ce qu'Elias nomme le problème général de l'évolution historique. Trop souvent parcellisée, parfois malmenée, son oeuvre nous offre pourtant des ressources indispensables pour fonder le travail sociologique dans l'objectivité des mécanismes qui travaillent nos sociétés modernes et dans la normativité sociale sous-jacente à l'activité qu'elle génère en s'imposant tel un espace de contraintes et d'opportunités. C'est alors que la sociologie de Norbert Elias se fait politique, science des dynamiques socio-politiques et levier d'émancipation, indissociablement.
Les peintures, gravures, sculptures et objets mobiliers découverts, en particulier depuis Altamira, célèbre grotte ornée d'Espagne et véritable chef-d'oeuvre de l'art paléolithique, ne cessent d'interroger chercheurs, artistes et grand public. Comment penser cet « art avant l'art », ces oeuvres des origines auxquelles nous attribuons une valeur esthétique mais dont la réalisation est antérieure et irréductible au concept d'art qui est le nôtre aujourd'hui ? Il convient pour cela de dégager les traits fondamentaux de ce paradigme préhistorique qui a paradoxalement résonné avec l'art moderne. On examinera quel traitement du geste, de la figuration, de l'espace et du mouvement a été source d'inspiration et de renouveau pour les artistes, de Picasso à Moore. L'ouvrage défend l'hypothèse que le Paléolithique force à reconsidérer notre définition de l'art, de ses fonctions et de ses significations, de ses débuts et de son histoire. Les réflexions inédites proposées par des spécialistes en philosophie, histoire, histoire de l'art et littérature s'adresseront à tous les passionnés de l'art et de ses théories.
L'histoire semble aller de soi. Pourtant, prononcer « l'évidence de l'histoire », c'est aussitôt ouvrir un doute. L'évidence est le fil conducteur de ces pages qui interrogent le statut du récit historique, l'écriture de l'histoire, la figure de l'historien, hier et aujourd'hui, de la Méditerranée antique à la France de la fin du xxe siècle. Depuis Hérodote, l'histoire est devenue une affaire d'oeoeil et de vision. Voir et dire, écrire ce qui s'est passé, le réfléchir comme un miroir : tels ont été quelques-uns des problèmes constituant l'ordinaire de l'historien. Les nombreuses reformulations modernes ont poursuivi ce travail sur la frontière du visible et de l'invisible. Parvenir à la vue réelle des choses, en voyant plus loin et plus profond. Mais, avec la fin du xxe siècle et la domination du présent, cette forte évidence de l'histoire s'est trouvée mise en question. Quel rôle pour l'historien face au « défi narrativiste », à la montée du témoin, à celle du juge, et alors même que mémoire et patrimoine sont devenus des évidences ?
Nous ne pouvons manquer d'être frappés aujourd'hui par la référence au terme et à la notion de « valeur(s) ». Évaluer c'est tout à la fois s'affirmer et s'exprimer, mais aussi se signaler sur une mappemonde sociale et politique, autrement dit s'exposer au double sens du terme comme le suggère Bernard Harcourt à propos des réseaux sociaux. Évaluer serait le nouvel avatar des technologies de pouvoir à l'ère digitale. Toute pratique de résistance, dès lors qu'elle se fonde sur la revendication et sur la promotion d'une (autre) axiologie, ne s'inscrirait-elle pas dans le jeu qu'elle entend dénoncer ? N'est-ce pas la possibilité même d'une résistance qui semble exclue ? À moins, peut-être, de déconnecter le jugement de la préférence. À moins, peut-être, d'admettre des valeurs indépendamment de l'appréciation subjective qu'en font les individus. C'est ce que se proposent de faire les stoïciens en leur temps et c'est à cette pensée stoïcienne de l'évaluation - reformulée ici en termes de « dispositif d'évaluation » - que le présent ouvrage s'intéresse. Il s'agit de savoir à quels concepts et à quelles pratiques spécifiques les stoïciens hellénistiques puis impériaux font référence en parlant de valeur et de jugement et comment ces deux aspects s'articulent, ce qui implique d'aborder des thématiques aussi riches que l'axiologie et la psychologie, la théorie de l'action et la doctrine des passions. Outre l'intérêt d'une telle analyse eu égard à l'absence de travaux spécifiquement consacrés à la question de la valeur au sein des études stoïciennes, cette enquête entend avoir aussi une portée philosophique susceptible de contribuer à la critique de nos manières de penser et d'agir.
La théorie physique. Son objet, sa structure, l'ouvrage majeur de Pierre Duhem en philosophie des sciences, a mis plus d'un siècle à devenir un classique. Mais on n'en retient le plus souvent que quelques passages, comme la critique des expériences cruciales ou le refus du mécanisme, qui est compris comme une espèce d'explication métaphysique. Bien d'autres questions de philosophie de la physique y sont pourtant abordées : l'usage des modèles, la construction des grandeurs, la question de l'approximation, le rapport entre mathématiques et physique, l'usage de l'histoire dans l'enseignement de la physique. Pour expliquer les raisons pour lesquelles la réception de cet ouvrage a été différée, cette nouvelle édition s'ouvre par une présentation inédite des différents contextes intellectuels et politiques dans lesquels Duhem et ses thèses ont été lus au xxe siècle. Une bibliographie oriente les lecteurs dans la littérature secondaire consacrée à Duhem. Chaque chapitre bénéficie de nombreuses annotations qui permettent de reconstituer la genèse de cet ouvrage, de le situer par rapport à la philosophie et aux sciences de son temps et de comprendre la progression des arguments.
On sera sans doute déçu si l'on cherche au XVIIe siècle les prémisses d'une éthique animale. Les « bêtes brutes », comme on les appelle alors, sont exclues de la sphère des obligations, et pas seulement par quelques cartésiens mécanistes. De nombreux auteurs soutiennent que les bêtes sentent, ou qu'elles ont une âme qui n'est pas trop différente de la nôtre, ou encore qu'elles sont dotées de raison, les prenant parfois même comme point de comparaison afin de rabaisser l'orgueil humain. Nombreux sont ceux qui s'indignent de la cruauté à leur égard, et d'autres vont jusqu'à leur reconnaître des droits. La diversité des positions, des représentations et des arguments coïncide donc assez rarement avec les accusations adressées de nos jours à l'âge classique. Tous ne sont pas cartésiens, et la « théorie » de l'animal-machine est peut-être un petit peu plus que l'effet d'un préjugé. Aucun pourtant n'envisage de lien éthique, moral ou juridique avec les bêtes. Paradoxalement, les plus affranchis de tout anthropocentrisme leur accordent des droits, mais affirment le plus radicalement l'absence de lien éthique avec les bêtes. Lire ces oeuvres d'un autre âge à l'aune d'une question qu'elles ne pouvaient pas formuler permet d'inquiéter les évidences qui sont les nôtres, et d'y trouver des ressources pour poser et résoudre des problèmes qui n'étaient pas les leurs.
Dossier : Quelles perspectives le tournant « naturel » de l'anthropologie impulsé par Philippe Descola a-t-il ouvertes dans les études sur l'Antiquité ? Le dossier offre une approche comparée questionnant la dichotomie nature/culture à Babylone, dans le judaïsme tardo-antique, dans les mondes grecs et romains. Varia : L'iconographie des Amazones. La phantasia chez Aristote et Philostrate. Les mathématiques militaires grecques et les écoles romaines. La nature chez Euripide. La sexualité de la Pythie. Le théâtre romain et le nô japonais.
En moins de vingt ans, l'édition en sciences humaines et sociales a été considérablement bouleversée. Tout a été réinventé : le marché du livre s'est transformé, le cadre légal a été radicalement modifié, la publication et la lecture en ligne ont connu un formidable essor, l'écriture même des sciences humaines s'est métamorphosée. Face à ces révolutions intellectuelles, techniques et socioéconomiques d'une ampleur inégalée, en faisant dialoguer éditeurs privés et publics, économistes, documentalistes, libraires, juristes, traducteurs, chercheurs, cet ouvrage collectif offre à celles et ceux qui se préoccupent du destin de l'édition en sciences humaines et sociales un premier bilan, à la fois clair et lucide, des changements survenus depuis le début du XXIe siècle.
Les sciences sociales peuvent-elles décrire la vulnérabilité, l'incertitude, la solitude ? Pour répondre à cette question, Michel Naepels, assumant sa position d'auteur, adopte dans ce livre une approche pragmatique et s'interroge sur le rôle du chercheur et le statut du témoignage qu'il suscite, à partir d'enquêtes menées dans des zones de conflits et de troubles, et de lectures à la fois anthropologiques, philosophiques et littéraires. Au lecteur qui se demande quelle est la place de celui ou celle qui enquête dans des situations de détresse, cet essai propose une anthropologie politique renouvelée de la violence, de la prédation, du capitalisme. Il endosse un point de vue, celui de la vulnérabilité et de l'exposition à la violence, en prêtant attention aux subjectivités, aux émotions et aux pensées des personnes qui y sont confrontées. Il s'agit d'articuler l'exploitation de l'homme et de la nature avec la construction de soi, de penser dans le sensible, avec la douleur, malgré tout.
Contre une lecture simpliste de l'anti-hégélianisme qui caractérise les oeuvres de Louis Althusser et de Michel Foucault dans les années 1960, l'ouvrage propose un parcours dans les textes de jeunesse de ces philosophes pour mettre au jour l'ancrage hégélien de leurs problématiques. À l'aide de nombreux documents d'archives et d'une lecture minutieuse de l'évolution intellectuelle d'Althusser et de Foucault, cet ouvrage cherche à montrer comment ces derniers ont élaboré leur pensée à travers une critique immanente de l'hégélianisme. La compréhension renouvelée de la raison, du sujet et de l'histoire qui s'est développée dans la philosophie française des années 1960 nous apparaît dès lors de manière nouvelle : loin de s'être construite unilatéralement contre Hegel, la formidable réinvention philosophique qui a eu lieu à cette époque est née d'un dialogue, conflictuel mais fécond, avec l'oeuvre hégélienne. Le sens et la vision que nous avons de la philosophie française du second XXe siècle dans son ensemble s'en trouvent ainsi profondément transformés. Jean-Baptiste Vuillerod est agrégé et docteur en philosophie. Il a publié Hegel féministe. Les aventures d'Antigone (Vrin, 2020), Adorno et la domination de la nature (Amsterdam, 2021) et a notamment dirigé le dossier « Spinoza révolutionnaire ? La lecture de Gilles Deleuze » aux Archives de philosophie (2021). Il a également assuré l'édition scientifique du texte de Jacques Martin, L'individu chez Hegel (ENS Éditions, 2020).
« Égalité parentale », « justice sexiste ! ». Régulièrement, des hommes se perchent en haut de monuments pour brandir, quelques heures durant, des pancartes affichant ces slogans. Ces mobilisations, visibles un peu partout dans le monde, s'élèvent contre une justice familiale qui serait défavorable aux hommes du fait qu'elle organiserait massivement la résidence des enfants chez leurs mères, après la séparation des parents. En quoi ces mobilisations peuvent-elles nous éclairer sur les enjeux contemporains des transformations familiales et plus précisément sur la régulation judiciaire de la parentalité post-conjugale ? À la lumière d'une enquête de terrain au sein de groupes de pères séparés, Aurélie Fillod-Chabaud montre combien ces mobilisations peuvent s'inscrire dans une mouvance réactionnaire et antiféministe, critiquant par essence la « féminisation » de la société et des grands corps de l'État. Cet ouvrage, issu d'une thèse de doctorat en sociologie, propose une analyse inédite des mobilisations de pères séparés, dans une perspective comparative (France-Québec), grâce à une enquête de terrain menée durant plusieurs années auprès de groupes de pères séparés. Il montre de manière implacable l'ancrage réactionnaire et antiféministe du mouvement des pères séparés.
Comment refonder la démocratie après le nazisme ? Par où commencer dans un pays rasé, occupé et divisé ? Sur quelle expérience s'appuyer ? En 1945, une poignée d'hommes et de femmes politiques aguerris, ayant survécu à la guerre et aux persécutions, entreprit de rebâtir les institutions. Ce livre retrace le parcours de trente-quatre fondateurs de la démocratie ouest-allemande, députés élus au Reichstag avant 1933 et au Bundestag après 1949. Leur expérience de l'effondrement en 1933 et de la dictature nazie les mua en démocrates attentifs et favorisa leur engagement après 1945. Leurs récits entremêlés offrent une lecture inédite du tumultueux XXe siècle allemand. Ils témoignent de la continuité de la tradition démocratique allemande par-delà le nazisme. Cet ouvrage intéressera toutes celles et tous ceux qui s'interrogent sur la culture politique outre-Rhin, mais aussi sur la fragilité constitutive de la démocratie.
On n'a longtemps connu le nom de Jacques Martin qu'à travers la dédicace par laquelle Louis Althusser lui rendait hommage dans Pour Marx, où il reconnaissait sa dette envers son ami à propos du concept de problématique. Le mémoire de Martin sur Hegel (Remarques sur la notion d'individu dans la philosophie de Hegel), rédigé en 1947 sous la direction de Gaston Bachelard, révèle toute l'importance qu'il eut pour la pensée d'Althusser, mais aussi pour celle de son autre ami à la rue d'Ulm, Michel Foucault. Non seulement le texte de Martin présente une interprétation forte de la philosophie hégélienne, en montrant que Hegel aurait préfiguré, avant Marx, la critique de l'individu bourgeois, mais cette lecture couplée de Hegel et de Marx lui permet de mettre au jour un certain nombre de concepts et de thèmes qui seront déterminants pour la philosophie française des années 1960 : les concepts de problématique et de surdétermination, le thème du transcendantal historique, la critique de la lecture idéaliste de la dialectique hégélienne. Le mémoire de Jacques Martin s'avère ainsi être une pièce essentielle de la genèse de la philosophie française du second xxe siècle. Jacques Martin (1922-1963) est un philosophe français, ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, et proche ami de Louis Althusser et de Michel Foucault. Il a notamment traduit en français L'esprit du christianisme de Hegel (1948, Vrin).
L'art contemporain indien s'est pleinement inséré dans les dynamiques institutionnelles et marchandes globales qui ont suivi la libéralisation économique des années 1990 en Inde. Carrefour commercial et culturel en Asie depuis la fin du XIXe siècle, Bombay, devenue Mumbai, s'affirme alors comme la capitale du marché de l'art contemporain indien. C'est à travers cette industrie plus discrète que Bollywood mais tout aussi globalisée que l'ouvrage invite à découvrir, ou redécouvrir, l'une des plus grandes métropoles d'Asie. Prenant pour point de départ le quartier des galeries d'art et des musées au sud de la ville, l'auteure nous entraîne dans une géographie de l'art contemporain complexe et méconnue qui met en lumière de multiples réseaux d'ateliers et de travailleurs invisibles, installés dans les quartiers industriels où les oeuvres sont fabriquées. À partir d'une approche en géographie sociale et culturelle s'appuyant sur une dizaine d'années de terrain en Inde, cette recherche ouvre sur une analyse critique des métropoles culturelles des Suds, plus attentive aux espaces et acteurs hors cadre ainsi qu'aux rapports de pouvoir liés aux contextes socioéconomiques locaux et globaux.