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Lévesque
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« Fils d'un père canadien-français et d'une mère russe immigrée à Québec au début du siècle, [Serge Régnier] était fasciné par la révolution bolchevique. En dépit des récits contradictoires véhiculés sur la Russie, il avait choisi le parti des travailleurs, déterminé à changer les choses. Les villes de Montréal et de Québec n'avaient pas échappé à la crise économique qui avait laminé l'Amérique. "Les travailleurs ne peuvent que se tourner vers Moscou et rejeter le capitalisme", pensaient Régnier et ses camarades. Cette crise représentait à leurs yeux l'occasion de secouer l'inertie des ouvriers, peu ouverts aux idéaux communistes. »
Inspiré par le poète de la révolution soviétique, Vladimir Maïakovski, un jeune communiste de Québec, Serge Régnier, se rend à Moscou au début des années trente. Son travail au journal Les Nouvelles de Moscou lui fait découvrir diverses facettes de la société soviétique jusqu'à ce que des événements hors de son contrôle l'obligent à fuir l'URSS par une route inusitée.
De retour au Québec, il collabore à l'élection de Paul Gouin, le chef de l'Action libérale nationale, avant de s'engager avec Norman Bethune auprès des républicains espagnols. Au cours de ce second périple, Serge Régnier comprend que les hommes de Moscou ne l'ont oublié ni à Montréal, ni à Paris, ni à Barcelone et que son ardoise soviétique est toujours en souffrance. -
«Tu sais, comme le dit Pirandello, nous, les Siciliens, aimons faire semblant... mais ce n'est pas ça. La vérité, Salvatore, c'est que je me demande pourquoi je m'en fais avec tout ça, le fait de rester en Sicile, la malhonnêteté ? Qu'y a-t-il ici pour moi ? Peux-tu me le dire ? [...] Je veux partir, je suis lâche de rester ici... Je ne veux plus faire semblant... Si je ne fais rien, je te jure que je vais mourir. Je deviens fou, ici. Je fais bonne figure, mais, certains jours, j'ai juste envie de me coucher à terre et de mourir. Je suis piégé...»
En vacances dans sa Sicile natale qu'il a quittée depuis longtemps, Salvatore revoit sa famille - un oncle, une tante, un cousin - et effectue un douloureux retour dans son enfance marquée par de multiples blessures non cicatrisées. Quant à Charlie, le « cousin », il représente une sorte d'énigme. Jeune et beau, il est habité, tourmenté par le désir de quitter son village et de se libérer de ce monde qui l'étouffe.
Le cousin traite tout autant de la mémoire, de la violence et de la sexualité que de la famille, de l'identité et de la culture.
« Le cousin est une novella exquise. L'écriture de Calabro est simple et coule sans effort ; il a créé des personnages justes, prenants, et son récit magnifique est à la fois étonnant, étrange et tellement sincère. »
(Sky Gilbert, auteur de An English Gentleman et de Brother Dumb)
«Un érotisme torride imprègne les pages du Cousin. » (Prairie Fire) -
Les ponts de glace sont toujours fragiles
Louis-Philippe Hébert
- Lévesque
- Réverbération
- 7 Avril 2015
- 9782924186770
Cinq histoires d'amour. Cinq histoires d'horreur ? Plutôt cinq révélations où le personnage principal découvre ce que l'on pourrait appeler une nouvelle forme de vie. À Simon Réhel, des « Ponts de glace », elle apparaîtra lors de ses quatre-vingt-dix ans et lui permettra de passer un autre pont, peut-être le dernier. Dans « Une histoire de café », le neveu bien involontairement lié à sa tante découvrira un filon qui lui permettra de faire fortune, mais pas avec le café. Le domestique « Firmin » apprendra à son maître les délices de l'art et le supplice d'en être privé. Hélas ! non, « Le Diable ne brûle pas », le jeune collégien n'aura pas la possibilité de choisir entre son ami de collège et une étrange femme omniprésente et dévorante qui le poursuivra toute sa vie durant. À la fin de ses vacances, un voyageur fera l'étrange découverte de la bête dans « Les latrines de l'aéroport de Miami ».
Cinq histoires d'un amour marqué au fer rouge de la nostalgie, de la filiation, de l'art, de la monstruosité et de ce qui résulte toujours de l'amour : une fascinante mais éprouvante découverte de soi. -
« Fidel est décédé. Qu'adviendra-t-il de mon île ? L'homme, quant à lui, sera toujours à la fois objet de désir et de savoir pour le monde extérieur, et sujet lié à l'intériorité de l'île. Le mythe "Fidel", mythe d'une "révolution permanente", est contenu dans toute l'Amérique latine, et les mythes ne meurent jamais, quoiqu'on en pense à Miami. Ils s'amplifient, s'enrichissent, se modifient selon les besoins. On en fait ce qu'on veut. »
Exalté par la révolution naissante, un couple de Québécois, Louise et Marc, part en 1967 s'installer à Cuba pour un an où il vit diverses expériences dans un monde en complet bouleversement. Assez rapidement, les nombreuses rencontres débouchent sur une infidélité de Louise avec Pablo, et le couple ne survivra pas. Un deuxième séjour dans l'île ravive inutilement la passion antérieure et Louise revient à Montréal, d'où elle entretient une correspondance avec la mère de Pablo qui ranime constamment son expérience cubaine. Une quarantaine d'années plus tard, Louise retourne une dernière fois dans l'île pour y constater que...
Roman d'introspection et récit de voyage, Le sexe de Fidel constitue, d'une part, un commentaire sociopolitique sur une société en pleine transformation et sur une culture antillaise qui vient renverser tous les acquis. D'autre part, il raconte comment la protagoniste, lors de ses trois séjours là-bas, se trouve confrontée à ses convictions et à l'émergence de nouveaux désirs qui redéfiniront son identité. -
« J'ignore ce bras comme d'autres pourraient ignorer certaines choses dans leur vie qui les font souffrir. »
Jack Hughes, un enseignant torontois d'origine irlandaise, souffre du TIRIC (Trouble identitaire relatif à l'identité corporelle) : il ne supporte plus son bras gauche - tout comme les personnes transsexuelles sentent carrément qu'elles sont nées dans le mauvais corps -, source, croit-il, de tous ses problèmes depuis l'enfance. Il tente donc de vivre en tentant d'ignorer ce membre qui ne fait pas partie de sa réalité. Lui sera-t-il possible de le faire en n'utilisant que son bras droit ?
Si le roman semble de prime abord léger, la tension devient de plus en plus palpable au fil du récit, dans lequel des fragments de la vie de Jack nous sont révélés. Enfant sans père, il a souffert de l'atmosphère étouffante de la pension de famille tenue par sa mère, une femme sévère et dominatrice, incapable de tendresse. Plus tard, ses rares expériences avec les femmes ont toutes été vouées à l'échec.
La fin arrive comme un coup de poing. Un peu comme dans sa novella Le cousin, John Calabro conclut l'histoire par une explosion de violence tout à fait inattendue.
Un sujet original que l'auteur traite avec une rare maestria, parvenant, par son écriture simple, efficace, à nous faire passer sans transition du sourire à l'horreur. Et à nous faire, sinon comprendre, du moins aimer cet « homme imparfait ». -
Nouvel opus du prolifique romancier, nouvellier, poète et éditeur Louis-Philippe Hébert, Le spectacle de la mort se distingue tant par son intrigue singulière que par sa facture à la fois surannée et moderne. Roman épistolaire confinant au journal intime, dans la mesure où l'isolement du personnage dans une ville de Roumanie l'empêche de capter les réponses de son correspondant, Le spectacle de la mort raconte l'histoire d'un écrivain invité à donner des conférences en Europe de l'Est, alors qu'il subit une altération de la conscience proche de la psychose. Autour de lui, tout se révèle étrange : le regard absent du personnel de l'hôtel où il est descendu, l'attitude de la femme de chambre qui voit en lui une incarnation du diable, la religieuse qui lui parle de résurrection. Dans ce roman dense et énigmatique, un réel exacerbé côtoie un onirisme sombre et obsédant, pavant la voie à une réflexion profonde sur nos existences ponctuées d'éternels recommencements. Ainsi, malgré son titre, Le spectacle de la mort parle... de la vie.
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Par le truchement d'une écriture souriante, La mémoire des cathédrales met en scène un foisonnement de personnages colorés, lesquels viennent tour à tour occuper quelques pages avant de céder la place aux suivants. Chacune des nouvelles, comme autant de petites cantates, fait entendre la voix d'hommes et de femmes, d'enfants et d'adolescents qui, dans une grande ville américaine, vaquent aujourd'hui à leurs occupations tranquilles. Au fil des pages prennent vie Tasha et le Professeur, dont elle transcrit si sublimement la pensée, ou cette poète sans nom, à la fois submergée et inspirée par les exigences toutes prosaïques de la maternité. On évoque la malédiction qui a frappé les Cubs de Chicago pendant plus d'un siècle, de même qu'une maladie qui efface peu à peu les souvenirs. Avec Ann, on suit un cours de littérature hors du commun, puis on se rebelle, à l'instar de cette inconnue qui se reconnaît dans le regard d'un chien errant. En somme, des situations ordinaires sont esquissées qui durent le temps d'un mystère à résoudre, le temps d'un fou rire ou celui d'un chagrin secret. Bien qu'elles se caractérisent par la sobriété de leur facture, les dix-neuf nouvelles de ce recueil rendent néanmoins un hommage à la fois tendre et passionné à ce qui reste profondément humain : le besoin d'exister, de laisser une trace, de créer, d'enfanter et ainsi, à la manière des cathédrales, de perdurer.
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La disparition d'Ivan Bounine
Pierre-Louis Gagnon
- Lévesque
- Réverbération
- 5 Septembre 2018
- 9782897630614
En cette année où le prix Nobel de littérature ne sera pas attribué, voici un sujet bien d'actualité.
Stockholm, 1932-1933. Qui, de Maksim Gorki ou d'Ivan Bounine, deux grands écrivains russes, l'Académie suédoise va-t-elle couronner ? Le communiste Gorki, fidèle soutien de Staline, ou l'anticommuniste Bounine, réfugié en France depuis la révolution d'Octobre ?
Cet enjeu est d'autant plus crucial que, depuis la création du prix en 1901, aucun Russe n'a obtenu le Nobel de littérature. Les partisans de l'un et de l'autre s'affrontent pour faire triompher leur poulain. Tous les coups sont permis, et la capitale suédoise bruisse de toutes les rumeurs.
Au centre de cette affaire se trouve l'extravagante et sulfureuse Aleksandra Kollontaï. L'ambassadrice soviétique à Stockholm ne ménage aucun effort pour que Gorki soit couronné et Bounine, neutralisé. Or, ce dernier, qui réside à Grasse dans le Midi de la France, disparaît soudain de la circulation. Tout le monde s'émeut, y compris les Soviétiques. S'ensuit une crise politique qui ébranle l'Académie suédoise, le gouvernement social-démocrate de Per Albin Hansson récemment élu et même l'État français, responsable de la sécurité de Bounine sur son territoire.
Thriller politico-littéraire, La disparition d'Ivan Bounine nous entraîne dans les coulisses d'une institution prestigieuse qui, de toute évidence, n'est pas toujours blanche comme neige. -
Ce recueil propose une série de fabulations où le lecteur contemporain se sentira comme chez lui. Il aura même un sentiment de déjà-vu. Comme s'il entendait un air familier joué par les trompettes de l'Apocalypse, laquelle annoncerait sa propre fin depuis un ciel dépoétisé.
Les histoires imaginent le monde à rebours, elles racontent un futur d'abord lointain puis plus rapproché et, finalement, le moment présent. Cependant, ces époques se valent toutes. Le pire a toujours déjà eu lieu. La décrépitude est aujourd'hui totale. Demain n'est guère mieux. Quant aux personnages, ils ont de la difficulté à distinguer la réalité du monde virtuel. Certains vont même jusqu'à épouser de façon érotique leur téléviseur. L'image en boîte les vampirise au point qu'ils ne la perçoivent plus comme un phénomène étranger. On a enfermé leur esprit dans l'oeil de la caméra, conscience divine que l'écrivain du XXIe siècle naissant jalouse secrètement. En fait, ce livre, comme le dirait William Marx, est un adieu à la littérature.
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« Je m'appelle Alice et je rentre la tête.
C'est comme ça que je me pousse.
C'est comme ça que je m'enfuis, que je me sauve. Rentrer la tête, c'est ma fuite.
Devant un prédateur, je m'avale. C'est la vie qui veut ça. Je n'ai pas le choix.
C'est la mort qui me fait peur. Je n'ai ni dents ni griffes pour me défendre. Je suis
une proie trop facile. Je ne suis pas féroce pour deux sous. Je serais féroce si vous
y mettiez le paquet. Mais vous n'allez pas mettre une cenne dans ma benne.
Et je ne vais pas vous sauter en pleine face et vous défigurer. Je ne suis pas une
chienne enragée comme tout le monde. Je n'ai pas de crocs acérés pour lacérer
du viscère. Je ne suis pas là pour me battre. Je n'ai pas de dents pointues, pas
d'incisives, pas de molaires non plus.
Je n'ai pas de dents du tout. Je ne mords pas. »
Alice est une musicienne de rue, de trottoir et de parc, qui chante du Nirvana et quelques-unes de ses propres compositions. En compagnie de Maurice, son chat, elle traîne en ville trimballant dans une vieille poussette toutes ses affaires : une vieille guitare trouvée dans les poubelles à Westmount, un vieux parapluie, son abri - une grosse boîte de « cartron » ayant auparavant logé un frigidaire - et un vieux casque de guerre en métal. Un foulard sur son crâne rasé, noué derrière sa nuque, et d'immenses verres fumés lui cachant presque tout le visage, Alice se replie sur elle-même, loin à l'intérieur, parce qu'il fait trop mauvais dehors. -
Aujourd'hui, c'est Valérie. Valérie Bordeleau qui lance son deuxième roman. À peine trente ans et son nom circule déjà plus souvent qu'à son tour dans la presse culturelle et la bouche des libraires. Son premier livre avait reçu une reconnaissance immédiate, il y a deux ans à peine. Dès sa parution, on avait parlé d'une voix singulière, étonnamment affirmée et d'une lucidité douce-amère qui sait ne rien vous épargner de la réalité. C'est tout ce que Mélissa peut en dire. Parce que ce livre-là, elle n'a pas pu le parcourir au delà du troisième paragraphe. Dès les premières lignes, elle a été secoué par la beauté de la langue, par la pure intensité de l'émotion. Tout lui paraissait juste. Trop juste. Et rapidement, elle s'était rendue compte qu'elle ne pourrait à la fois porter le poids des mots et celui de sa propre médiocrité.
Esther Croft nous offre des moments de lecture inoubliables dans ce recueil de dix nouvelles où elle scrute l'âme des êtres humains. L'univers que Croft partage avec ses lecteurs n'est pas gentil, douillet, confortable : c'est celui de la blessure, celle que nous avons tous quelque part en nous-mêmes.
Un regard percutant sur la réalité du monde, des relations humaines et, comme toujours, une écriture juste et épurée qui atteint toujours sa cible : le coeur. -
« Myriam B. Gers, femme nordique et complexe, vivrait bien après le début du vingtième siècle, mais pourtant, elle s'identifiait à ce siècle et crut, comme son beau visage le laissa deviner parfois, qu'elle était née à la mauvaise époque. Elle aurait dû avoir une centaine d'années de moins, selon son calcul. Elle vivait, en réalité, en l'an 2000, mais s'éveillait en 1900 bien des matins, le temps d'un poème. Le rapport que cette femme entretiendrait avec le temps et l'espace était particulier et un peu prophétique, car on commençait tout juste à admettre que le temps n'est pas forcément linéaire, et la théorie des cordes venait d'en montrer un modèle possible. Le temps, tissu cosmique fabriqué par l'Homme, avait ses plis et ses creux, et refusait de s'allonger gentiment comme un drap. On en voulut au temps, et personne n'eut envie de vieillir, au point de nier la mort comme réalité humaine - ou de l'éloigner le plus possible des sens, et donc de la vouloir invérifiable. »
Un huis clos sur le paquebot l'Athenia, de l'Orient vers l'Occident, avec des personnages fascinants qui veulent refaire le monde. : Aglaia, qui promène son ennui sur les ponts ; Ness, qui cherche l'adoption (père et mère) ; Bouvard et Pécuchet, éternels figurants spécialistes de la recherche, et plusieurs autres sans oublier la correspondance de Charles-Emmanuel Gauterier qui cherche, lui, son ancêtre.
Le tout raconté dans un style poétique propre à la romancière Andrée Laurier.
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Les caprices du sport : roman fragmente
Berube Renald
- Lévesque
- Réverbération
- 6 Avril 2011
- 9782923844121
« Alors, ayant longuement marché afin de mieux réfléchir, car la marche, surtout en hiver par temps froid et sec, le tonifiait, fournissait comme un rythme nécessaire qui stimulait ses pensées, les ordonnait ; ayant ensuite longuement tourné en rectangle, forcément, autour de la table de ping-pong [...], il finit par aller s'asseoir à son bureau. Pour continuer à réfléchir, sans doute. Ou à tourner en rond, peut-être. Devant lui, papier, stylos et clavier qu'il regardait ou fixait, allez savoir, sans doute sans trop les voir, allez donc savoir.
Le fantasme. À vrai dire, le sujet dont il devait faire une nouvelle, un poème ou un essai - un texte, disons - le fascinait et l'embêtait tout à la fois, sans qu'il puisse bien distinguer entre fascination et embarras. Il lui semblait même, pour être parfaitement honnête, que ce dernier, l'embarras, y était pour une bonne part dans l'attraction exercée par le sujet proposé. Où, quand, comment commence le fantasme ? Quand est-ce que je (qui est un autre, ça rassure de le savoir, merci Arthur) fantasme ? »
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De vieilles dames et autres histoires
Hugues Corriveau
- Lévesque
- Réverbération
- 6 Avril 2011
- 9782923844374
De vieilles dames et autres histoires poursuit l'exploration de la minifiction présente dans Autour des gares et Troublant (cent récits). Ici, soixante nouvelles pour aller à l'essentiel, trouver à dépeindre des univers aussi étranges que réalistes.
«Semaine après semaine, les insultes ne furent guère plus longues. Parfois, on le disait "gros", ou "puant", ou "sans intelligence des textes', "mauvais critique", "mauvais baiseur", mauvais ami". D'autres fois, on le disait "nuisance publique", "source de pestilences,"MUSELEUR DES GÉNIES EN DEVENIR". Bref, rien de bien original. Mais il y avait maintenant plus de quarante signatures différentes pour un même nombre de courriels par jour. Ça envahissait. Impossible pour lui de se détacher de son écran, figé par son désir, prisonnier devant l'expectative délectable du plaisir souhaité et si régulier. Hubert ne se sentait plus abandonné, enfin !Accompagné, passant ses journées à classer par sujet, genre, élégance de style, cruauté des propos, les courtes missives qu'il imprimait chaque fois avec minutie. Les menaces de mort maintenant, Hubert les recevait comme des gages de sa célébrité. »
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« Tout tient par la peur maintenant, je ne sais m'accommoder de la fragilité. Je brise les choses avant de les avoir entre les mains. J'annihile les possibilités de vie. Je recrée l'équilibre entre les souvenirs acceptables ou décents et ceux qui me rongent, dans l'esprit des autres aussi bien que dans le mien. Je suis otage du noir, indigne de vivre comme de mourir. Je cherche un abri où je pourrai souffrir en paix, où le temps s'arrêterait assez longtemps pour que je me remette en état. » (Extrait de la nouvelle « Archives »)
Une préoccupation unit les personnages de Vestiges : celle de la trace. Qu'ils cherchent à les nier, à les altérer, à les effacer ou, au contraire, à les préciser et à les imprimer, les protagonistes des onze nouvelles prennent conscience de l'importance des empreintes qu'ils laissent derrière eux, en eux, sur eux - marques corporelles ou matérielles, souvenirs ou évocation virtuelle - et qui attestent de leur passage autant qu'elles rappellent leur impuissance et leur fragilité. Graves ou humoristiques, réalistes ou empreints de poésie, ces récits abordent des questions intemporelles ou propres au monde contemporain. L'univers de Véronique Bossé n'est pas gentil, rassurant : les vestiges sont autant d'oeuvres que de ruines, ce qu'il reste quand cesse le burinage ou l'effacement devant le constat de l'inéluctable. -
Extrait
- Je peux vous demander ce que vous faites ?
- Rien, je pensais me foutre en bas du train...
- C'est tout ?
- Ouais.
- Non, parce que fracasser une fenêtre à trois cents kilomètres-heure, ça décoiffe, hein ! Et comme je suis assis près de vous...
- Foutez-moi la paix !
- Non mais, ça va pas la tête ?
- Ben justement, je n'ai plus ma tête.
- Où l'avez-vous mise ?
- Elle était là, il y a une semaine à peine et tout à coup, fouitt !
- Mais ce n'est rien, ça. Vous voyez ma tête là ? Eh bien, il y a trois mois, je l'ai égarée un matin, en me levant.
- Oui, mais vous, vous avez une grosse tête, c'est plus facile à retrouver.
Maurice Soudeyns nous avait donné en 2011 Qu'est-ce que c'est que ce bordel ! ces savoureux dialogues teintés de poésie et d'humour. Le voici qu'il nous revient avec Doucement, doucement ! neuf nouvelles sous forme de dialogues, tous aussi suaves et désopilants, toujours si près de l'absurde et avec cette prise de vue sur le présent qui ne laisse personne indifférent : les lire, c'est les entendre tant ils sont vivants d'actualité !
« Pourquoi s'en tenir aux histoires dont le récit est logique, avec un début et une fin, et qui sont écrites dans une syntaxe approuvée par l'Académie lorsqu'on peut faire exploser les formes du connu ? Dans Qu'est-ce que c'est que ce bordel ! Maurice Soudeyns revisite l'art [de l'écriture] : des dialogues accrocheurs et fort intelligents, un pur délice pour l'esp -
Rémi, militant écologiste et anti-néolibéral, n'a plus le goût de changer le monde depuis que son amour, Catherine, sa « Sauvagesse », a été assassinée de façon violente. Devenu insupportable, un danger pour lui-même et son entourage, il part panser ses blessures dans un petit campe isolé situé aux abords du parc La Vérendrye, en pays algonquin, espérant être soigné par la nature. La garde inopinée de sa petite fille et... de la sauvage Ève, fille de son amour en allé, favorisera le retour à la vie. Enfin, ce roman dénonce l'aliénation des Amérindiens et leurs difficultés à s'en sortir.
« J'ai légèrement tourné la tête, je l'ai vu dans toute sa magnifique splendeur et j'ai compris instantanément le sens du mot Majesté. Rien à voir avec la vulgarité des vieilles pourritures couronnées et entretenues comme des catins que des armées de courtisans s'évertuent, contre tout bon sens, à garder vivantes. Cette majesté-là appartient à la beauté du monde, et son immense couronne atteste de la place qu'Hercule occupe tout en haut de la hiérarchie des espèces avec lesquelles je partage mon dernier havre. Je n'en ai jamais vu de semblable : une bête lumineuse, puissante, fière. Mes yeux se sont à peine posés sur lui, j'ai su que l'orignal était le prince de cette petite république dont j'ai fait mon royaume. Pour une des rares fois dans ma vie, je me suis incliné. »
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Carl White croyait que son existence était tracée d'avance. Plus de surprises, plus d'enthousiasme, plus la moindre envie de rien. Depuis trois ans, il perd sa vie comme photojournaliste de nuit affecté aux faits divers pour le journal Le Jour, il végète dans un monde nocturne étrange, peuplé de policiers, de dépanneuses et de corps mutilés, quelque part entre la vie et la mort.
Mais en pleine canicule arrive Tania Ficanemo, la nouvelle recrue de L'Express, journal concurrent. Décidément trop vive, trop intelligente, trop belle. Trop. Se tenir loin d'elle semble la meilleure attitude à adopter.
Dans la nuit du 5 au 6 juillet, un accident qui crée une véritable onde de choc dans les médias survient : le ministre de la Justice, percuté par un chauffard, est trouvé mort. Rien pour émouvoir Carl, pourtant aux premières loges. Il a d'autres préoccupations, plus immédiates : tenter d'ignorer Tania tout en cherchant comment avoir le dessus sur elle lors du prochain événement à couvrir. Tania : appuyer sur le frein et sur l'accélérateur en même temps. Attirance. Méfiance.
Cependant, quand les cadavres commencent à s'accumuler autour d'eux, Carl et Tania sont happés par une histoire qui les dépasse, forcés de découvrir ensemble la vérité sur la mort du ministre pour sauver leur propre peau. -
Avec Sand Bar, le dandy américain clôt une trilogie ayant débuté dans les années 1990 avec L'Amérique (XYZ, 1993) suivi de 111 Wooster Street (VLB, 1996). Dans cette fresque touchante, Jean-Paul Daoust dévoile les origines de son américanité en nous confiant de petits tableaux intimistes ayant pour toile de fond le Sand Bar, situé dans le nord du Michigan, où l'auteur a vécu régulièrement à partir de ses onze ans.
Les récits, qui prennent le pouls de cette Amérique toujours surprenante et fascinante, nous plongent dans l'univers animé du Sand Bar avec ses personnages colorés tels la Tante hystérique, l'original Neveu de Salaberry-de-Valleyfield, l'Oncle alcoolique et les barmaids excentriques qui préparent des drinks exotiques - des daiquiris aux pink lady en passant par les Singapore slings et les velvet hammers - pour des clients tout aussi loufoques. -
Celle d'avant, celle d'après
Louis-Philippe Hébert
- Lévesque
- Réverbération
- 30 Octobre 2012
- 9782924186091
Voici l'histoire d'un homme qui n'a rien appris. Il pourrait s'appeler François Brodeur ou John O'Keefe. Il préfère rester anonyme. Il a ses raisons.
Il a d'abord été un commis dévoué, vendeur dans une boutique mexicaine ; il est devenu libraire, spécialisé dans les rayons des livres de voyage, puis il a fini par vendre de la poterie venant du Mexique.
Tout le monde le tutoie. Pourtant, lui, il vouvoie tout le monde. Il n'a qu'un seul désir : s'accrocher. S'agglutiner serait mieux, mais à qui et à quoi ? Même sa mémoire lui fait parfois défaut. Le décor s'écroule autour de lui.
Le commerce où il travaillait était condamné tout comme l'immeuble où il se trouvait ; la maison où il avait sa chambre a été démolie pour céder la place à un hôtel de prestige ; son exigeante patronne lui voue un amour dans lequel il n'est qu'un exécutant, puis elle le congédie.
Et la femme qu'il aime a disparu.
Mais la vie, serait-ce celle d'un pion, recèle bien des secrets surtout lorsque, comme au jeu d'échecs, le pion atteint la dernière rangée de l'échiquier.
On comprend alors qu'il y a des limites à abuser de quelqu'un... -
« À l'injonction "Soyez spontané !", je réponds "Présente !" et je m'en vais. De toute manière, la vraie vie est ailleurs. Ne me reste qu'à la retrouver puisqu'elle se déplace constamment. Rien n'est simple sur cette planète. » (Extrait tiré de la nouvelle « Générique »)
Quand, adolescente, France découvrit la poésie d'Arthur Rimbaud, elle en fut éblouie. Cela dit, une des lettres que le jeune poète avait écrites à Georges Izambard, son professeur, la plongea en des abîmes de perplexité. À son maître, l'élève disait que Je est un autre. Qu'avait-il bien voulu dire ? Et puis, le temps a passé. France enseigne la littérature depuis plus de vingt-cinq ans. Or, elle est toujours hantée par cette « autre » qui l'habite silencieusement. Elle a pensé que la seule manière d'élucider ce mystère était de se lancer dans l'écriture de sa propre vie. Alors, le cerveau en feu, France a fictionné des épisodes marquants de son existence, qui est aussi celle de l'« autre ». -
Qu'est-ce que c'est que ce bordel!
Soudeyns Maurice
- Lévesque
- Réverbération
- 5 Octobre 2011
- 9782923844695
Ici, le poète s'éclate et quitte son univers habituel pour nous proposer de courts dialogues, dont certains sont criants d'actualité. Le « bordel » auquel Soudeyns nous convie est celui du mois de septembre qui s'absente sans permission, ou celui de l'inspecteur de l'heure avancée qui se conduit comme un fonctionnaire véreux, ou celui, non moins désopilant, du portier du paradis qui négocie les sièges à la porte, ou encore, celui du taxi de la langue qui se fait pincer par un inspecteur de la langue française.
Seize textes donc, seize petites perles empreintes d'un humour fin souvent près de l'absurde. On rigole beaucoup, on réfléchit aussi. Une belle surprise ! -
« Comme un bouton s'épanouissant parmi des roses qui fanent, la princesse Kim lève son mince regard vers le soleil de son amour qui cherche à lui dire des mots doux comme un bruissement d'ailes mais, ne les trouvant pas, se contente de sourire des yeux et des lèvres. Main dans la main, les nouveaux amants s'écartent des curieux et s'en vont dans le jardin, parmi les monuments de marbre plus discrets, échanger des voeux, des promesses, des serments, prenant à témoin tout ce qui, sur terre et dans les cieux, est immuable, immortel et divin.
La princesse, que tant d'émotions finissent par vaincre de fatigue, retient mal un premier bâillement qu'elle bâillonne de sa main, et penche bientôt de sommeil sa tête sur la poitrine accueillante de Victor Chan gonflée d'orgueil et de désirs. »
Nuages est divisé en trois parties de neuf nouvelles : « Cirrus », « Cumulus » et « Nimbus ». Les nouvelles y sont parfois sombres, parfois humoristiques. Le style de l'auteur y est, comme toujours, subtil et tout en nuances. -
L'auteur d'une fiction est juge et partie face aux personnages qu'il a imaginés.
Que penser d'un chercheur rangé, projeté par les circonstances dans une carrière politique où l'ivresse de la popularité personnelle et les occasions d'aventures extraconjugales bouleversent la vie familiale et l'équilibre personnel ? De son épouse qui, aux prises avec de graves difficultés de santé, demeure à ses côtés malgré la perte de leur complicité amoureuse ? De leur ado de fils qui choisit ce moment pour se lancer dans des dérives idéologiques puis religieuses qui ont tout pour emmerder ses géniteurs ? Et franchement, ces gens ont-ils encore quelque chose à faire ensemble ?
Les personnages ont opté pour un procès avec jury... soit vous, public lecteur.