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Gallimard
-
La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules
Philippe Delerm
- Gallimard
- L'Arpenteur
- 27 Avril 2012
- 9782072186769
«C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher.
Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie.» -
Marie Talbot.
Femme, paysanne, bâtarde.
Sculpteur.
Une des plus grandes artistes du XIXe siècle dont on découvre seulement aujourd'hui le talent.
Sa matière : le grès, une argile particulière, utilisée par les potiers du Berry. Une terre qui, à la cuisson, devient dure comme la pierre. Rebelle à toute coloration. Brute. Éternelle.
Marie Talbot va inscrire dans cette matière sauvage ses idéaux, ses blessures, ses combats. Elle choisit de représenter les femmes. Toutes les femmes. D'inscrire dans la durée leurs luttes, leurs souffrances et leurs espoirs.
Ses sculptures sont quasiment le seul témoignage de la vie de Marie Talbot.
La poète aux mains noires lui donne enfin une voix et un visage.
Dans ce texte inspiré et au moyen de la fiction, Ingrid Glowacki tente de percer le mystère de cette oeuvre puissante. Elle donne à ce destin de femme et d'artiste la place qui lui revient.
Universelle. -
Figures de proue : Ces yeux de la mer
Claudio Magris
- Gallimard
- L'Arpenteur
- 12 Juin 2024
- 9782073001825
La passion de Claudio Magris pour la mer, déjà manifeste dans plusieurs de ses livres, apparaît de nouveau au grand jour dans cet essai splendide qu'il consacre aux figures de proue des anciens navires. Soutenu par une immense culture et le souvenir de visites dans de nombreux musées de la Marine, ce livre nous emmène vers des horizons lointains qui sont aussi ceux de l'Histoire, de la littérature et des mythes. Les figures de proue étaient censées conjurer les dangers et les maléfices de l'élément marin. Sculptures aux traits féminins de sirènes, de déesses ou de créatures réelles, elles étaient les yeux de la mer, fixant sans trêve les profondeurs que le regard des navigateurs devait s'abstenir de longuement sonder.
Pour Claudio Magris, la relation des humains avec la mer est de celles qui peuvent donner lieu à une expérience du sublime. Et le regard de la figure de proue est celui de la stupeur, de l'épouvante et de l'enchantement, d'où naissent la poésie, la magie des choses vues pour la première fois ou comme si c'était la première fois. -
Sigmund Freud a souffert d'un cancer qui détruisait sa mâchoire. Les seize dernières années de sa vie, il a dû porter une lourde prothèse ; censée l'aider à parler, elle lui blessait la bouche et restait souvent bloquée. Ainsi, celui qui avait inventé un dispositif pariant sur les mots pour libérer l'homme, celui-là se trouvait empêché de parler. C'est un fait mal connu, y compris des psychanalystes.
Depuis ma pratique du divan, je m'interroge sur la place que les intelligences artificielles prennent sur les territoires de la parole. Nous utilisons de plus en plus souvent un jargon technique : notre bouche est pleine de mots informatisés, de termes froids et blessants. J'ai fait la connaissance d'un ingénieur de recherche qui travaille chez Google sur la simulation de la parole. Il m'a raconté son métier, je lui ai parlé du mien. Pour comprendre, j'ai appris à programmer un réseau de neurones artificiels. Je vais vous raconter ma rencontre avec les savants fous de la parole, avec les Frankenstein du langage que nous sommes tous devenus.
Y. D. -
Fodé et Bouhel sont des frères jumeaux sénégalais que la vie a mis sur des chemins initiatiques différents. Fodé doit reprendre la charge spirituelle de veiller sur le Ndut du pays sérère après la mort de Ngof, le maître des initiations. Pour cela, il devra apprendre à transcender toutes les limites physiques. Sortir de son corps et devenir souffle. Bouhel part étudier en Europe. Il se retrouve à Orléans et y rencontre Ulga, une jeune étudiante polonaise. Une histoire d'amour le mène en Pologne où sa vie bascule. Il sera occupé à une lente remontée à la surface. Du pays sans fin, les ancêtres suivent du regard les tribulations de Fodé et de Bouhel sur leur chemin d'apprentissage. Les personnes rencontrées - Ulga, frère Tim, Ngof, Marème, Martha, Vladimir, Na Adama - et les lieux traversés - le pays sérère, la Poméranie, le cloître du Marmyal, la prison de Mokotów, le pays sans fin - sont autant de vigies qui accueillent ces marcheurs partis à la rencontre des lieux qu'habitent leurs rêves. Comme des feux follets, ceux-ci se dérobent parfois et réapparaissent au détour d'une sente.
Déambulation poétique sur l'amour, la mort, la transmission et l'apprentissage, Les lieux qu'habitent mes rêves est un roman sur la métamorphose, la fraternité, la guérison et les chemins qui mènent à l'apaisement. -
Prix Orange du Livre 2024.
12 avril 65 après Jésus-Christ, dans les environs de Rome.
Des soldats en armes envahissent la villa de Sénèque, porteurs d'un ordre de l'empereur : le philosophe doit se donner la mort.
Sénèque écrit alors une ultime lettre à son ami Lucilius, dressant pour lui le bilan de sa vie. Durant quinze années, il a été le précepteur, puis le conseiller, puis l'ami de celui qui exige désormais sa mort : l'empereur Néron.
Parce qu'il vit ses dernières heures, Sénèque peut enfin tenir un discours de vérité sur son élève. Dans cet ultime moment d'introspection, le philosophe interroge la réalité du pouvoir, mais affronte aussi ses propres erreurs et sa compromission.
L'Ami du Prince raconte comment Sénèque s'est retrouvé prisonnier d'un idéal de l'Empire, de ses illusions et d'un jeune homme imprévisible dont la vraie nature s'est révélée peu à peu.
Après Vincent qu'on assassine et Un instant dans la vie de Léonard de Vinci, Marianne Jaeglé fait revivre le stupéfiant face-à-face entre un philosophe épris de vertu et un jeune tyran sans merci. -
Aimer sans savoir, être sans comprendre
Frederika Amalia Finkelstein
- Gallimard
- L'Arpenteur
- 26 Octobre 2023
- 9782073030160
Argentine, un jour de printemps. La narratrice se souvient des vacances passées dans la famille de sa mère lors de son enfance. Aujourd'hui âgée de trente ans, elle ne peut revenir à Buenos Aires sans penser à son rapport passionnel et irrésolu avec ce pays, où son grand-père polonais avait trouvé refuge pour fuir les persécutions en Europe et où sa mère fut élevée. Terre d'exil, de recommencements, l'Argentine est une nation qui accueillit toutes les cultures, toutes les ruptures, telle la fameuse place de Mai où se déployèrent les grandes manifestations de sa bouillonnante existence.
Dans ce roman fiévreux, traversé par un style lumineux, Frederika Amalia Finkelstein interroge l'impact de l'Histoire et des événements intimes sur le destin des vies : géographie, langues, mémoire, appartenance, vide, liberté. Il s'agit ici d'une quête poétique sur le mystère d'être soi et d'être de quelque part. -
À Trieste et dans ses environs, mais aussi dans le Piémont et au bord du Danube, un écrivain au sommet de son art déroule ici cinq histoires sur le thème de la vieillesse. Cet âge de la vie pourrait-il receler une forme de bonheur et de liberté secrète ? C'est un temps où l'horizon se resserre, mais où l'attention aux épiphanies des choses immédiates nous ouvre à un rapport différent au mouvement du monde. La vieillesse, aux yeux de Claudio Magris, est aussi un temps de retrait et de furtive dissidence face à la part de comédie sociale qui accompagne nombre d'entreprises humaines. Entrelaçant le dit et le non-dit, l'ambiguïté et l'ironie, les nouvelles de Temps courbe à Krems varient les éclairages sur la "guérilla de la vieillesse", une bataille infime mais de longue portée, toujours menée à bas bruit. L'autre grand thème du livre est celui du temps et de ses énigmes, de son mouvement qui conduit aussi bien vers la source que vers l'embouchure. Le recueil prend l'aspect d'un petit kaléidoscope déroulant cinq histoires d'une admirable richesse dans la perception des destins et la connaissance de l'humain.
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Claudio Magris a rassemblé dans Instantanés un bouquet de textes brefs qui lui ont été inspirés par une chose vue, un événement de la vie quotidienne ou un fait d'actualité relevé dans la presse. La plupart de ces microrécits se déroulent en Italie, plus particulièrement à Trieste et dans ses environs, mais il en est qui nous transportent sous d'autres latitudes, de la Scandinavie à l'Inde, de Moscou à New York et au Grand Nord canadien. Certains « instantanés » ont trait aux relations intimes entre les êtres, d'autres concernent un épisode de l'histoire du XXe siècle, d'autres encore touchent à des questions de société et aux modes de vie de nos contemporains. Chez Claudio Magris, la description d'une scène saisie sur le vif offre toujours une résonance éthique et philosophique. Ce sont d'une certaine manière des « leçons de vie » que prodigue ce livre, mais sans que l'auteur se mette dans la situation d'exercer un pesant magistère. Au contraire, un mélange unique s'opère dans ces brèves vignettes entre le sérieux du propos et les nuances de l'humour. La gravité et la légèreté font ici si bon ménage que l'on est conquis par ce petit livre captivant et savoureux.
Claudio Magris, né à Trieste en 1939, est essayiste et romancier. Ses ouvrages sont traduits dans le monde entier. Il est notamment l'auteur de Danube, Le Mythe et l'Empire, Une autre mer, Utopie et désenchantement, Microcosmes, À l'aveugle et Classé sans suite. -
Un instant dans la vie de Léonard de Vinci : et autres histoires
Marianne Jaeglé
- Gallimard
- L'Arpenteur
- 20 Mai 2021
- 9782072938467
La mule que Leonardo tient par la bride trébuche, s'ébroue et souffle. Depuis qu'ils ont passé Lyon, la route est à la fois plus fréquentée et plus facile. Il n'empêche que deux mois de voyage ont fatigué les bêtes et les hommes aussi.
"J'étais encore dans l'atelier de Verrocchio, à cette époque, commence Leonardo. Je m'en souviens comme si c'était hier..."
D'Homère à Picasso et Lee Miller, de l'Antiquité au XXIe siècle, du Japon à l'Amérique en passant par l'Europe, vingt et un artistes vivent sous nos yeux un tournant dans leur existence, un moment décisif pour l'élaboration de leur oeuvre.
Dans la lignée de son précédent ouvrage Vincent qu'on assassine, consacré aux deux dernières années de la vie de Van Gogh, l'auteur montre à travers ces nouvelles les plus grands créateurs aux prises avec les instants qui scellent leur destin. -
Des atmosphères raréfiées et surréelles servent de cadre aux récits de Dépouillée. En suivant cette touche légère qui distingue le réalisme magique de Dario Franceschini, nous rencontrons des hommes étourdis par l'immensité de la mer, nous nous perdons dans le brouillard qui enveloppe la grande plaine, nous découvrons des souvenirs et des amours lointains, nous voyons les histoires à travers les yeux de leurs protagonistes. Sans se départir d'un fin sourire de tendresse ou d'ironie, Dario Franceschini observe le monde ordinaire d'un regard oblique, décentré. Il lui suffit de peu de mots pour suggérer beaucoup, son art est celui d'une magie sans ornements.
Plusieurs récits de Dépouillée se concentrent sur les âges les plus fragiles et sans doute les plus riches de l'existence : l'enfance et la vieillesse. Peut-être, nous dit l'auteur, est-ce dans les choses les plus simples de la vie que se cache le bonheur. -
À Saint George, dans l'Utah, l'été 1957 marquera les esprits à tout jamais. Pour soutenir les essais nucléaires pratiqués dans le désert voisin du Nevada, la ville organise le concours de beauté Miss Atomic. Pour Tom, treize ans, et ses deux amis, la vie prend des allures de fête. Maxine, sa soeur, s'inscrit au concours tandis que les trois garçons ne ratent aucune occasion d'assister aux explosions qui, vues de loin, présentent un spectacle grandiose et fantastique. Mais les réjouissances tournent court. Les adolescents seront confrontés aux douleurs de la vie et à la violence des adultes, dans un monde où les températures montent déjà et où la nature s'étiole et se dégrade.
Ce roman décrit avec originalité et force les dangers du nucléaire et ses conséquences sanitaires dramatiques, qui ne pèsent rien face au cynisme des hommes d'État. -
"Yaya avait fini par relever la tête et l'éclat bleu de son oeil était venu se ficher dans la rétine de Mauve. Huit secondes et demie à se fixer et à sonder leurs âmes, à se reconnaître sans pourtant jamais s'être vus, et voilà c'était ainsi, ce jour était fait pour arriver et le grand bazar de la folle amitié, à la vie à la mort, commencer."
Dans un monde qui n'est pas à la hauteur de leur espoir, Mauve, Yaya, Mahdi et Sékouba se réfugient dans leurs souvenirs et se construisent de formidables univers imparfaits. À l'ombre de leurs existences suspendues, comment retrouver le goût de l'enfance, des rêveries et des rituels, le goût de l'imagination et de la liberté ? Au volant d'un taxi, dans l'acte d'écrire, de dessiner ou d'apprendre, chacun tente de faire face, de trouver une respiration, une manière de vivre qui lui corresponde. Voici de ces êtres dont les solitudes se croisent et s'accordent, le temps d'une éclaircie. -
'Un soir, alors qu'elle escaladait sans assurance une paroi des calanques plus raide et plus haute que les autres, elle avait soudain réalisé l'absurdité de la chose. Le rocher était friable. Elle se mettait bêtement en danger. Si une prise cassait, elle rebondirait le long de la paroi et disparaîtrait dans la mer. Elle réalisa que, depuis son départ, elle avait inconsciemment cherché à imiter Tom, à rejouer sa vie, en empruntant une voie qui n'était pas la sienne.
Cette prise de conscience l'amena à ralentir, à s'extraire d'un rythme devenu frénétique et aveugle, pour faire face au vide et à l'absence.'
À la mort de Tom, Emily repart en quête de l'essentiel pour ne pas perdre pied. Son enfant, sa famille, des amis qui l'aiment et la soutiennent lui permettent de retrouver goût à la vie et de développer une nouvelle manière d'appréhender le monde. Sa rencontre avec Mark, un célèbre architecte d'intérieur qui s'interroge sur le sens de son travail, et, comme elle, porte en lui une fêlure, fera ressortir le meilleur de chacun d'eux. -
Accaparé par un travail stressant, Romain utilise en permanence ce que l'on nomme des "éléments de langage", qui ont commencé à opérer un lent glissement dans sa vie personnelle. À son insu, le père, le mari et le communicant se sont confondus en lui : il s'exprime désormais dans la langue de l'ennemi. Emma, sa femme romancière, prend peur : ils ne parlent plus le même langage. Son rapport particulièrement sensible aux mots exacerbe ce sentiment inquiétant, celui de perdre peu à peu l'homme qu'elle aime. Romain passe ses soirées au bureau et ses week-ends sur son smartphone, s'éloignant de plus en plus de sa femme et de leur fille de trois ans, Roxane. Prise dans l'engrenage du quotidien et face à un mari qui prend graduellement le visage d'un adversaire, Emma se débat mais la lutte est inégale.
À travers ses personnages, l'autrice dresse le portrait d'une génération aux prises avec un discours normatif sans précédent. L'effondrement insidieux de la langue devient dès lors une question de société. Garance Meillon signe un roman captivant qui prend les allures d'une fable moderne. -
Après une année passée sous le soleil gris de Paris à rédiger des devoirs sans fin, Émile atterrit en Corse avec des amis. Le paysage splendide de Calvi illumine son été, ainsi qu'Andréa, une jeune Corse rencontrée au pied de la citadelle. Par orgueil, Émile refuse de tomber amoureux, quitte à en éprouver de terribles regrets. L'énigme d'Andréa ne cessera jamais de le hanter, au point de bouleverser son existence.
Ce sont là les débuts d'Émile dans la vie. L'histoire d'une défaite autant que d'un succès, où il est question d'espoirs, de remords et d'envie. -
Karim est un jeune homme des quartiers nord de Marseille. Pour payer le loyer de l'appartement où il vit avec sa mère, il se livre à des petits trafics. Un jour, il rencontre Laurélie, jeune étudiante qui s'éprend de ce garçon ombrageux et révolté. Elle est la fille d'un juge progressiste, Charles Mazargue. Avec la famille Mazargue, Karim fait la connaissance de gens qui veulent l'aider à s'élever dans l'échelle sociale car ils voient en lui ce qu'il y a de meilleur dans "l'assimilation à la française". Mais Karim se méfie de la main tendue. Il souffre secrètement de cette générosité qu'il prend pour de la condescendance, voire pour du mépris. Il ne veut pas se laisser domestiquer par leur gentillesse. Alors, à la question qu'on lui pose pour savoir ce qu'il fait dans la vie, il répond par un mensonge qui va l'entraîner dans une spirale de tromperies. Le jeune homme conçoit un sombre projet... L'amour de Laurélie pourra-t-il aider Karim à se dépêtrer de ses faux-semblants ?
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Chef-d'oeuvre "de rêve et de fumée", Don Quichotte est un livre mystérieux et multiple. Qui est le narrateur sage et menteur qui a créé la trame, les personnages, les couleurs, les ombres, la philosophie, la psychologie et toutes les variations de cette histoire qui n'a cessé depuis quatre siècles de captiver d'innombrables lecteurs ? Avec autant de grâce que d'ironie, autant d'astuce que de sincérité, Cervantès joue avec cette question tout au long de l'illustre roman, et plus il joue, plus la réponse apparaît fuyante et secrète. Dans des pages lumineuses et alertes, Pietro Citati nous guide d'une main sûre parmi les détours infinis de Don Quichotte. À travers des épisodes saillants, il nous donne à voir les immortelles péripéties du Chevalier à la Triste Figure et de Sancho Panza, son fidèle écuyer. Mais surtout, il nous rappelle la radicale ambiguïté de ce "livre des livres", où tout est en même temps absolument faux et absolument vrai ; où le vrai, sans cesser d'être vrai, est absolument faux, et où le faux, sans cesser d'être faux, est absolument vrai. Ce petit livre merveilleusement aérien rend à sa manière hommage à un livre immense et inépuisable, que l'on a diversement interprété au cours des âges et qui demeure un foyer d'inspiration pour la littérature moderne.
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"Je marchai devant moi, sans but, et pleurai sans m'en rendre compte. Attiré par le son des vagues, je traversai la route, enjambai un muret et me retrouvai les pieds dans le sable. Un groupe de jeunes chantait autour d'un feu, narguant l'eau noire et bruyante.
J'étais sur la plage de Voltri.
Ce même sable où j'avais rencontré Silvia et Antonio.
Et où je m'étais brûlé."
Gênes, 1973. Lorenzo, du haut de ses vingt ans, vit pleinement une période d'exaltation politique et sentimentale aux côtés de Francesca. Son désir de révolte et d'adrénaline l'amène à plonger dans la lutte armée, et il prend part à des actions qui embrasent l'Italie des années de plomb. Mais la rencontre avec Silvia vient troubler son parcours. Cette énigmatique jeune femme révèle en lui une fibre d'écrivain capable de l'éloigner des bombes. Embarqué dans une cavale initiatique qui durera près de deux décennies, Lorenzo s'invente d'autres noms, d'autres vies. Il poursuit Silvia qui n'a de cesse de lui échapper, bravant le danger et les frontières. Jusqu'à Buenos Aires, où cette course éperdue
trouve son dénouement. -
' Or, rêveur, Arthur Storvean l'était. Et son rêve haussait les voiles et les coeurs. Dernier conteur de la lande, il emportait tout et tous sur le dos d'un idéal façonné à coups de projets conçus au vent, dans l'éclat d'une vague ou l'ambre d'un Islay, usant sa voix de pasteur sur les rubis du crépuscule quand les fous eux-mêmes parcouraient de leur aile noircie l'immensité de ses songes pélagiques. '
Le chaos des roches, l'inquiétante rumeur de la mer, les sortilèges ombreux des forêts de Bretagne constituent la toile de fond de ce récit haletant qui interroge le poids du passé, la valeur de nos choix et l'effet du silence sur nos vies. -
Le quartier du Sentier, les environs de la Bourse, l'ancien domaine de la presse et du textile, ses rues étroites, la frontière des Grands Boulevards, l'éminence du Montorgueil, la rue Poissonnière par laquelle les marées du Nord descendaient vers les Halles : ce vieux Paris, central et secret, se dévoile au coeur d'une exploration qui est bien plus qu'une cartographie nostalgique du IIe arrondissement.
Paris intérieur est le carnet d'un marcheur attaché à cet espace stratégique, contigu à l'ancien "ventre de Paris". Il se déploie au rythme de promenades, de déambulations poétiques, attentives au présent, aux nouveautés, au passé aussi, toujours vivant et comme en filigrane. En une vingtaine d'années, le visage du quartier a changé, mais les fantômes, les souvenirs, les grandes figures surgissent au hasard des boutiques, des cafés, des rues, de leurs noms, de la part d'histoire qui leur est associée. Paris intérieur est le livre d'un piéton, à la suite de tant d'autres, qui chemine dans un territoire connu, habité ; c'est un certain regard aussi, personnel, porté par une émotion, un attachement à la capitale, à sa mémoire et à son imaginaire. -
"Le soir du 13 novembre, j'ai compris que la guerre pouvait éclater en bas de chez moi - une forme inouïe de guerre. La peur et la méfiance sont devenues normales : je vis en attendant le prochain attentat.
Le soir du 13 novembre, ma génération s'en est prise à elle-même : les assassins avaient le même âge que les assassinés.
Survivre est un hommage à cette génération, née avec les écrans, ultraconnectée, et pourtant en proie à une immense solitude.
Nous voulons être libres : parfois pour le meilleur, parfois pour le pire."
Frederika Amalia Finkelstein. -
"J'ai forcé Rosso à se tourner vers moi, j'ai malmené les lieux, les faits, les êtres, j'ai diffamé les personnages que j'admirais, j'ai exagéré les hypothèses, pillé et douté de Vasari, son biographe, jusqu'à toucher le manteau de mon amour, vivant."
Il n'est pas d'asile pour le peintre Rosso Fiorentino : rescapé du sac de Rome, exilé à la cour de Fontainebleau, confronté à la puissance de Charles Quint et rêvant de l'Orient de Soliman le Magnifique, Rosso est la proie de ses propres blessures. Les souvenirs d'amour, de misère et de mort, la quête insensée d'oeuvres disparues l'exposent aux troubles qui assombrissent la fin du règne de François Ier. Son art
approche de la vérité, mais c'est la douleur qui montre ses traits. Une mystérieuse initiation amoureuse ne parviendra pas à le sauver des démons, tant réels qu'imaginaires, qui le poursuivent. -
"C'est comme un petit feu qui grandit en moi, au coeur du ventre, dans le creux de l'estomac, je l'identifie comme l'envie de gâchis. C'est de plus en plus rare, mais ça fait toujours monter les larmes. Il y a une volonté de faire mal à ceux que j'aime et qui m'aiment, pas tous,
certains. Peut-être tous. Je ne sais plus. Je ne suis pas lucide, pas forcément lucide. Je vois la scène, j'imagine les scènes. La possibilité du drame."
La nuit, elle s'ouvre. Elle marche, oublie, se laisse passer sur le corps. Et puis, ça reflue : le souvenir, le gluant qui gicle et colle au cerveau. Mauvaise passe raconte une héroïne à la dérive, une femme qui perd pied devant la violence des hommes et l'indifférence des villes ; mais aussi l'espoir qui revient, éblouissant, comme le soleil du Nord.