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Le Quartanier
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Donaublau, 1963. Berta, depuis longtemps internée, reçoit la visite de son ex-mari, Wilhelm. Chauffeur et homme à tout faire, « représentant souriant de sa nation », il s'est entre-temps lié à Wilhelmine, amie de Berta.
Pendant leur mariage, Berta, farouche et pensive, a tenté de se résigner à la vie domestique et de sauver ses enfants ainsi qu'elle-même du poids des choses. Avant que le drame ne la prive de parole, elle avait pour habitude de dire : « Un homme te fait une promesse et tu es perdue. » Le premier fut Rudolf, fiancé qui l'a mise enceinte puis est mort sur le front de l'Est sous les yeux de son frère d'armes, Wilhelm.
Ce roman satirique, diamant noir primé à l'humour féroce, est le premier de Marianne Fritz, autrice d'une oeuvre culte en Autriche, admirée par Jelinek et Sebald. À la rigidité petite-bourgeoise de l'après-guerre elle oppose dans ce livre une écriture de rêves, de désirs et de souvenirs, et par là esquisse pour son héroïne une échappatoire à sa condition. -
Si Friederike Andermann n'avait pas cru en son travail, elle n'aurait pas gravi un à un les échelons de la carrière diplomatique ni supporté l'ennui de la bureaucratie ministérielle, l'angoisse de la zone verte à Bagdad et le désarroi de se voir démise de ses fonctions d'ambassadrice d'Allemagne en Uruguay après le meurtre d'une ressortissante, fille d'une baronne de la presse.
Devenue consule à Istanbul, Fred s'efforce d'obtenir la libération de Meral, intellectuelle dissidente à la santé qui décline, et d'aider son fils, interdit de sortie du territoire pour avoir participé à une manifestation pro-kurde à Berlin. Quand elle découvre que les autorités turques tiennent cette information de la police fédérale allemande elle-même, et que son ami journaliste se retrouve à son tour dans le collimateur du régime, Fred décide de prendre les choses en main.
Avec cette satire politique pince-sans-rire, Lucy Fricke signe un roman brûlant d'actualité, sur la fragilité des relations internationales, les dérives autocratiques et la diplomatie de crise. Elle dresse le portrait d'une femme d'action qui a dû apprendre la patience, d'une diplomate jusqu'ici exemplaire qui, tiraillée entre sa mission et ses idéaux, refusera de rester impuissante. -
Rivés à leurs écrans, les agents veillent à la bonne marche d'un monde qui tourne sans eux. Dans des box blindés, dans de hautes tours de verre d'un autre siècle, ils travaillent et luttent pour conserver leur poste, buvant du thé, s'achetant des armes. Tous les moyens sont bons. Ruse, stratégie, violence - guerre totale. Parce qu'il y a pire que la mort, pire que la Colonne Rouge. Il y a la rue, où règnent les chats, le chaos, l'inconnu.
Roman dystopique aux accents kafkaïens, dans la lignée du J. G. Ballard de la trilogie de béton et des oeuvres obsessionnelles de Philip K. Dick, Les agents raconte un monde où l'aliénation du travail est devenue la loi généralisée et machinique en vertu de laquelle tous s'affrontent pour survivre - où la solidarité est une arme à double tranchant. -
La version qui n'interesse personne
Emmanuelle Pierrot
- Le Quartanier
- Série QR
- 12 Septembre 2023
- 9782896986347
Elle croyait qu'ici, à l'autre bout du monde, au confluent de la rivière Klondike et du fleuve Yukon, elle aurait le droit de vivre libre. De coucher avec qui elle veut, d'aimer qui elle veut, à visage découvert et sans honte. Mais la femme sans honte se déshonore - et contre la femme sans honneur, tous les coups sont permis.
À dix-huit ans, Sacha et son meilleur ami Tom quittent Montréal sur le pouce et aboutissent à Dawson City, au Yukon, où ils trouvent enfin la communauté de punks, d'anars et de vagabonds dont ils rêvaient. Ils adoptent une chienne-louve, Luna, et s'installent sur la Sixième Avenue, dans une cabane sans électricité ni eau courante. De jobs d'été en hivers chômés, de nuits blanches en road trips, d'amantes en amants, des années joyeuses passent dans un monde immense. Mais quand Sacha tombe amoureuse d'un autre, Tom se sent trahi : Sacha n'est qu'une pute, une profiteuse qui mérite d'être punie. Il répand son fiel ; le village choisit son camp. Puis la pandémie frappe. En quarantaine dans une cabane isolée, seule avec un coloc dont elle doit repousser les avances pressantes, Sacha compte les jours, tandis que les Dawsonites confinés font son procès.
La version qui n'intéresse personne, c'est l'histoire inouïe et cruelle d'une victime imparfaite qui, comme si c'était tout naturel, deviendra l'accusée. C'est le cri d'impuissance et de rage qu'elle adresse à celles et ceux qu'elle voyait comme son unique famille, afin que son humanité lui soit rendue. C'est son ultime tentative d'être comprise, crue, aimée. Avec ce premier roman déchirant et subversif, Emmanuelle Pierrot porte un regard radicalement lucide sur les forces qui poussent les groupes d'humains à commettre des actes terribles en restant convaincus d'exercer la justice. -
Alain épouse Virginie en la crypte de l'oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. En apparence, ce sera le plus beau jour de sa vie - de leur vie. Tout le monde est là, les parents de la mariée, la grande amie, les parents du narrateur - Libanais d'Égypte immigrés au Québec il y a trente ans, divorcés depuis vingt, qui ne se parlent plus depuis dix. Mais, à l'approche de la célébration, Alain va plus mal que jamais. Les insomnies sont de retour, l'angoisse et la maladie aussi. Et aujourd'hui, son cousin Édouard, son garçon d'honneur, son frère, perd pied, emporté par la mécanique folle d'un déni aux proportions bibliques.
Alain prie pour que le sort les épargne, pour que ce grand jour en soit un de fête et de guérison. Or un nom resurgit au détour d'une phrase, un nom maudit remonté du fond de sa mémoire, là où gisent la honte et la douleur des années sombres, un nom que rejoignent bientôt une voix, un corps, une histoire. Un fantôme se fait chair, qui a plusieurs visages. Et tout ce qu'on a voulu oublier, tout ce qu'on a refusé de voir, tout ce qu'on a détesté vient réclamer son dû.
Comme on fait son lit on se couche. Car la vie, ya Alain, est un piège qui sommeille dans la prison du temps. Oui, la vie, ya ebni, souviens-t'en, ne dure pas: quelques joies, de grandes peines, mille secrets, mille dangers. -
La fractale Baudelaire
Lisa Robertson, Jeannot Clair
- Le Quartanier
- Série QR
- 7 Avril 2023
- 9782896986453
Dans une chambre d'hôtel, Hazel Brown découvre au réveil qu'elle a écrit l'oeuvre entier de Baudelaire. Sous le choc de cette révélation, elle replonge dans sa mémoire de fille et raconte l'époque où, poète sans le sou, elle vivait en dandy dans le Paris des années 1980 : les chambres miteuses et les garçons maigres, les gages de domestique et les fripes griffées. Si elle est sûre de sa vocation, la jeune Hazel se débat avec ses désirs. Comment incarner une autre féminité que celle, réifiée, que lui renvoient ses amants et ses employeurs, comme la littérature elle-même ?
La fractale Baudelaire est un roman d'apprentissage et un art poétique, autant qu'un voyage dans les méandres du souvenir et une somptueuse méditation sur les vête-ments, la ville, la peinture et la figure de la jeune fille. -
La vie virée vraie est un livre de poèmes minimaux, réduits à l'os. C'est un petit livre très rapide qui cherche à dire l'expérience entière et vertigineuse d'une vie de trente-six ans. Un livre où se rejouent l'enfance, la relation au père, au genre et au sexe, et que parcourt une animalité furtive, insistante - antilope, hirondelle, serpent, crabe, poney. La vie virée vraie embrasse le mouvement de la conscience qui se découvre consciente d'elle-même, pesante, angoissée, désirante, nostalgique d'une certaine sauvagerie - la bête, toujours la bête.
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Envies puise à la violence qui dresse les femmes contre elles-mêmes et les unes contre les autres. On y lit des poèmes fielleux et tendres, cyniques et affligés, qui racontent des existences inaperçues, éclipsées par la superbe de celles qui ont tout. Isolées, produits d'un contexte qui les dépasse, agitées par un désir vorace, les femmes d'Envies se sabotent, pleurent et se vengent, pensant à voix haute ce que tant d'autres disent tout bas.
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Quand j'ai emménagé coin Cuvillier et Sainte-Catherine, dans Hochelaga, je pensais avoir tout gâché, tout perdu. Autour de mon appartement, il y avait les ouvrières et les enfants d'autrefois, il y avait les filles de la rue, leur présence comme une menace, mais aussi un mystère, un espoir. Un jour je descendrais les rejoindre, pour de bon.
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Avant la guerre, Carel Ender habite à Privine. Il est fonctionnaire de l'administration impériale. C'est toujours mieux que ce qu'en attendait sa famille.
Ses amis se nomment Isabelle Van Duyck, fondatrice d'une résidence utopique; Jean Faber, militant politique de gauche; Nina Fischer, journaliste de renom donnant de son temps au Secours des réfugiés; Ilya Rehberg, jeune dramaturge intéressé par la « question kadienne »...
Puis la grande histoire tombe sur Privine, et efface le souvenir de cette communauté.
Des années plus tard, l'historienne Sabine Oloron rencontrera le nom de Carel Ender dans ses recherches. Peut-être saura-t-elle dire la morale de cette fable. -
Une boîte de carton, une cassette, un téléphone, une radio. Le décor est dépouillé. Le corps est en convalescence, improductif, à l'écart du monde. Du fond de la pièce s'échappent des murmures, bientôt des phrases. Ce ne sont pas des gens. Ce sont des voix à la radio. Pendant des jours, des mois, des années, ces voix trompent la solitude et la douleur.
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Freak out in a moonage daydream
Nicholas Giguere
- Le Quartanier
- Série QR
- 19 Octobre 2021
- 9782896985401
Tandis que le major Tom attend de mourir dans sa capsule spatiale, l'homme qui a vendu le monde écume eBay en quête d'une santé mentale. Ziggy Stardust et les araignées de Mars, nouveaux messies, proclament que la terre s'est désintégrée il y a cinq ans et que, tous, nous vivons dans une simulation. Schizophrène au visage foudroyé, Aladdin Sane cherche les parcelles de son âme aux quatre coins du globe : Détroit, Paris, Londres, Kether, Malkuth. Halloween Jack, dans les ruines du Manoir Playboy, pulvérise le rêve américain en direct. Un pierrot assis sur un tas d'immondices noue un noeud coulant, comme il l'a appris chez les scouts. Mais David Bowie, lui, ne mourra jamais. Il vit dans ce livre et il vit en moi. Et il se peut que désormais, par ce livre, je vive en lui.
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On lui avait promis l'égalité des sexes et l'épanouissement maternel: aujourd'hui, dans un Paris engourdi par les attentats, entre la garderie et le cabinet de sa psychanalyste, une enfant des années quatre-vingt cherche ce qui a mal tourné - si quelque chose a mal tourné. Sur les rives du lac Huron, une adolescente et ses frères traversent un été brûlant dans une ville sans avenir, à l'ombre d'une centrale nucléaire. Un jeune artiste d'origine kabyle en route vers New York reste coincé à Montréal après ce qui ne devait être qu'une escale, le matin du 11 septembre 2001. Un couple gardant une villa d'architectes sur l'île de Vancouver sombre dans le cauchemar. De motel en motel, un garçon et sa mère suivent un faux prophète sur les routes de la Nouvelle-Écosse. Un vieux cowboy met au jour un secret, une danseuse retrouve le souvenir d'une ancienne amante, et un père prend sa fille en flagrant délit.
Western spaghetti, ce sont huit voix vibrantes qui, avec tendresse et cruauté, racontent la vie secrète des familles, les trahisons et l'attachement que rien ne saurait rompre. Elles racontent la fuite en avant, la rédemption, ce moment où tout bascule, où tout pourrait changer. -
Entre le conte de fées enragé et la reprise hallucinée des récits d'apprentissage, entre la forêt de Sainte-Amère-de-Laurentie et la grande ville électrique, La dévoration des fées raconte le sort de la p'tite, de Grand-maman et de Blanche absente. Mais le récit est ravalé par le chant, le mythe, la fantasmagorie, et une poésie féroce et primordiale hante la narration. OEuvre baroque et mal embouchée, La dévoration des fées est traversé de sortilèges crachés ou lyriques, dans une scansion affamée, bourrée jusqu'aux yeux de désir.
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Cette histoire est celle de Jeanne. C'est elle qui la raconte. Pour soulager son coeur, expulser sa colère, ne plus être triste. Son histoire, elle l'adresse à celui qu'elle a aimé. Celui qui ne l'aime plus. Celui qu'elle voudrait oublier, enfouir sous le sable de Cape Cod, avec tous les souvenirs qui lui sont associés. Sa maladie, son sang, leur noyade. Hantée par la figure de Virginia Woolf, Jeanne imagine se consoler dans le déferlement des vagues. Elle raconte les hémorragies utérines qui soulèvent le corps, l'engloutissent et le recrachent un peu plus vide, un peu plus lourd. Elle parle de sa fatigue d'être mère et des enfants qu'elle désirait, qu'elle ne pourra plus avoir. Pourtant, quelque chose se passe à mesure que Jeanne se raconte. Les morceaux épars de sa vie s'assemblent, deviennent plus réels, cessent de lui appartenir, la quittent. Mais les blessures ne s'effacent pas, et pardonner est impossible.
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Lutterie électrique ; sur une certaine facon de se conduire
Stève Savage, Samuel Rochery
- Le Quartanier
- Série QR
- 27 Octobre 2020
- 9782896984831
Lutterie électrique porte sur des questions de poétique propres à l'oeuvre de Samuel Rochery. Il prend la forme d'un échange entre le poète Steve Savage et l'auteur, afin d'élucider les raisons, parfois simplement les causes, d'une position qui peut s'entendre comme la fabrication d'un instrument de lutte, pour que puisse passer un courant dans la langue, au-delà de ce qu'on range déjà sous le nom de littérature. On y cherchera à savoir comment s'articule l'improvisation à l'idée du livre achevé, pourquoi et comment lier la musique rock à la poésie, en quel sens une figurine peut remplacer le personnage littéraire, en quoi le poète est lyrique (comme tout le monde), et en quoi il lui appartient de faire autre chose de son lyrisme. Comme dans tout entretien, on y parlera aussi de choses légères et graves, personnelles et générales, on digressera sur la mémoire, le politique, Steve Albini, le karaté, la philosophie. Au final, cet échange permet d'esquisser une pensée de l'écriture comme «petit art de la recherche live».
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Le but, c'est de prendre un civil et de le convaincre que, soldat, il devient quelque chose d'autre, quelque chose de plus et de mieux que tout ce à quoi peut aspirer un civil. Maintenant, tu as le privilège de faire partie de nous. Maintenant, une partie de toi pourra disparaître dans la tombe du Soldat inconnu. Comment? Grâce à l'uniforme, grâce au fusil. Pendant un été, il n'existera plus rien que l'honneur de t'effacer dans l'arme et le costume qui vient avec. Le temps d'un cours, tu n'auras besoin de rien, tu ne demanderas rien, silencieux, anonyme, inébranlable et prêt à obéir aux ordres, car les ordres proviennent de la Reine en passant par le ministre de la Défense, le peuple canadien et ultimement ta famille, dont tu es le héros. Maintenant, ta plus grande dignité, c'est le sacrifice de ta personne pour le service. Ce sacrifice, c'est pour les autres que tu le fais, c'est pour eux que tu portes cet uniforme, et c'est en leur nom que tu tireras chacune des balles de ce fusil.
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À l'école, quand on nous demandait ce que nos parents faisaient dans la vie, je n'avais rien à répondre, car mes parents ne faisaient rien. Ce n'était pas leur faute. Je ne comprenais pas pourquoi ils avaient fait un enfant. Ils m'ont eue, mais nous avons failli être deux. Souvent je me dis qu'ensemble il aurait été plus facile de vivre avec eux, d'obéir à ceux qui ne désiraient rien créer. À la place, je suis deux. Je ne peux ni te libérer, ni t'avaler pour de bon. J'ai dû apprendre. J'ai grandi avec toi, je suis partie avec toi, vers une lumière que moi seule arrive à voir. Ce n'est pas juste, mais c'était la seule solution.
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En 1854, Victor Hugo est en guerre contre Napoléon III et dialogue avec l'esprit de Shakespeare. Pendant ce temps, dans le nord-est de l'Amérique, des millions d'ouvrières et d'ouvriers travaillent dans l'anonymat des usines. En 1914, à New York, Marcel Duchamp propose un urinoir en guise d'oeuvre d'art. À la même époque, au Monument national de Sherbrooke, on assiste à des conférences sur l'hygiène domestique.
Pourquoi nos destins sont-ils si différents, qu'est-ce qui fait que nos vies sont si riches ou si pauvres ?
Dans le Sherbrooke actuel, Paul est perdu. Sa mère décline, et ceux qui en ont la garde ne pensent qu'à l'attacher. Sa fille, Ophélie, est obsédée par Dying Lucy, un site internet qui montre une enfant malade maintenue dans des conditions sordides. Et puis il y a Sarah, son ex, qui lui reproche son manque d'envergure et rêve de changer de vie.
Que doit-il faire de son temps, à quoi son existence peut-elle servir, à quoi devrait-il s'intéresser ?
Le caprice d'un inconnu, venu d'Europe, semble la seule aventure possible. -
Avaleuse d'eau mortelle, aux abois, tombée de la branche, elle cuve au vent son poison, son philtre, sa drogue, son remède, et retrouve au sol son frère guéri par la foudre. Le pacte est scellé et l'odyssée commence, contre la mort toute-puissante criée à l'oreille. Corps lancés, gueule ouverte, dans les forêts, les coulées, les ravins, franchissant les barrages la tête au ciel. Corps excités par une langue addictive et haletante, par une langue qui donne à la vie une soif égale à la sienne. Qui boira la ciguë, qui mourra de la soif, qui vivra verra.
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Le Quartanier réédite Corps étranger, de Catherine Lalonde, qui a remporté en 2008 le prix Émile-Nelligan. Cette oeuvre confronte désir et sauvagerie, lyrisme et prosaïsme, s'adressant à ce qui excède, à l'autre, à ce qui fait mal, la parole s'incarnant au coeur de la rencontre sexuelle. Impossible de ne pas mesurer, plus de dix ans après la parution du livre aux éditions Québec Amérique, toute la puissance de cette langue, inventive et riche d'une tradition poétique québécoise reprise à son compte et au plus près du corps. La poète se donne par nécessité cette langue propre, c'est-à-dire sale, poétique, vulgaire, sublime, la langue de la mauvaise fille mauvaise héritière, dont le corps, la douleur, la jouissance, la mémoire et tant de noms de femme ont un impérieux besoin - pas moins aujourd'hui qu'hier.
Tu prends mes côtes tu les sépares tu manges
mon coeur à mains nues
de vieilles bouchées de légende
salmonellose mon sacrament et tes menteries d'aorte
je regarde ailleurs et tu arraches mes seins
deux pendentifs made in Taïwan
un pour toi un pour moi
souvenirs en forme d'âme cheap
de fleur de lys Dollarama. -
L'enfer de Dante mis en vulgaire parlure
Antoine Brea
- Le Quartanier
- Série QR
- 19 Août 2021
- 9782896983964
Au milieu de l'antif de notre vie
je me paumai en forêt fort obscure,
où y avait plus de droite voie qu'on vît.
Ah ! en causer c'est pas la sinécure
de cette forêt sauvage qui mord.
L'idée m'en refait froid au dos : je jure
que n'est pas plus effroyante la mort !
Mais pour le bon qu'aussi j'y rencontrai,
je dirai ça que je me remémore.
Qu'on se rassure, ceci n'est pas vraiment une traduction. Plutôt une variation, une révision. Un hommage et un éclat de rire. Où l'invention langagière, mâtinée d'archaïsmes et d'antépositions loufoques, puise dans l'argot pour composer la « vulgaire parlure », sorte de miroir renversé du « vulgaire illustre » théorisé ailleurs par l'auteur de la Comédie. Une mutation grotesque s'opère ainsi au coeur du texte, qui n'en respecte pas moins la rime tierce et une métrique régulière, et qui au fond, peut-être, ne fait que pousser à son paroxysme le comique de style, sinon de contenu, de l'original. -
Tout au long de son enfance, Carolus avait réalisé une oeuvre pléthorique, protéiforme, fragmentaire, en tout cas entièrement inédite. Celle-ci avait été archivée dans une série de boîtes. Qui avaient été déposées chez moi. Il fallait bien qu'un événement m'obligeât à les ouvrir.
À l'occasion de la parution de son roman L'inexistence, Le Quartanier réédite cette courte fiction de David Turgeon parue en 2013, dans une version revue par l'auteur. D'une justesse poignante, La raison vient à Carolus est le récit d'une enfance marquée par la solitude, l'imagination, la dualité, l'obsession pour les histoires et les livres. -
Il est dans ce livre question d'entrer dans une image. Cette image est une vie, un théâtre coupé en deux. Au milieu, il y a une forêt et il y a la nuit. Il y a aussi une rivière et une salle de cinéma. Quelqu'un entre dans la chambre et s'installe devant le miroir pour lire un roman d'amour. Personne d'autre ne vient. Au matin, on ne sait plus très bien comment sortir. On le regrette. On doit dire la vérité. Peut-être est-il temps d'apprendre à vivre. L'idée est belle, et la beauté compte, mais on s'attache facilement à ce qui nous encercle. On cherche une histoire bleue comme le ciel et on écrit un poème interminable. Il faut aller jusqu'au bout. Le rideau est lourd, on n'y arrivera jamais. La douleur est lente. À la fin, un enfant apparaît. C'est mon fils. Il dort dans la clairière.
Vie nouvelle est un livre d'éducation sentimentale. Je l'ai écrit comme on choisit une vie.