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Hélice Hélas Editeur
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Lors d'un été de canicule, des jeunes désoeuvrés se retrouvent autour de l'arbre ombrageant de la terrasse d'un café. L'angoisse climatique, les extinctions de masse, l'inaction des politiques, les migrations forcées, toutes ces préoccupations minent leurs perspectives d'avenir. Avec l'arrivée mystérieuse de Ginkgo dans le groupe, prophétesse malgré elle d'un sursaut révolutionnaire, celui-ci se resserre et se solidarise autour d'un idéal de communion avec le Vivant, d'amour et de rébellion. Pourtant, juste après une action militante, Ginkgo ne donne plus signe de vie, laissant le groupe désemparé ; sa disparition subite préfigurant celle des biotopes, de l'Humanité, ainsi que des idéaux et des espoirs d'alternatives.
Dans ce roman polyphonique, Francesco Micieli donne la parole aux activistes du Climat, à la jeunesse. Sous la forme de dépositions de police, chacun raconte sa version des faits, la formation du groupe, ce qui les a animé, ainsi que leur fascination pour Ginkgo, tout autant que le désarroi qui s'est suivi avec la dissolution du collectif. Rédigé à la suite d'ateliers d'écriture réunissant des jeunes réfugié·es et étudiant·es, Si les forêts nous quittent est une plongée poétique dans l'urgence écologique. Un roman chargé d'une aura et d'une présence, interrogeant avec subtilité tant l'engagement militant que la solastagie (nb. la détresse émotionnelle causée par la destruction des biotopes) dans ses dimensions les plus sous-cutanées, sensibles, voire mystiques.
Le roman de la génération climatique. -
Frégate, Louison et Beignet sont chasseurs. Ils se retrouvent dans le domaine de Didier Tielle, en pleine forêt. C'est le début de la saison. La chasse ouverte se transforme rapidement en un huis-clos, prétexte à de multiples échanges et autant de digressions, sur le gibier absent ou fantasmé, sur les femmes des uns et des autres ou sur L'Idiot de Dostoïevski. Une visiteuse, Magda, pythie de son état, débarque dans cette garçonnière, bousculant les chasseurs dans l'apparence de leurs certitudes. A coups d'aphorismes absurdes et eschatologiques tout s'emballe. Magda la pythie vient remettre les chasseurs en particulier, et l'Humain en général, à leur place. Sans aucun ménagement. Pas celle qu'ils pensent occuper malgré les évidences, au-delà de la nature, au-dessus des êtres vivants. Non: la place qui est objectivement la leur, entre des milliards d'animaux d'une valeur égale, peuplant une parmi des milliards de planètes. Sa juste place dans l'espace-temps. L'espace, ici, est celui de la nature. Une nature qui sans vergogne défie la culture; qui la déjoue. Le temps ? Celui qui précède d'une minute la fin du monde tel qu'on l'a connu. Magda la pythie est une rage. Elle veut diminuer le lecteur de moitié. L'inciter à se regarder différemment. Se voir différemment.
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La Batrachomyomachie est une parodie de l'Iliade, sans doute écrite aux alentours du IIIe siècle avant J.-C., durant la période hellénistique. Elle met en scène le combat d'une journée de ces deux nemesis sur les modes épiques et comiques. Comme toute parodie, elle déforme certains éléments de son modèle, et se permet des jeux de traductions, de sens premiers et doubles, que ne manque pas de relever l'apparat critique de ce texte. En outre, les citations exactes de certains vers de l'Iliade parsèment le texte, mais détournées de leur connotation originelle. L'origine de la guerre dans cette version ? Aussi idiote que toutes les autres, une grenouille offre son aide à un rat afin de traverser l'étang. Un accident survient. Le rat se noie. Et ouvre la brèche à la vengance et au ressentiment
- sous la bénédiction des dieux, évidemment.
Cette nouvelle traduction actualise le langage habituel de la traduction du grec ancien en français. Généralement une douce odeur de patchoulis et de naphtaline tout droit sortie du XVIIIe siècle est utilisée pour nous rendre les classiques. Or, La Batrachomyomachie est avant-tout un texte humoristique et vivant qui nécessite un langage moins « convenable » pour en saisir la substance. Usant des patois québécois, romands et des idiomes régionaux de France, variant les registres de discours, Bertrand Schmid livre ici une traduction cocasse de cette méconnue bataille littéraire.
Préface et lectorat de Sophie Bocksberger, enseignante à l'Université d'Oxford. -
Il n'y a pas d'arc-en-ciel au paradis
Nétonon Noël Ndjékéry
- Hélice Hélas Editeur
- 4 Mars 2022
- 9782940700172
L'auteur tchadien Nétonon Noël Ndjékéry déplore depuis longtemps une zone grise dans l'histoire africaine : peu de travaux de recherche, et encore moins d'oeuvres littéraires, abordent la difficile thématique de l'esclavage transsaharien. Il lui faudra des années, en parallèle à ses autres travaux littéraires, pour aboutir à la rédaction d'Il n'y a pas d'arc-en-ciel au Paradis. Des chasses aux esclaves pratiquées par des sultanats sahéliens jusqu'à l'émergence de Boko Haram, de la colonisation française à l'enrôlement des tirailleurs jusqu'aux « Indépendances », Nétonon Noël Ndékéry nous confronte aux horreurs des traites négrières orientales dont les survivances crèvent encore régulièrement l'actualité. Il dresse ainsi le tableau de près de deux siècles de privation de liberté et d'exploitation humaine dans la région de l'actuel Tchad.
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Les nouvelles qui composent ce recueil sont initialement parues en 2014 aux éditions la Cheminante. Dans cette réedition, l'art de la
narration, de la satire politique et du « pleurer rire » de l'auteur suisse et tchadien Nétonon Noël Ndjékéry se tissent habillement à travers cinq
récits des déboirs et des infamies politiques, ainsi que des horreurs des crises humanitaires dans la région du Sahel. En cinq tableaux, Nétonon Noël Ndjékéry nous immerge dans les vécus des impotents et des puissants, de ceux et celles que le pouvoir écartent ou rendent orgueilleux, des infortunés qui se vident des famines endémiques, se révoltent silencieusement, ou attendent leur heure, ou leur minute de gloire et de trépas.
Sous ce titre énigmatique de la Minute mongole ce recueil confirme le talent manifeste de son auteur à entrelacer les différents tableaux entre eux dans un frisson d'horreur. Il dresse ainsi une critique acerbe d'une région qui se présente comme un « laboratoire à ciel ouvert du Diable » entre les guerres civiles, les jeux d'influence des Ministères, les abus des brigades armées, les sécheresses et les famines. Au milieu de ces drames, des hommes et des femmes l'expérimentent du fond de leurs corps, de leurs entrailles. Ils et elles paient le prix fort des incapacités à sortir de logiques claniques et d'allégences, de captation des solidarités, et d'oeuvrer pour un bien commun même quand les occasions en sont fournies. -
La ville se vide de ses habitants. Tous se pressent quotidiennement dans les navettes vers Belgador, nouvel Eden aux vertes prairies promises, planète lointaine dont on ignore tout. Face à l'exode, Simon le lampiste est déterminé à rester quoi qu'il en coûte. En plus de son métier, il s'improvise pêcheur, jardinier et travailleur social dans une ville s'effondrant sur elle-même, envahie par la jungle et le désert. Au Lacmer, il recueille le petit, migrant séparé de ses parents, recraché par les flots, traumatisé et muet. Simon apprend alors à être pédagogue, et à transmettre ce qui lui est cher : le travail bien fait, l'entretien du monde, le soin aux autres et le langage. Mais peut-on véritablement habiter un monde seul à deux ?
Après Malax (2017) et la Terre tremblante (2018), Marie-Jeanne Urech continue son exploration des désenchantements contemporains sous la forme de fables explorant nos fragilités, nos forces et sensibilités. -
Un monde en ébullition. Partout en Europe, des pannes d'électricité de plus en plus fréquentes alarment les populations. Privés pendant quelques heures de la lumière et des commodités technologiques, les humains s'enfoncent dans une lente détresse. Alors que les derniers fusibles de l'ordre social vacillent, l'obscurité gagne du terrain et révèle par contraste ce qu'une société de la compétition cannibale produit de plus saillant. Dans L'Obscur, l'histoire locale et l'histoire globale s'entrelacent dans le regard impuissant du narrateur, manifestement atteint d'un trouble du spectre autistique. A l'instar du glaçant Journal de nuit de Jack Womack ou de La Route de Cormac McCarthy, Philippe Testa interroge et décrit avec minutie - et parfois jusqu'au dégoût - ce que la crise peut nous faire advenir : socialement et existentiellement.
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Si les humains sont persuadés de mener le bal, c'est qu'ils ne voient pas tous ces êtres terrés dans l'ombre, camouflés dans un feuillage ou dans une grotte, circulant à leur gré dans les réseaux numériques. Si les Humains pensent pouvoir se projeter dans leur existence sans trop de troubles, c'est qu'ils ne perçoivent pas les vaines tentatives de communication d'entités suprasensibles ainsi que les sombres desseins de créatures cosmiques ou microscopiques. S'ils n'ont pas encore de palpitations, de sueurs froides et d'effrois, c'est que la rencontre ne s'est pas encore produite...
Depuis ses débuts, la science-fiction est traversée d'entités étranges et fantastiques. Sans elles, pas de tensions narratives, pas d'altérités radicales auxquelles se confronter ou se comparer, mais aussi pas d'interrogations profondes sur ce qui nous horrifient, nous menacent, ou alors possède la capacité d'agir directement sur nos destinées. Avec le thème des entités, les dix nouvelles du Prix de l'Ailleurs 2024 interrogent la figure du monstre, de celui ou celle qui est autre, difficilement concevable, ou ébranlant les certitudes communes. Entités numériques, entités de sables ou volatiles, Grands Anciens et super prédateurs, ou alors IAs et robots omniscients ou persévérants, découvrez une gamme de créatures qui échappent à tous nos contrôles. -
Petites proses éthyliques est le résultat d'une expérimentation gustative, théâtrale et littéraire. Entre 2021 et 2022, quinze auteur·trice·s ont reçu par la poste tantôt une bouteille de bière, tantôt de vin, ou alors un flacon de spiritueux. Leur impérieuse contrainte : déguster posément, se laisser inspirer par les saveurs, les acidités, les sapidités, les âpretés, se laisser envahir par les textures, les mémoires et les agencements insolites. A partir de cette première expérience, prendre la plume, conserver l'ineffable et le furtif, le remodeler et le distiller, et tels des alchimistes, passer de l'état liquide à l'éthérique, au monde des mots, des idées et des images. Ces textes ont ensuite été mis en voix par Vincent Held et en musique par le pianiste Lucas Buclin dans le cadre de trois soirées thématiques au Théâtre de l'Echandole à Yverdon-les-Bains.
Cet ouvrage recueille ainsi quinze textes sur des bières, des vins et des spiritueux d'artisans et d'artisanes. Si ces derniers ont leur ancrage en Suisse, les différents textes délivrent une clé subtile pour aller à la découverte du travail d'autres artisans que comptent les contrées d'ici ou de là-bas. Ce sont ainsi quinze univers issus de plumes confirmées qui se laissent à leur tour déguster, sans la même modération requise que pour des alcools. Entre découvertes sensorielles, récits d'initiations, récit noir ou d'une longue veillée au coin d'un feu, ces petites proses éthyliques pourraient bien agir comme des levures pour fermenter vos propres imaginaires et arts de la dégustation. -
Inhumaines, ou trop humaines, se dévoilent, dans ces 14 nouvelles étranges, les héroïnes se vengeant de maris méchants ou triomphant d'aventures extraordinaires. D'une écriture somptueuse, sensuelle, au riche vocabulaire, ces contes s'inspirent parfois de légendes anciennes ou de romans classiques du genre. Ils s'inscrivent dans une longue tradition aux ramifications labyrinthiques et métissages subtils, étiquetés : roman gothique, merveilleux scientifique, anticipation, rétrofuturisme, fantastique, science-fiction, steampunk... Animés par une imagerie traditionnelle : crocs, vampires, sirènes, fétichisme, thérianthropie, créatures bizarres, épreuves, ils sont aussi d'hybrides exercices de style qui frappent, terrifient ou surprennent en se glissant dans des thématiques contemporaines : féminisme, lesbianisme, suicide assisté, extraterrestres, fin du monde. Ils font trembler ou pleurer la lectrice et le lecteur, non sans une pointe d'humour, ils fascinent jusqu'à la chute finale.
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Au petit bonheur la brousse
Nétonon Noël Ndjékéry
- Hélice Hélas Editeur
- 2 Septembre 2019
- 9782940522798
A la croisée des idiomes et des accents, entre la Suisse et son idéal de blancheur et d'ordre, et le Tchad marqué par l'arbitraire d'une histoire postcoloniale « mal apprivoisée », Nétonon Noël Ndjékéry narre les aventures de Bendiman, un enfant tchadien ayant grandi à Genève et s'étant nourri des mythologies des bons petits Helvètes : Guillaume Tell, la Mère-Patrie, la Croix-Rouge, etc. Un soir, son père est rappelé au Tchad avec toute la famille. A l'aéroport de N'Djaména, une voiture noire emporte ses parents. Recueilli par un oncle, il mène son enquête pour découvrir que son père et sa mère sont enfermés pour « Raison d'Etat ».
Commence alors pour Bendiman une quête pour faire sortir ses parents de prison dans un pays qu'il ne connaît finalement pas, en guerre civile, tourneboulé par un afflux massif de pétrodollars, où le droit n'a jamais vraiment quitté les livres pour entrer dans la vie quotidienne des gens.
Ndjékéry livre un récit picaresque, plein de saveur entre les helvétismes et l'oralité des griots. A mi-chemin entre le conte et le récit d'initiation, Bendiman est le héros malgré lui d'une chevauchée entre les langues et les imaginaires moraux.
NETONON NOËL NDJEKERY est né à Moundou au Tchad. Sa carrière d'auteur débute avec une première nouvelle publiée par Radio-France Internationale. Depuis, il habite sur les rives du Léman, en Suisse. Dans ses écrits, Nétonon Noël Ndjékéry flirte autant avec la nouvelle, le théâtre qu'avec le roman. A ce jour, il est l'auteur de trois romans : Sang de kola (1999, l'Harmattan), Chroniques tchadiennes (2008, In Folio) et Mosso (2011, In Folio). En 2014, il publie un recueil de nouvelles La minute mongole aux éditions de la Cheminante. En 2017, il reçoit le Grand Prix Littéraire National du Tchad pour l'ensemble de son oeuvre. -
Remarquable roman traduit de l'anglais par Antoinette Maire. Amitié, amour réunissent un commissaire de Scotland Yard retraité, un sportif de haut niveau, Monique, puritaine sexy, une mystérieuse jeune femme et d'invisibles observateurs des services secrets ou d'un financier véreux, censément mort, sans compter une fillette HP qui dit toujours la vérité. Cette reconnaissance progressive de l'honnêteté de chacun, des failles de sa lucidité et de l'acceptation de l'autre se dévore de plus en plus fébrilement.
La première partie se passe à Lausanne. Louis, un journaliste sportif anglais, a pris une année sabbatique pour écrire un ouvrage sur l'histoire sociale des Jeux olympiques. Dans son Journal, adressé fictivement à Georges, le rédacteur en chef londonien pour lequel il travaillait précédemment, il raconte sa vie à Lausanne, qui est ainsi vue par les yeux d'un étranger. Il lui fait part de ses recherches au Musée olympique, ce qui donne lieu à quelques anecdotes savoureuses. Sur le conseil de Georges, il rencontre Harry Binns, un ex-policier de Scotland Yard, dont la carrière a été brutalement interrompue, et dont la présence à Lausanne suscite bien des interrogations chez certains politiciens anglais. On apprendra par la suite que Harry a consacré plusieurs années enquêter sur un homme d'affaires véreux qui bénéficiait de protections en haut lieu. Il a aussi été chargé d'établir des plans d'action en cas de catastrophe nucléaire, et s'est rendu compte à cette occasion des conséquences terrifiantes d'une guerre nucléaire. -
En cinquante ans, les pensées écologiques se sont instillées dans chaque domaine de la vie sociale. Elles sont aujourd'hui les matrices surplombantes qui orientent un nombre croissant d'esthétiques, de pratiques, de discours, et surtout d'imaginaires. Si d'apparence les voix actuelles de la sensibilité écologique peuvent sembler uniformes, cet essai démontre au contraire leurs multiples ramifications ainsi que les coalitions et conflits qui émergent au nom de la préservation du Vivant. Plus particulièrement, l'auteur analyse la diffusion populaire en Suisse romande de nouvelles manières d'envisager la crise écologique et climatique en tant que crise de sens, de valeurs et d'une vision du monde.
A travers l'étude de cas des vignobles avec le succès de la biodynamie, de la fascination autour de traditions animistes amazoniennes, de mouvements urbains de décroissance et de désobéissance civile, des programmations de musées et de théâtres ainsi que des milieux académiques, cet ouvrage analyse les nombreuses voix qui se tissent entre elles en arborescence, et prônent un retour subtil d'une dimension « religieuse » ou « spirituelle » face à Gaïa ainsi que dans la redéfinition de modes de vie durables. -
A différentes époques, avant Jésus-Christ et bien après, les tribulations d'une tribu qui tente de survivre dans un monde violent et dépourvu de sens, ou alors sous la tutelle d'un démiurge fou.
Le narrateur, Salomon, et d'autres, ne paraissent tenir bon que par la succession de raids sanglants. Ils évitent ainsi de par trop cogiter car, dans les moments de répit, des hommes chevauchant des gros porcs, des navigations aléatoires, des moujadines ou des villages peuplés d'habitants armés d'ustensiles électro-ménagers d'un autre temps mettent à mal la raison.
Heureusement, peut-être, comme pour tout aplanir, il existe la broyotine, genre de guillotine en plus radical.
Récit nerveux et absurde, drôle et perturbant, Les six vies de Salomon est un conte post-apocalyptique et mystique désespéré qui laisse aux lectrices et aux lecteurs le sentiment d'un malaise pénétrant derrière l'apparente gaudriole. -
Dans La Terre tremblante, le lecteur verra que ce qui se cache derrière une montagne, c'est une autre montagne, et ainsi de suite.
Son père tout frais enterré, Bartholomé de Ménibus fuit l'archétype du village dans la vallée - sa laiterie, son abattoir et son café - pour aller voir à quoi ressemble l'autre versant de la montagne. Dans le pays d'à-côté, les routes asphaltées crachent des engins et, sur un banc, les vieux se languissent et attendent leurs enfants qui les ont abandonnés pour partir en vacances. Les vaches portent des hublots pour qu'on jauge : « C'est une vitrine sur le produit » explique le paysan. Bartholomé décide de poursuivre et d'enjamber la montagne suivante.
La Terre tremblante est un ouvrage troublant. Paradoxes et autres perles d'inventivité ouvrent la voie à une sagesse plus profonde : si les montagnes se ressemblent et mènent apparemment à d'autres montagnes, chaque ville rencontrée par Bartholomé est unique, aux prises aux rapports de production effrénés ou à la gestion des déchets ou à des impuretés à cacher ou enterrer.
La Terre tremblante pourrait passer pour une fable écologique. Ce serait s'arrêter à la première couche de cette oeuvre riche et exponentielle. Au milieu de son écorce revient inlassablement la question du peuplement du monde par les humains, puis, comment ils le quittent. Derrière le style énigmatique et proprement urechien, on découvre une tendresse ingénue et un humanisme poétique. -
Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars où vivaient des Terriens sécessionistes, les hommes partent explorer d'autres galaxies.
Marko débarque sur Esmeralda. Une planète-jungle hostile, peuplée d'êtres monstrueux, mi-animaux mi-végétaux. Les colons y survivent à peine et se débattent dans une utopie pathétique ; ils savent qu'ils ne partiront pas de la planète et ajoutent à la violence endémique des lieux l'injustice propre à l'espèce humaine.
Esmeralda est le premier volume des Voyages sans retour, une quadrilogie à l'écriture fluide, elliptique et captivante, donnant à lire une vision de la perdition de l'humanité dans le cosmos suite à ses anéantissements successifs. -
Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars où vivaient des Terriens sécessionnistes, les hommes partent explorer d'autres galaxies. Les expéditions, voyages sans retour puisqu'il s'agit de coloniser des exoplanètes très lointaines, sont à chaque fois composées de trois types de population : des colons, des militaires et des scientifiques.
Après la lutte pour la survie que le colon Marko a vécu dans Esmeralda, le tome 1 des Voyages sans retour, c'est autour de Rand Duncan - militaire de profession -, d'assurer la sécurité des colons sur Donoma, une planète désertique du système de Gamma Serpentis, où apparemment rien ne vit.
Apparemment.
L'exploration des déserts de la planète est menée de main de maître, l'ambiance militaire bien rendue, style, écriture et suspense font partie intégrante d'un récit qui tire le lecteur en avant. Et surtout, il y a cette empathie que Bernard Fischli sait si bien rendre et qui suscite l'émotion chez le lecteur, surpris tant par les révélations qui concernent la planète que les protagonistes. -
Les robots sont parmi nous. Ils nous assistent dans nos vies de tous les jours. Robots ménagers, robots constructeurs, robots guerriers, robots de compagnie, et même robots sexuels, nos sociétés tout entières se sont métamorphosées avec l'essor des machines depuis la Révolution industrielle. Avec le développement des Intelligences artificielles, ces objets inanimés en apparence vont peut-être cesser d'être à la seule merci des convoitises et du désir d'oisiveté des humains. Ils - et elles, puisque l'on assigne des genres aux robots - vont peut-être avoir du répondant, être capables d'interagir et nous faire découvrir de nouvelles facettes de nous-mêmes. En s'appropriant les grandes autrices du féminisme, les critiques de l'oppression et les promoteur·trice·s de la Justice et de l'Egalité, ces robots vont peut-être nous émanciper, instiller de discrètes propagandes, ou alors déclencher des conflits apocalyptiques. Poursuivant le destin du néolibéralisme, ces derniers continueront peut-être à nous entraîner dans une spirale aliénante, au-delà de ce qui deviendra peut-être le désert du réel, abandonné par tous et toutes au profit de nouveaux avatars virtuels.
Robotisées, nos sociétés assurément le sont. Pour cette édition 2023 du Prix de l'Ailleurs, dix nouvelles et des contributions critiques explorent les nouveaux dilemmes et paradoxes induits par le rôle prédominant que prennent les robots intelligents dans nos quotidiens. -
Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars, les Humains partent coloniser des planètes, parce que la Terre est mourante et qu'ils en ont encore les moyens.
Après la lutte pour la survie que le colon Marko a vécu sur Esmeralda (tome 1) et après la découverte par le militaire Rand Ducan d'une forme de vie cachée sur la planète désertique de Donoma (tome 2), la planète Océania est un autre de ces mondes que choisit l'Humanité afin de se disséminer à des millions d'années-lumière les uns des autres, sans possibilité de contact.
Dans ce troisième tome du cycle des Voyages sans retour, Bernard Fischli narre les aventures d'Ana Da Silva, biologiste moléculaire, poussée au départ par le manque de perspective et de sécurité sur Terra. Elle est envoyée sur Océania, une planète où l'élément liquide prédomine et entoure un continent unique. L'Océan est peuplé de microbes et de bactéries qui assurent une concentration suffisante d'oxygène dans l'atmosphère, mais aucune forme de vie intelligente, ou alors consciente n'est à signaler.
Bernard Fischli, loin de l'action et de l'émerveillement hollywoodiens, met en scène les dimensions anthropologiques, scientifiques et routinières de l'établissement d'humains exogènes dans un nouvel écosystème. -
Ce recueil de nouvelles, concocté par Marlène Charine, offre de goûteux échantillons des meilleurs crus de Criollo et Maracaibo, écrits par des membres du GAHeLiG, le Groupe des Auteur·e·s Helvétiques de Littérature de Genre. Récits policiers, fantastiques ou merveilleux, de fantaisie héroïque ou de science-fiction, tous sont prétextes à manifester la magie ou la puissance du chocolat. Pas de confession des addicts du chocolat mais praliné ou barre mystérieuse, une discrète présence qui change le cours des choses, la vie des peuples, d'un couple ou celle d'une héroïne.
Beaucoup de fraîcheur et d'émotions diverses enchanteront les lecteurs et lectrices. De l'amour bien sûr, mais aussi de la peur, de l'amitié, de la trahison, du suspense, une femme fatale, un tueur en série, un monstre de l'espace, un combat de sorciers, une agente secrète qui va participer à l'invention du Toblerone, des récits qui narrent la libération des esclaves qui concassent les fèves et conchent la pâte dans des cavernes mystérieuses. Tout se passe entre fusée spatiale, Folies Bergère, Pont de Pérolles, exo planète, vallée de la Brévine, New York ou rives de la Grande Cariçaie. A la fois des univers plaisants, déconcertants, allégoriques ou sortis de contes et qui manifestent des préoccupations contemporaines, écologiques, sociales, féministes et une dose incroyable d'imagination par quatre écrivains et huit écrivaines qui ont souvent déjà publié des
romans des genres policier, romance, SF ou fantasy et surprennent à chaque page. L'atout de ces nouvelles, jamais trop longues, surprenantes, originales et passionnantes. -
Mandragore, une énième planète colonisée par une Humanité en pleine débâcle. Depuis dix ans, des vaisseaux apportent leur lot de nouveaux résidents sous la supervision de l'armée. Ils fuient l'enfer sur Terre pour une planète peuplée de broussailles, aride et complètement silencieuse, sans faune et sans insectes. De petites villes poussent ici et là, ressemblant à celles de l'époque de la Conquête de l'Ouest. Un jour, Jon Ravel fait partie de ces nouveaux venus, appelés à reconstruire ici ce que d'autres ont perdu ailleurs. Sauf que Jon n'est pas comme tous les autres, il est croyant dans une société qui a banni les religions depuis plus d'un siècle. Qui plus est, il est envoyé par sa plus haute autorité pour retrouver la trace du père Etienne. Ce missionnaire ne donne plus signe de vie, et semble même s'être terré avec d'autres fanatiques dans les parties les plus reculées de la planète. Mais est-il possible de transposer le mythe du bon sauvage et les idéaux de pureté dans un écosystème qui n'a pas co-évolué avec l'Humain ?
Dans ce quatrième opus des Voyages sans retour, Bernard Fischli rend hommage au roman de Joseph Conrad Au coeur des ténèbres et notamment son adaptation par Francis Coppola (Apocalypse Now). Il explore la difficile question de la subsistance de l'idée de Dieu dans le Cosmos, alors que l'Humanité s'y dissémine et s'apprête à devenir étrangère à elle-même. Avec sensibilité et tendresse, Bernard Fischli invite à une réflexion profonde sur ce qui rend les humains si fragiles et prompts à se faire guider par d'obscurs visionnaires. Sur Terre ou sur Mandragore, les idoles et les faux-semblants -
Prix de l'Ailleurs - Rétrospective (2018-2022)
Elodie Barras, Nicolas Alucq, Melanie Fievet, Florentin Certaldi, Magali Bossi
- Hélice Hélas Editeur
- 10 Mars 2024
- 9782940700516
À l'heure des technologies « disruptives » et de l'humanité « augmentée », les histoires de cyborgs, les récits de mondes futuristes, de sociétés utopiques ou dystopiques, incitent plus que jamais spectatrices et lecteurs à réfléchir au monde présent. La science-fiction constitue un registre artistique riche et inspirant qui permet de mettre en perspective des situations hypothétiques où les enjeux de notre rapport à la technologie peuvent être expérimentés, au niveau intellectuel comme au plan émotionnel.C'est avec cette conviction qu'est né en 2017 l'idée du Prix de l'Ailleurs, en collaboration entre la section de Français de l'Université de Lausanne, la Maison de l'Ailleurs à Yverdon-les-Bains et les éditions Hélice Hélas.
Découvrez les cinq nouvelles lauréates pour cette rétrospective 2018-2022. -
Dix récits contemporains au coeur du monde et pourtant à l'écart. Leurs héros ou leurs héroïne marchent généralement, parfois prennent l'avion, un téléphérique ou un vélo, font le tour du monde, Afrique Asie, ou simplement une vallée des Alpes, toujours dans l'immensité et le vide. Une sacoche perdue, presque rien, qui permet au héros de découvrir qui il est. L'idiot du village se révèle sage-femme improvisée et chamane dans une benne de téléphérique. Ayant perdu leurs pères, deux amis fondent l'église de l'absence, ce que la xyloglossie nomme secte. Un errant rencontre son étrange destin au coeur d'un village africain, alors qu'un autre, métis, envoyé étudier en Suisse retourne au coeur de l'Afrique pratiquer une médecine parallèle. Ces va-et-vient dans ce monde globalisé n'empêchent pas un héros de découvrir dans son corps malade les signes de son appartenance au règne des bactéries et des champignons. Une traversée insolite découvre l'irremplissable vide de Lausanne et des urbanisations. On voit le monde à l'envers (ou à l'endroit ?) et l'action bizarre, imprévisible et improbable des petits chevaux noirs du pays d'Enhaut.
Lador nous donne ici dix récits non dépourvus d'ironie, d'humour et de poésie. La musique de la phrase, la jubilation verbale laissent transparaître une sorte de détachement du bruit et de la fureur ordinaires. Un recueil qui éclaire l'obscur comme l'obscure clarté qui tombe des étoiles, étoiles souvent évoquées par un auteur qui se sait leur enfant perdu. -
Prenez de l'ail et de l'argent, du sel et de la terre
Ursula Timea Rossel
- Hélice Hélas Editeur
- 25 Juillet 2023
- 9782940700493
Véritable épopée dans la distorsion du temps et de l'espace, du brouillage des cartes et des catégories, Prenez de l'ail et de l'argent, du sel et de la terre est un roman polyphonique qui en de nombreux points rappelle Orlando de Virginia Woolf.
Ce roman labyrinthique pourtant n'égare pas ses lecteurs, il est un système à lui seul qui se laisse découvrir page après page, en même temps que la malice de son auteure. Dans ce roman, à travers deux protagonistes, le cartographe Wigand Behaim et la métamorphe Sibylle Blauwelsch, ainsi que leurs migrations entre paysages primordiaux, continents, cultures, sexes et professions, les lecteurs et lectrices sont embarquées dans un monde d'impermanence, de rêves et de savoirs emmêlés. Nous rencontrons le chat de Schrdinger en personne, et apprenons finalement la localisation de l'Atlantide. Nous voyageons dans le temps sur les traces de sainte Ursule, amante d'Attila le Hun à l'époque des grandes invasions, ainsi que de Ragnar, un marin en retraite au Danemark de l'an 2034. Nous traversons les jungles méso-américaines avec une unité de guérilleros perdus, les sables brûlants du huitième Emirat arabe avec ses magnifiques dromadaires royaux, les cols de l'Himalaya à la recherche du lion des neiges, et les vastes espaces congelés du Groenland et de la Sibérie.
Un magnifique roman où la cryptogéographie et la cryptozoologie permettent d'explorer nos (in)certitudes contemporaines.