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Voici réunies diverses approches autour de l'espace insulaire en littérature. L'île est un témoin du temps. C'est aussi le théâtre d'une histoire où l'îlien devient premier homme et fonde un ordre ambigu : parfait mais fragile, organisé mais friable, et dont les paradis sont des prisons qui conduisent, après Bougainville et Darwin, après la robinsonnade et ses imitateurs, à l'envers carcéral insulaire exploré chez Jules Verne et dans des récits du bagne outremer. Auteurs entre autres étudiés : Jules Verne, Daniel Defoe, Charles Darwin, Charles Garnier, Jean Mariotti, Georges Baudoux, Pierre Loti et Marguerite Yourcenar.
Éloigner : telle est l'alternative offerte à l'enfermement pour la punition du crime. Il ne s'agit plus seulement de soustraire au territoire national, il faut aussi retrancher de l'espace continental. Ainsi naît l'idée de transporter des condamnés prioritairement dans les îles. On trouvera de la sorte un prétexte à l'annexion de celles-ci, d'abord, ensuite un moyen pour les coloniser. Pour autant, l'insularité reste une prison : la mer y a des murs et la géographie, qui n'a pas assez d'isoler, punit de surcroît par la distance.
On n'a plus guère idée du succès connu par Loti chez ses contemporains ; mais ce plus jeune académicien aurait vieilli, dit-on, victime en postérité d'une écriture et d'une pensée tournées vers un souci constant : celui de sa disparition. La renommée de Loti reposerait de son vivant sur un malentendu. Loti l'enchanteur est d'abord enchanté de lui-même. Or, il a fini par s'abîmer dans son oeuvre. D'où les clichés. Mais ces aspects viennent à se retourner. Les derniers moments sont les premiers. L'exotisme est l'autre nom d'un quelconque ordinaire.
La solitude et la servitude présentes dans les oeuvres de Defoe et de Cervantes feront naître le roman moderne et entendre des voix jusqu'alors inattendues. La prison serait-elle une limite où le confinement du lieu s'ouvre aux confins de la création ? La peine a sa littérature et la prison son histoire. De cellules en prisons d'État, de bagnes en colonies de déportation, Sue Dumas, Stendhal, Hugo, Balzac, ou Verne oscillent entre imaginaire criminel et conception pénal. Or le roman dit plus qu'il n'est écrit.