Environ 320 000 des 360 000 soldats belges mobilisés ont survécu à la Première Guerre mondiale. Dès leur retour, ces anciens combattants sont devenus un puissant mouvement social qui allait régulièrement donner du fil à retordre à l'establishment belge. Dans ce livre, Martin Schoups et Antoon Vrints mettent en lumière le zèle politique incessant des anciens combattants belges. En tant que survivants, ils se considéraient comme porteurs d'une dette morale envers leurs camarades tombés au combat. Ils étaient convaincus que, du fait de leur implication dans la guerre, ils méritaient d'être reconnus et qu'ils avaient un rôle important à jouer dans la société belge. Après plus de quatre années de violence, les anciens combattants ne se sont pas contentés d'un simple retour à leur existence d'avant l'été 1914.
Quand a commencé la paix après la Grande Guerre ? Comment se sont reconstituées les activités économiques, les sociabilités, les fêtes ? À partir de l'exemple des Ardennes, seul département occupé pendant toute la guerre, ravagé en 1918 par les combats de la libération, 20 chercheurs interrogent le retour à la normale. La sortie de guerre est ici une longue période transitoire qui se poursuit pendant toute la décennie des années folles. La population traverse des années de résilience, entre espoir du retour à la quiétude passée et adaptation nécessaire à la réalité d'une société ébranlée. Parce qu'ils ont utilisé les fonds d'archives qu'ils pratiquent chacun dans leur champ d'études (histoire sociale, politique, culturelle, religieuse, économique, etc.), les auteurs ont inscrit la situation ardennaise dans un cadre plus vaste. Leur regard éclaire ainsi la situation d'autres départements occupés ou/et sinistrés par les combats, voire la société française dans son ensemble.
En 1914, la résistance de la place-forte de Maubeuge fut la plus longue. Elle suscita une vive polémique politico-militaire autour du gouverneur Fournier, laissant cours à deux légendes : l'investissement par 60 000 Allemands et si « Maubeuge avait tenu 24 h de plus » le sort de la guerre eut été changé. Le journal du viie CAR de von Zwehl publié en 1921, ignoré pendant un siècle et retrouvé à Zurich consultable grâce à une traduction et une étude critique, met en évidence les erreurs d'estimation du plan Schlieffen, la présence de 25 000 Allemands, les retards d'approvisionnement en munitions, la perte de 25 à 30 % des effectifs du viie CAR à l'issue de sa marche forcée le 13 septembre au matin sur le Chemin des Dames. L'édition de cette source, ignorée pendant un siècle, est complétée par des extraits des rapports des généraux von Bülow et von Kuhl sur le contexte militaire et deux articles de journaux mettant en avant la puissance de l'artillerie lourde. Il appartiendra au public de mesurer la réflexion de Jean Jaurès : « Dans les grandes plaines du Nord... qu'y-a-t-il pour répondre ? Le seul camp retranché de Maubeuge, un îlot surnageant dans une grande nappe d'invasion ! »...
Vivre une occupation militaire, c'est vivre avec l'ennemi. Les contributions ici réunies proposent de redécouvrir ces occupations, en 14-18 comme en 39-45 ou durant les sorties de guerre, en France et en Belgique comme en Pologne, en Afrique centrale ou en Allemagne. Entre dialogue et rapport de force, occupants et occupés s'adaptent à une coexistence imposée par le sort des armes. Les expériences françaises et belges de la Grande Guerre montrent d'abord des occupés pris entre normes de conduite collectives - imposant une distance avec l'occupant - et stratégies d'accommodation individuelle - pouvant conduire au rapprochement. De ces tensions et des souffrances de l'occupation émerge une mémoire complexe aux multiples déclinaisons locales. À une échelle plus vaste, les occupations s'avèrent en outre liées entre elles par de multiples transferts. Quels que soient la période et le lieu, les occupations passées ou éloignées contribuent ainsi à nourrir le face-à-face entre occupants et occupés
Les départements du Nord et du Pas-de-Calais, entre 1914 et 1918, vivent une situation très difficile. Environ 70 % du département du Nord et 25 % de celui du Pas-de-Calais connaissent une terrible occupation allemande. À l'ouest de la ligne de front, le territoire devient une zone stratégique pour les armées alliées, débarquant par Calais, Boulogne-sur-Mer et Dunkerque. Comment dans de telles conditions, marquées par la densité de la présence militaire et par la proximité du front, une activité scolaire et universitaire peut-elle se maintenir et pour quelles finalités ? Organisé autour de dix-neuf contributions et d'une présentation introductive, cet ouvrage décrit la manière dont les acteurs et les structures éducatives réussissent, au milieu des pires difficultés, à maintenir leurs activités, à la fois dans la zone occupée et dans la zone « alliée », luttant pour leur survie. Lorsque sonne l'heure de l'armistice, la lourdeur du bilan est obsédante pour l'École septentrionale qu'il faut reconstituer.
Léon Noël, Noël Léon. Beau palindrome. Signe d'une aptitude à se retourner au gré des circonstances ? Une vie de 99 ans marquée d'une indéfectible fidélité à l'Etat, mais dans tous ses états ! Un talent pour être là lorsque la décision se prend ou quand l'action s'impose. Une habileté à jouer les éminences grises : séparation de l'Eglise et de l'Etat, c'est déjà lui, occupation de la Rhénanie, ambassadeur, ou plutôt proconsul, en Tchécoslovaquie et en Pologne (où il défait et refait le gouvernement), c'est encore lui. Mais le voici, hélas, dans le wagon de Rethondes, face à Hitler, et délégué général de Pétain pour la zone Nord. Vacillement ? Les uns le voient en dauphin du Maréchal, les autres en successeur de Jean Moulin. A partir de 1947, c'est de Gaulle. Pour toujours. En conseiller, en confident. Député de l'Yonne d'une Quatrième honnie, il est élu du RPF, contre la Communauté européenne de défense. En récompense, la Cinquième instaurée, c'est le couronnement : la première présidence du Conseil constitutionnel, une institution dont on parle encore beaucoup, qui paraît moins impartiale et indépendante qu'on ne l'a cru... Résister ou pas, et comment, aux pressions de l'exécutif ? Pas simple, surtout quand l'enjeu est l'élection du président de la République au suffrage universel ! Passions françaises, enjeux internationaux, défis constitutionnels, cette biographie est une grande leçon de science politique. Une fine coupe historique qui épouse le xxe siècle.
La Grande Guerre a fortement marqué les sociétés occidentales du xxe siècle jusqu'à nos jours, tout particulièrement l'Allemagne et la France. Si l'histoire des conflits mondiaux leur est commune, le cheminement mémoriel de la Première Guerre diffère d'un pays à l'autre. La construction du souvenir et de la mémoire est au coeur des textes proposés, avec pour objectif de mettre en synoptique deux histoires nationales grâce à des approches croisées élaborées par des chercheurs allemands et français. Au prisme de l'entre-deux-guerres et de la Seconde Guerre mondiale, puis de la construction européenne, les utilisations du souvenir de la guerre sont étudiées, tout comme les oublis et les resurgissements, afin de montrer la complexité du cheminement d'une mémoire.
La Grande Guerre déchira l'Église catholique qui, dans les deux camps, usa des mêmes références bibliques et arguments théologiques pour justifier le conflit. Dans les diocèses occupés, le face à face de militaires et de civils, de laïcs et de prêtres ennemis a entretenu des représentations de l'autre interdisant tout véritable dialogue. Le clergé y a été confronté à des situations morales et religieuses inédites. Dans l'épreuve, il prit des engagements originaux, croisant charité et résistance. Dans ces mêmes diocèses, le clergé allemand, formé d'aumôniers militaires catholiques et protestants visités par leurs prélats, s'occupait des troupes, voire aussi des communautés locales sans pasteurs. À la fin du conflit, tous s'interrogèrent sur la manière de renouer le dialogue entre frères ennemis. Les diocèses en guerre ont été le cadre de relations religieuses complexes, entre solidarités confessionnelles et occupation militaire.
Cet ouvrage, qui représente les fruits d'une quarantaine d'années de recherches sur Claude Simon, fait alterner des études thématiques et des essais consacrés à des romans individuels ; une attention particulière est portée aux « presque non-dits » des romans. Les trois principaux thèmes étudiés ici sont l'anglicité, l'androgynie et l'antisémitisme ; ils sont parmi les plus importants de l'oeuvre tant en raison de leur dimension éthique que de leurs multiples résonances formelles et intertextuelles. Les romans ciblés, qui correspondent aux quatre périodes de l'oeuvre, sont Le Sacre du printemps, Histoire, Triptyque et L'Acacia, mais les autres livres de Simon sont abordés au cours des sept essais de l'ouvrage. « Le choix de clore le livre sur une étude du thème juif [...] est particulièrement justifié en ce qu'elle converge avec l'intérêt désormais avéré pour la relation des romans simoniens avec l'Histoire et pour leur intégration de discours sociaux et de questionnements éthiques et politiques », a-t-on commenté.
Les transformations culturelles, territoriales, sociales et économiques de l'Europe entre 1914 et 1945 furent le résultat de deux guerres mondiales se superposant à la modernisation et à la course au pouvoir mondial. Global dans son approche, d'une lecture facile, L'Europe d'une guerre à l'autre : 1914-1945 étudie de façon systématique les décisions prises par les dirigeants ainsi que les tendances développées par les sociétés sur un territoire allant de l'Irlande à la Sibérie, sans oublier les pays scandinaves, ibériques, baltes et balkaniques. En plus des sujets habituellement traités - la guerre, la Révolution russe, la Shoah, les dictateurs, les traités de paix et la Grande Dépression -, l'ouvrage apporte des lumières sur un vaste éventail de questions, telles que les colonies, la religion, l'aide humanitaire, les mouvements féministes transnationaux, la propagande, les changements démographiques, l'européisme, le rôle des États-Unis et les marchés du travail. Pris ensemble, ces développements forment la base de l'Europe d'aujourd'hui.
L'analyse de la vie publique d'Édouard Herriot (1905-1957) continue à être porteuse d'éclairages historiques multiples tant pour Lyon que pour la France et les relations internationales. En effet, pendant plus de 50 ans, Herriot a été maire de Lyon, député, ministre, président du parti radical et aussi de la Chambre des députés. Cette vie publique traverse toute la première moitié du XXe siècle, période riche en événements politiques majeurs : la Grande Guerre, la création du Parti communiste, le Cartel des Gauches, la question des dettes et des réparations, le Front populaire, Vichy et l'Occupation, la Libération, la IVe République, la CECA... Ce républicain, défenseur du régime parlementaire, est à la fois un édile populaire à Lyon, un humaniste confronté à la dureté des temps, un radical dépassé sur sa Gauche par la SFIO et le PCF et enfin un Européen méfiant vis-à-vis de l'Allemagne et naïf vis-à-vis de l'URSS.
La vie et l'oeuvre du cardinal Liénart donnent un relief particulier à la lecture d'une expérience vécue par de nombreux prêtres dont le courage et l'abnégation sont restés dans les mémoires. Dans son journal de guerre, il a noté les grands et les petits faits et gestes de la vie de chaque jour : banalité du quotidien, fraternité des tranchées, horreur des champs de bataille, avec en filigrane le souci constant de l'aumônier d'organiser la vie religieuse des soldats : messes et saluts, fêtes religieuses, funérailles..., célébrés souvent dans des chapelles de fortune jusqu'au coeur des tranchées. Il partage les espoirs et les doutes des soldats, reçoit confidences et confessions qui restent dans le secret des coeurs mais dont on peut deviner la profondeur. Adjoint au service de santé il secourt les blessés, au péril de sa vie. Il relève, identifie et inhume les morts. Achille Liénart a rédigé après la guerre le récit de ces événements, objet de la présente publication. D'un style, alerte le récit est abondamment illustré et aide à saisir comment l'expérience de « l'aumônier légendaire » du 201e RI, a marqué la personnalité du futur évêque de Lille. Plus généralement il est un témoignage poignant de la vie des tranchées et du rôle irremplaçable qu'y ont joué les aumôniers. Leur fraternité avec les « poilus » dont la souffrance reste souvent indicible, est faite, dans la vie comme dans la mort, de patriotisme, de foi, de courage et découragement, de révolte parfois, sans toutefois que s'éteigne la lueur de l'espérance. Un CD complète la publication de cet ouvrage. Il comprend la retranscription du journal quotidien dans son intégralité, la reproduction de l'ensemble du cahier manuscrit et des carnets de sépultures.
Comment les civils affrontent-ils la rupture des approvisionnements pendant l'occupation militaire de Lille ? L'incapacité de l'occupant allemand à assurer le ravitaillement provoque l'installation du Comité d'alimentation du Nord de la France, émanation dans la France occupée de la Commission for Relief in Belgium, vaste organisation philanthropique internationale animée par Herbert Hoover. La réorganisation du ravitaillement et des secours va permettre d'éviter la pénurie alimentaire dans cette région dévastée par quatre années de guerre et confrontée au défi du relèvement. Attentif à la vie quotidienne, aux attitudes individuelles et collectives face à la menace de pénurie, ce livre ne se réduit pas à l'histoire des conditions de vie et des souffrances des civils, mais propose également une histoire sociale de l'occupation en rapportant les évolutions locales aux enjeux d'une guerre mondiale.
Voici le premier ouvrage universitaire consacré au fils du cordonnier de Fougères devenu professeur, écrivain et académicien, à l'intellectuel engagé, à l'homme qui voulut « changer la vie » pour ne plus avoir à désespérer : Jean Guéhenno (1890-1978). François Mauriac a tenu à le rappeler : « Ce petit-fils de Rousseau, ce fils de Michelet, les hommes ne sont pas venus à bout de l'amitié qu'il leur voue ». Ni à bout de son esprit de résistance qui lui fit noter, dès le 17 juin 1940, dans son Journal des années noires, « je ne croirai jamais que les hommes soient faits pour la guerre. Mais je sais aussi qu'ils ne sont pas faits non plus pour la servitude ». Les textes de littéraires et d'historiens ici rassemblés portent sur les aspects les plus forts de son oeuvre et de ses combats, 11 Novembre et 8 Mai. Tous signalent le rôle qu'y a joué ce manuscrit refusé en 1921, cette méditation sur le sacrifice, à vingt ans, de ses camarades de la Grande Guerre, qui vient d'être enfin publiée chez Claire Paulhan : cette Jeunesse morte dont toute sa vie fut hantée. Comme Jean-Jacques, comme Michelet, comme Péguy, ces hommes de vérité, ces coeurs simples qui avaient volé eux aussi le feu de la culture et qu'il a su faire revivre et aimer, Jean Guéhenno a vécu « comme tous les autres, dans l'absurdité de son temps mais dans l'entêtement et la rigueur de sa seule pensée ».
L'historiographie ne s'intéresse que depuis peu à la réquisition des travailleurs civils, en dépit de l'ampleur du phénomène, de son importance dans la collaboration d'État et de son rôle dans le développement de la Résistance. Cette étude aborde la question dans une démarche d'histoire critique qui prend en compte le travail de mémoire des anciens requis et leurs représentations. Le recours massif au travail des étrangers, d'abord considéré comme un danger pour la sécurité interne du Reich, finit par s'imposer à lui comme une condition de sa survie. Au fil des étapes de ce recrutement, de l'appel aux volontaires à la réquisition forcée en passant par la Relève des prisonniers de guerre, le gouvernement de Vichy s'est progressivement engagé dans une collaboration au profit des intérêts allemands. Les archives françaises et allemandes, une étude statistique ainsi que l'analyse des témoignages oraux permettent de porter un regard détaillé sur la vie quotidienne au camp, en ville et au travail, sur la surveillance policière et les mesures disciplinaires, sur l'encadrement et la propagande, ainsi que sur le statut des travailleurs civils requis. Dans les usines allemandes, coexistaient des éléments d'accommodement et de conflictualité. Une partie originale est consacrée aux perceptions et comportements des requis du travail à l'égard de leurs compatriotes (prisonniers de guerre, volontaires, femmes françaises, déportés concentrationnaires), des autres étrangers (travailleurs de l'Ouest, internés militaires italiens, Polonais et Soviétiques) et des Allemands (employeurs, policiers, collègues de travail et femmes allemandes). Enfin, le livre s'intéresse à la Libération et au retour, puis au long combat des anciens requis pour obtenir la reconnaissance d'un statut de victimes du nazisme, enfin accordé en 2008.
Alors qu'il s'agit d'un terme clé pour les géographes, « l'espace » a connu dans les sciences historiques et politiques une longue période de quarantaine en Allemagne depuis 1945. Tabou depuis le nazisme, le terme a gardé des relents de revendication nationaliste, en particulier dans l'intérêt récent pour la géopolitique. Or, les sciences historiques et sociales sont affectées depuis une dizaine d'années par un net regain d'intérêt pour l'espace et pour la dimension spatiale des processus et phénomènes qu'elles étudient. C'est là l'une des conséquences de la remise en cause de la pertinence de l'échelle de l'État-nation comme cadre d'analyse. Parce que l'Allemagne présente des particularités dans l'emboîtement et l'interdépendance des différentes échelles spatiales d'exercice du pouvoir, notamment des échelles nationale et régionale qui sont elles-mêmes le produit de l'histoire allemande, elle offre un terrain privilégié pour l'étude de l'articulation de l'espace territorial et des espaces d'exercice du pouvoir. Croisant des approches micro et macro, cet ouvrage rend compte du dialogue de plusieurs disciplines (histoire, science politique, sociologie, études germaniques, géographie) sur les mutations qu'ont connues et que connaissent les espaces d'exercice du pouvoir en Allemagne. Il propose un regard pluridisciplinaire et une réflexion fondée sur les derniers développements de la recherche.
Un officier nazi fracasse la tête d'un nouveau-né contre un mur, un soldat SS ricane devant le spectacle de la déchéance du vieillard pour l'obtention d'un morceau de pain ; ce sont là des faits désormais connus du cauchemar hitlérien. Mais, ces images interrogent : cet officier, ce soldat ont été, un temps, des bébés graciles et merveilleux comme tous les bébés du monde, des écoliers à la sympathique turbulence, des adolescents qui ont frémi au premier « Je t'aime »... Qu'est-ce qui a fait de ces ex-bébés, ex-écoliers et ex-adolescents les monstres que l'on sait ? Parmi tous les facteurs qui peuvent expliquer ces transformations, Hubert Hannoun se penche sur celui de l'éducation. Quelle éducation peut fabriquer un monstre ? Question qui en porte une seconde : l'expression d'éducation nazie n'est-elle pas contradictoire si éduquer c'est élever, dans tous les sens de ce terme ? Pour y répondre, Hubert Hannoun analyse de très nombreux textes d'idéologues pré-nazis et nazis. S'il étudie plus spécialement le Mein Kampf d'Adolf Hitler, il se réfère, de plus, à tous les auteurs qui, avant lui, l'ont annoncé ou, à son époque, soutenu. Parmi les auteurs français, il rappelle les idées de M. Barrés, de Bonald, A. Carrel, P. Drieu La Rochelle, J.-A. Gobineau, G. Le Bon, J. de Maistre, Ch. Mourras, G. Vacher de la Pouge ; parmi les auteurs allemands, il cite E.-M. Arndt, H.-S. Chamberlain, J.-G. Fichte, M. Heidegger, J.-G. Herder, E. Krieck, P.-A. Lagarde (Botticher), F.-W. Nietzsche, A. Rosenberg. Son constat, après analyse, est double : - Il n'est aucune affirmation des théoriciens de l'éducation nazie de l'époque hitlérienne qui n'ait été déjà formulée par d'autres idéologues -- français ou allemand - des siècles précédents. En ce sens, l'apport de l'ère hitlérienne en la matière est nul. - L'édifice théorique nazi ne comporte aucune contradiction interne mais se fonde dans sa totalité sur trois principes infondés voire en contradiction avec les données de l'expérience. Ces trois principes sont ceux du naturalisme raciste (volkisch), de la hiérarchisation des êtres et du providentialisme. Hubert Hannoun en vient ainsi à repousser les thèses nazies en dénonçant les fondements à la lumière des conquêtes des sciences contemporaines (histoire, biologie, ethnologie, sociologie...). Son argumentation lui permet d'affirmer, en conclusion, que la formation nazie ne peut que revêtir l'aspect d'un dressage infra-éducatif.
La destinée historique de la région de Palestine apparaît comme singulière. Terre réputée sainte par les fidèles de trois grandes religions, elle n'a que rarement constitué au cours des siècles une entité politique indépendante. Elle a, au contraire, été soumise à la domination successive de plusieurs grands empires, au sein desquels elle n'a joué qu'un rôle marginal. C'est au xxe siècle, avec l'éclatement de l'unité politique du Moyen-Orient que la Palestine connaît une évolution qui la distingue nettement des régions voisines. L'entreprise de renaissance nationale juive qui y est menée par les militants du sionisme, à la faveur des bouleversements provoqués par les deux guerres mondiales, se heurte à l'opposition résolue de la population arabe. Le choc de deux légitimités totalement opposées est la cause majeure d'un conflit dont la dimension est à la fois locale, régionale et internationale. L'issue de ce conflit reste incertaine malgré l'amorce d'un processus de règlement pacifique.
Au tournant des 19e et 20e siècles, le concept de terrain fit son apparition dans le domaine des sciences humaines et sociales tant en Allemagne qu'en France. Dans une situation de concurrence où de nouvelles disciplines essayaient à l'époque d'établir leur légitimité, la notion de terrain devenait une marque de scientificité indéniable. Si l'ethnologie, la géographie, la géologie, l'archéologie, la sociologie entretenaient un rapport étroit au « terrain » dans sa dimension spatiale, sociale et heuristique, elles le pratiquèrent de manière empirique avant d'en proposer une définition claire. Le présent ouvrage se propose d'explorer les différentes facettes de cette question centrale du terrain en l'envisageant dans ses rapports théoriques et expérimentaux, mais aussi dans ses méthodes et relais. Le succès de ce concept fut d'autant plus appuyé et couronné de succès que l'État sut très vite le mettre à son service en en faisant très précocement un outil politique majeur.
Aragon est un homme marqué par l'Histoire : né en 1897, il a connu les deux grands conflits mondiaux, mobilisé en 1918 et 1939, l'entre-deux-guerres, la Résistance, la guerre froide. Dans les romans du Monde réel, un événement domine tous les autres, la guerre, plus particulièrement la Grande Guerre. Pendant longtemps, il refusera de la nommer. Mais, quand il répond à l'appel du roman, il ne peut échapper au « vertige apocalyptique », de telle sorte que « tous les romans du Monde réel ont pour perspective ou pour fin l'apocalypse moderne, la guerre ». La guerre comme apocalypse, catastrophe, mais aussi, étymologiquement dévoilement. Concevant le roman comme « une machine, au sens moderne de ce mot, à transformer au niveau du langage la conscience humaine », Aragon pense la guerre pour montrer le dessous des cartes, les causes profondes du conflit. S'il se refuse à considérer la catastrophe comme fatale, il suggère la part d'inintelligible, d'obscur que recèle l'Histoire. Ce travail de recherche se propose d'analyser comment Aragon, dans le roman, fait l'expérience de sa pensée, une pensée qui se révèle plus complexe que celle qui peut se lire dans les déclarations du militant politique qu'il est aussi. Dans ces oeuvres où la réflexion historique est mise au service d'une ambition romanesque, il confirme que « le roman est [...] un langage qui ne dit pas seulement ce qu'il dit, mais autre chose encore, au-delà ».
Peu de villes française possèdent un passé aussi riche, passé qui marque encore de nos jours le paysage urbain. La Haute Ville, avec ses remparts, son château féodal, la partie ancienne de son beffroi construite sur l'emplacement du Castrum romain de Gesoriacum devenue Bononia au ive siècle, évoque les grandes heures médiévales, lorsque le nom des comtes de Boulogne était connu jusqu'en Terre Sainte. La Basse Ville, rassemblée autour de Saint-Nicolas, Bréquerecque, la Beurrière et Saint-Pierre, le port témoigne de l'importance de l'industrie, du commerce et de la pêche aux xixe et xxe siècles. La colonne de la Grande-Armée et le château de Pont-de-Briques soulignent la place tenue par Boulogne dans l'épopée napoléonnienne. Non loin, blockhaus et casemates rappellent les durs moments de la Deuxième Guerre mondiale dans une ville qui a connu 146 bombardements ayant fait des victimes. Enfin, aujourd'hui comme hier, la cité est dominée par la silhouette du beffroi et de la cathédrale, reconstruite au xixe siècle, qui évoquent les grandes heures de l'histoire de la cité. Oui, destin historique exceptionnel que celui de cette ville qui, de César à Hitler, en passant par Louis xiv et Napoléon, a vécu aux avant-postes les grands conflits de l'histoire européenne.
Face à l'invasion allemande le recteur Georges Lyon décide en 1914 de rester à la tête des structures scolaires et universitaires de la partie occupée de l'académie de Lille pour mieux les maintenir en vie. Il rédige pendant la guerre ses Souvenirs qui constituent un témoignage d'une grande richesse pour saisir la vie des habitants. Membre de l'élite culturelle, en lien avec les autorités d'occupation et avec les notables - dont le maire de Lille Charles Delesalle, l'évêque Monseigneur Charost, et de nombreux universitaires -, Georges Lyon décrit les exigences allemandes, la vie difficile des Lillois marquée par les pénuries et les réquisitions, voire les déportations. Il s'intéresse aussi aux rapports qui se nouent entre les occupants et les occupés, montrant certaines accommodations mais aussi l'importance du refus. L'ouvrage, outre une présentation des apports majeurs des Souvenirs, est constitué de la retranscription annotée des feuillets manuscrits de Georges Lyon.