Longtemps restés confidentiels, les écrits de Gyrgy Ligeti (1923-2006) constituent un document essentiel ; non seulement parce que ce sont ceux de l'un des plus grands compositeurs de son époque, mais aussi parce qu'ils développent une pensée originale et profonde qui se distingue de celle de ses contemporains. Le fait que Ligeti ait intégré tardivement le cercle de Darmstadt après avoir fui la Hongrie en 1956, alors qu'il avait déjà composé des oeuvres majeures dans le sillage de Bartók, a favorisé son approche critique de la situation musicale, et en particulier du sérialisme. Dans les essais écrits au tournant des années cinquante et soixante, il fonde sa propre démarche en faisant apparaître les contradictions de la composition sérielle comme celle de Cage. Une partie importante des textes est consacrée à l'oeuvre de Webern, que Ligeti découvrit à ce moment-là. Plus tard, ses réflexions témoignent de son ouverture d'esprit, de la recherche de voies nouvelles, et d'un éclatement des références : elles ont un caractère autobiographique plus marqué. S'y ajoutent de nombreux témoignages et des hommages qui ne concernent pas seulement les musiciens, et qui font apparaître la grande humanité du compositeur. Ligeti, dans chacun de ses textes, va droit à l'essentiel ; son style est d'une grande clarté, évitant tout jargon. Avec une érudition immense, il convoque aussi bien les peintres, les écrivains et les scientifiques que les musiciens. La sobriété de l'écriture, chez lui, est articulée à l'humour et à l'auto-ironie ; la précision à une imagination fantasque. Les sujets les plus divers sont abordés : en plus de Bartók, Webern et le sérialisme, qui sont le coeur de sa réflexion, la pédagogie, la pensée du timbre, l'espace, l'écriture moderne pour orgue, la nouvelle musique américaine... Avec ce troisième volume publié par les éditions Contrechamps, c'est l'ensemble des écrits de Ligeti qui sont désormais disponibles en français. Il vient en effet après les Neuf essais sur la musique parus en 2002 (deuxième édition en 2010) et le recueil intitulé L'Atelier du compositeur paru en 2013. La traduction française, comme pour les précédents volumes, est de Catherine Fourcassié.
Dans ce livre qui complète une série d'études menées sur la culture durant l'époque nazie, l'historien Michael Kater suit le parcours de huit compositeurs très différents les uns des autres, auscultant le comportement d'artistes qui avaient déjà, au moment de l'avènement de Hitler en 1933, une réputation dans la sphère musicale allemande et internationale. Son étude minutieuse, qui s'appuie sur une documentation en partie inédite, d'une exceptionnelle richesse, suit la trajectoire de personnalités qui choisirent ou bien la collaboration et l'opportunisme, ou bien la résistance et l'exil. Dans la première catégorie, les deux compositeurs postromantiques, Strauss et Pfitzner, s'accommodèrent du pouvoir nazi au nom de la grande tradition germanique ; Hindemith partageait cette position, mais le modernisme qu'il avait incarné sous la République de Weimar suscitait un rejet qui le contraignit finalement à l'exil. Orff et Egk saisirent l'occasion de faire carrière et de représenter la nouvelle Allemagne par leurs oeuvres et leur activité. À l'opposé, Schoenberg et Weill, qui étaient juifs, prirent immédiatement le chemin de l'exil. Hartmann, enfin, cessa de composer, restant à l'écart de la vie publique jusqu'à la fin de la guerre. Ces huit destins croisés mettent cruellement en jeu les rapports entre l'esthétique et la politique, sur fond de lutte entre les Anciens et les Modernes.
Ce volume regroupe tous les essais de Carl Dahlhaus sur la Musique Nouvelle publiés entre 1965 et 1971. Ils traitent des problématiques soulevées par la musique de l'après-guerre, sous un angle tantôt technique, tantôt esthétique, tantôt sociologique. Les questions du rythme, du timbre, de la notation, du matériau, de la forme croisent ainsi les concepts d'avant-garde et d'oeuvre autonome, les problèmes du sens et du non-sens, de la musique engagée, des genres musicaux... La méthode de ce musicologue aux connaissances encyclopédiques vise à cerner aussi objectivement que possible une notion, une idée, une oeuvre ou une tendance tout en les replaçant dans un vaste contexte esthétique et historique. Elle se présente ainsi comme une médiation indispensable entre les oeuvres proprement dites, les conceptions qui leur sont liées, et une réception riche de sens. « La réflexion qui s'attache à la musique, ou même à la littérature, n'est aucunement étrangère à la musique : elle en fait partie en tant qu'événement historique, voire en tant qu'objet de perception. Ce qui se perçoit de la musique dépend, en partie, de ce qu'on a lu à son propos ».
Dans ce volume d'écrits faisant suite aux Neuf essais sur la musique publiés antérieurement, Gyrgy Ligeti (1923-2006) nous fait entrer dans son atelier de compositeur. Se trouvent ici réunis non seulement tous les textes qu'il a consacrés à ses oeuvres, mais aussi tous ses écrits autobiographiques. Le regard porté sur une vie mouvementée ou sur sa judéité, les souvenirs et les prises de position polémiques, les commentaires d'une étonnante précision sur ses propres compositions, témoignent tous d'une extrême lucidité, celle d'un artiste ballotté par les vents contraires de l'histoire, partagé entre plusieurs pays et plusieurs cultures, mais toujours suprêmement libre. Représentant critique d'une avant-garde musicale qu'il n'a cessé de bousculer, cet ennemi acharné de toute idéologie, qu'elle fût politique ou esthétique, fut un artiste à la fois rigoureux et plein d'une fantaisie débridée, un penseur et un artisan. Ses textes constituent un témoignage précieux et une source indispensable d'informations. Un troisième recueil, consacré à ses essais et à ses réflexions esthétiques, viendra clore cette édition complète des écrits de Gyrgy Ligeti.