John Dewey (1859-1952) est un des piliers du pragmatisme. Au centre de cette tradition, il y a l'enquête, c'est-à-dire la conviction qu'aucune question n'est a priori étrangère à la discussion et à la justification rationnelle.
Dewey a porté cette notion d'enquête le plus loin : à ses yeux, il n'y a pas de différence essentielle entre les questions que posent les choix éthiques, moraux ou esthétiques et celles qui ont une signification et une portée plus directement cognitives. Aussi aborde-t-il les questions morales et esthétiques dans un esprit d'expérimentation - ce qui tranche considérablement avec la manière dont la philosophie les aborde d'ordinaire, privilégiant soit la subjectivité et la vie morale, soit les conditions sociales et institutionnelles.
Dans L'art comme expérience, la préoccupation de Dewey est l'éducation de l'homme ordinaire. Il développe une vision de l'art en société démocratique, qui libère quiconque des mythes intimidants qui font obstacles à l'expérience artistique.
"Je détruirai l'ordre établi, qui sépare le plaisir du travail, qui fait du travail un fardeau et du plaisir un vice, qui rend un homme misérable par indigence et l'autre par surabondance."
Wagner (1813-1883), né au crépuscule de l'épopée napoléonienne, traverse son siècle en artiste, en révolutionnaire, en aventurier. Confronté à quelques penseurs essentiels - Schopenhauer, Nietzsche -, associé au destin de son pays, l'Allemagne dont il fut longtemps banni, hanté par le projet d'une oeuvre gigantesque que, poète, compositeur et homme de théâtre, il finit par mener à bien, il n'a cessé de déclencher les passions et de les vivre lui-même, qu'elles soient politiques, esthétiques ou amoureuses. Adulé par Louis II de Bavière, ami, rival et gendre de Liszt, honni par certains, admiré par Baudelaire, Shaw, Thomas Mann et Valéry, mais aussi un des initiateurs de la pire dérive du XXe siècle, il est un titan dont l'existence fut le plus haletant des romans.
"Mon piano, c'est, pour moi, ce qu'est au marin sa frégate, c'est ce qu'est à l'Arabe son coursier, plus encore peut-être, car mon piano, jusqu'ici, c'est ma parole, c'est ma vie ; c'est le dépositaire intime de tout ce qui s'est agité dans mon cerveau aux jours les plus brûlants de ma jeunesse ; c'est là qu'ont été tous mes désirs, tous mes rêves, toutes mes joies et toutes mes douleurs..."
Virtuose adulé tant par son charisme que par sa musique, écrivain, artiste cosmopolite épris de progrès social, compositeur prolifique, inventeur du récital de piano solo et des master classes, Franz Liszt (1811-1886), figure flamboyante du romantisme, né d'un père hongrois et d'une mère autrichienne, est le pianiste le plus influent du XIXe siècle. Sa liaison secrète et passionnée avec la comtesse Marie d'Agoult, mère de ses trois enfants, leur fuite en Suisse, son mariage impossible avec une princesse russe, son amitié orageuse avec son gendre, Richard Wagner, son retour à la religion durant lequel il se fait ordonner prêtre, tout en continuant de jouer bénévolement, de composer et de prodiguer ses cours, font de sa vie un roman.